Biennale de Sao Paulo à Luma

Biennale de Sau Paulo, Luma, Arles

Luma se met aux couleurs de l’Amérique du Sud, avec l’expansion européenne de la 34ème biennale de Sao Paulo telle qu’elle se présente dans les Forges de Luma, de l’autre côté du Rhône, à quelques encablures du Gard et de notre région. Intitulée « Même dans la pénombre, je chante » (vers emprunté à un poète amazonien), elle confirme la tendance générale qui veut que les artistes se tiennent éveillés et remettent en question les valeurs et les certitudes de leurs ainés ou ancêtres, qu’il s’agisse de postulations postcoloniales, d’identité sexuelle, de l’avenir incertain de la planète ou de l’égalité pour tous. Les artistes, à majorité sud-américaine, plus précisément brésilienne, et donc particulièrement concernés, entrent en quelque sorte en résistance et participent de cette transformation universelle des modèles imparfaits, puissants et hégémoniques. Ainsi, sur les deux étages, est-on plongés dans un exotisme profond, qu’il s’agisse des peintures à la gouache sur la faune et la flore inclassable d’Alice Shintani, inspirées de la forêt malmenée, des tapis chamarrés suspendus de la chorégraphe israélienne Noa Eshkhol, faits de chiffons et tissus récupérés, ou des monotypes concoctés par Carmela Gross, déclinant sur l’intégralité d’un mur porteur ses séries de 150 ténébreux volcans. L’image en mouvement et le son sont omniprésents pour exprimer la colère ou la résilience, à l’instar d’une part des récits légendaires de Naoli Ricon Gallardo (USA), hauts en couleurs, de l’autre de la langue sifflée des zapotèques (indéchiffrable pour les conquistadors), enregistrée sur vinyle, de la colombienne Gala Parra-Kim. Les souvenirs douloureux et les exactions en surnombre subies par les hommes, la forêt, les traditions font du parcours une véritable épreuve initiatique dont on ne ressort pas indemne et qui nous incite à revisiter notre Histoire et notre Art : en témoigne la Lettre au vieux monde de Jaider Esbell qui court le long d’un mur, de papiers imprimés et rehaussés de revendications. La vieille cloche d’une église coloniale est là pour nous rappeler à l’ordre, en vidéo (Ouro Preto). Les ombres démesurément dilatées dans les photos noir et blanc de Regina Silveira vont au-delà de la dénonciation d’une ponctuelle dictature. La performance filmée de Seba Calfuequeo, dans divers lieux, publics ou culturels, donne corps aux marges opprimées de la société chilienne. On ne peut demeurer insensible aux chants du souvenir portés en chœur et revendiqués par Sueli Maxakali… Ou aux stéréotypes de l’homme noir déclinés par  Zozimo Bulbul. Au caractère dramatique aussi des céramiques du martiniquais Victor Anicet, l’ami d’Edouard Glissant, chantre de la créolisation… Passionnante également la vidéo à multiples facettes de l’américaine Amie Siegel, laquelle souligne les contrastes criards qui caractérisent la péninsule arabique (entre village abandonné au sable du désert et palais où les purs sangs ne manquent pas d’eau…). A l’entrée de la Biennale, les films du malien, Manthing Diawara et le séries de portraits du précurseur Patrick Frédérick Douglas donnent du caractère offensif et revendicatif aux œuvres exposées. Pour ceux qui ne connaissent pas, en profiter pour visiter la tour, ces œuvres in situ, ses expos temporaires et ses riches collections d’art contemporain. BTN

Jusqu’au 5 mars, 35, bd Victor Hugo, 0465081000

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