Djamal Tatah, Musée Fabre

Djamel Tatah, Musée Fabre

L’exposition de Tjamel Tatah frappe par son unité de ton, de contenu et d’esprit. Elle se déroule en 7 étapes, dont une dans le hall d’entrée, laquelle nous plonge d’emblée dans le bain thématique et tonal qui caractérise cette œuvre étalée sur une quarantaine d’années, – cinq qui couvrent les salles du rez-de-chaussée et une dans l’atrium. L’une des cinq salles, centrale, donne son titre à l’ensemble : Le théâtre du silence. L’expression cultive l’oxymore. Elle souligne l’importance de l’incommunicabilité entre individus, et peut-être du peintre et du public, de même qu’elle met en exergue l’impression de solitude qui se dégage de leur être et de leur attitude. Et aussi leur mise en représentation dans le cadre, parfois redoublé, des tableaux. Ce titre peut sans doute aussi faire allusion à la danse, laquelle tient à la fois de l’art dramatique et de la pantomime muette, notamment dans les séries sur les corps flottants, en chute ou en vol, à l’instar d’anges déchus. Dans le hall, un alignement en frise de 12 silhouettes, grandeur nature, à l’huile sur fond monochrome, lisible dans les deux sens, distingue un personnage inlassablement répété, un jeune homme dit du peuple, peut-être d’une banlieue anonyme, dans une posture d’attente, comme avant l’entrée en scène, dans une attitude sans doute méditative qui exclut la croisée des regards avec le spectateur. A l’autre extrémité, dans l’atrium, l’artiste a judicieusement utilisé l’espace mis à sa disposition en recourant à de longs lés gravés et peints recto verso, représentant des corps en lévitation, dans une volonté d’élévation spirituelle, au moins tentée, renforcée par la translucidité et sa lumière. Au rez-de-chaussée, nous sommes conviés à découvrir les premières œuvres de l’artiste, lequel a d’emblée trouvé dans la figure humaine son motif pictural. Son originalité consiste à le présenter sur des fonds monochromes et des figures géométriques de base. Issu de l’immigration mais adopté par la culture française, Djamel Tatah conjugue de surcroît deux traditions. En ces années des origines, il recourt à des supports de bois, de planches un peu rude et à la cire un peu rêche, pratiquant tantôt l’autoportrait plus intimiste et cherchant à définir qui il est, tantôt le portrait de familiers photographiés, tantôt le portrait collectif, comme ce chœur douloureux de Femmes d’Alger. Cette double appartenance expliquerait en partie la seconde période présentée où l’on voit des corps « En suspens », explorer les contours de la toile laquelle, redressée donne un sentiment chorégraphique de mouvement, et de lévitation, dans un espace à la fois confiné par le cadre et libéré par l’apesanteur. Nous abordons ensuite la fameuse salle carrée où se déploie le fameux Théâtre du silence, où le mouvement s’est stabilisé. Ou du moins codifié : Toujours sur fond neutre, au cadre redoublé, on peut voir par exemple un même personnage dans trois positions différentes : assis sur un banc, couché, debout, en marche. Un concentré des activités humaines traité de manière hiératique – et sans doute aussi de son existence. De même que la jeune personne en cage, on sent que l’œuvre affirme sa volonté métaphysique de parler de l’homme en général, au-delà de tel événement en particulier. Les deux autres sections, Répétitions et Présences  présentent des individus tantôt solitaires, méditant ou se risquant à nous observer de manière frontale, tantôt en groupes, de deux ou de plusieurs, aux mêmes attitudes, à l’instar de robots ou de clones soumis à des gestes rigoureusement identiques (ou quasiment). Cette œuvre manifeste alors sa cohérence, on la reconnaît d’emblée entre mille et sa reconnaissance exposition muséale nous permet de nous familiariser avec son caractère désespéré, qu’il faut prendre tel un exorcisme plutôt que comme une complaisance dans la tragédie foncière de l’humain. Du moins, nous touche-t-elle parce qu’elle touche à l’universel, dans ses thèmes comme dans les représentations qu’elle en donne, et dans cette sobriété qui demeure fidèle à ses choix fonciers : le fond et la figure, à partir desquels Tatah a sur concevoir de multiples variations jamais lassantes mais au contraire à chaque fois renouvelées. BTN

Jusqu’au 16 avril, Bd, Bonne-nouvelles

 

 

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