Samir Mougas au CACN et Jean Denant, Galerie Gagliano (Nîmes)

Samir Mougas, CACN (Nîmes)
Pissevin, dans la banlieue de Nîmes, ce n’est pas seulement un lieu de violences urbaines qui font le quotidien des médias : ce sont également bon nombre d’initiatives qui éclairent la vie d’un quartier d’un jour nouveau. Le CACN y contribue et cette nouvelle expo, celle de Samir Mougas y concourt d’autant plus qu’elle s’appuie d’une part sur une observation très fine du quotidien (visières ou casques, capot automobile, écran…), d’autre part qu’elle interroge sur les effets de L’I.E dans le champ de l’art contemporain, au moment même où scénaristes et acteurs commencent à s’inquiéter. La spécificité du lieu, constitué de petites pièces, se prête à un parcours à même de réserver des surprises Et d’abord l’exposition est composée de deux parties : une actuelle, tournée vers l’avenir, rythmée par des papiers peints en dégradés de lumière et de gris, de valeurs au fond, obtenus grâce à des calculs algorithmiques, l’autre revenant sur ses réalisations passées, et plus disparates en apparence. Dans la première partie, il est question de distributeurs de nourriture, en matériaux non nobles ou modernes, et réalisés à partir de l’I.A. Il s’agit d’énoncer à l’IA des phrases complexes sur la machine à laquelle pense l’artiste et de se servir du résultat obtenu pour réaliser les œuvres, dont on ne s’étonnera pas qu’elles aient à la fois un aspect mécanique, industriel et sophistiqué. La monochromie est lors de rigueur et les formats sont censés relever de l’humain. Associée au papier peint, chaque sculpture (en carton, polystyrène et résine) murale passe pour une peinture en relief. Chaque pièce, y compris le hall et le corridor, présente ainsi ces prototypes conçus par l’I.A. sur proposition humaine et fabriqués en gardant en tête l’œil ouvert à des analogies décoratives ou au design raffiné des objets. Samir Mougas soigne ainsi la finition, avec une prédilection pour les courbures et formes arrondies, plus humaines et attrayantes. Dans la deuxième partie la présentation se fait hétéroclite : Une sorte de tondo, en fibres et isolants, sobre et géométrique, autant dire abstrait, et facteur d’unité, sert de transition et dit adieu au papier peint sous-jacent. Plusieurs périodes de l’activité du sculpteur nous sont alors proposées. L’une où il conçoit des émojis géants, en matière artificielle qui trompe nos sens. Il s’agit de signes qui ne demandent qu’à trouver leur signification et que chacun interprète ainsi qu’il l’entend. Le procédé rappelle l’écriture, le trait en volume, et les débuts muraux de l’ancien tagueur. Ce dernier s’est également essayé à la peinture acrylique, en usant à la fois de grilles répétitives, et à des accumulations de points, suscitant un impact sur l’œil du regardeur, de couleurs différentes, donnant naissance parfois à une contre forme blanche à la découpe complexe. Il s’est également intéressé à la céramique et au grès, dont trois spécimens donnent un exemple, plus ou moins compacts, plus ou moins aérés, plus ou moins modelés Ils sont déposés sur une table de bois, éclairés par une lampe futuriste. L’artiste ne se limite pas aux murs. Il part aussi à l’assaut de l’espace. Enfin, l’œuvre qui ponctue l’exposition s’apparente à une console ou étagère. Les points se sont faits creux, même si la couleur demeure et l’on revient ainsi au point de départ : les machines à nourriture. Ainsi, les œuvres du passé, formellement assez proches, que l’on peut interroger pour elles-mêmes, prennent-elles une orientation différente à la lumière des préoccupations plus présentes de l’artiste : comment concilier l’humain et la machine ? Mougas se situe dans le présent et anticipe sur le futur mais il s’enracine dans des postures ancestrales : communiquer, faire signe, progresser, embellir, assembler. Le mot Sérendipité lui convient comme un gant car les formes qu’il obtient sont toujours inattendues. L’exposition vise à concilier créativité individuelle et exploitation du robot en montrant que l’intervention humaine demeure prépondérante. En tout cas la question est posée dès à présent. Ce seront aux prochaines générations d’en mesurer les limites ou excès. BTN
Jusqu’au 24-2

Jean Denant, Galerie Laurie Gagliano, Nîmes
Un pur sétois, qui a laissé déjà des traces dans son port d’attache (Le Pont des Arts, à l’entrée sud de Sète, et une Méditerranée, en inox poli, sur la Corniche), part à l’assaut de la forteresse nîmoise. Juste retour des choses pour cet ancien étudiant du Lycée Camargue (Hemingway) et qui vécut trois années consécutives dans le quartier Pissevin, près de l’actuel CACN. Jean Denant expose en effet chez Laurie Gagliano, place d’Assas, face à la fontaine chère à Martial Raysse. Jean Denant, pour ceux qui le découvriront, ce sont des dessins à la gouge sur bois de coffrage, le procédé consistant à prélever de la matière pour réaliser de sombres paysages de sous-bois ou de lumineuses villes modernes en chantier. Les formats sont alors imposants de manière à submerger le spectateur qui semble à même de pénétrer dans l’œuvre. Jean Denant, c’étaient naguère des images portuaires projetées sur des reliefs de plâtre de petites dimensions, et qui prenaient corps et contours, là où on les connaît plates et communes. L’image était à portée de main, pas seulement des yeux. Chez L. Gagliano, il conserve le procédé mais à partir de photos prises en Crète, de vases et de petit clins d’œil à la Maison Carrée et aux ruines antiques, que l’artiste représente avec des matériaux et procédés de reproduction modernes. On ne peut penser à Sète sans évoquer la Méditerranée, métonymie du port sétois ouvert au voyage marin. Sa forme en creux a beaucoup inspiré notre artiste, jouant à la fois sur la lumière et sa réflexion, créatrice d’images à la dimension du monde environnant, mais sur le vide qui finalement fait le plein. L’image reflétée rendait ainsi la pierre quasi intelligente dans sa capacité à réfléchir ce qui l’entoure. Chez L. Gagliano, il leur préfère les mappemondes. L’idée d’ouverture portuaire est toutefois la même. On se souvient de sa fresque de planisphère à La Rochelle, réalisée au marteau, directement dans la rue. Elle a fait des petits en Placoplatre, en référence à l’architecture. Les œuvres sur bois usinés, imposantes ont la double capacité d’exploiter un matériau pauvre et urbain, lequel se suffit à lui-même, et de fixer une image en creux, qui plus est, de constructions éphémères, telle la vie toujours en métamorphose. Le travail est sobre, le matériau fournit la couleur et le support, lequel ne demande qu’à s’animer. Dernièrement, il semble s’être intéressé à la Nature morte et aux motifs floraux, davantage picturaux, mais avec une technique moderne, si particulière, à partir du ciment liquide et de poussières de brique, sur papier. Cela lui permet de recourir à un geste plus direct que dans les bois usinés qui supposent un long travail préparatoire. Et de traiter du caractère éphémère des choses humaines selon le principe des Vanités anciennes. Pourtant le clou de cette expo, en référence aux monuments de la ville romaine, c’est la présence d’une amphore imposante, à partir de briques cassées et de ciment, matériaux urbains. L’amphore, les images crétoises, une scène taurine permettront au public non averti de sa familiariser avec cette œuvre cohérente et en perpétuel mouvement. Rappelons qu’elle est visible en permanence au Réservoir, sur Sète, qui produit la plupart de ses œuvres. Et qu’à Faugères, dans les Haut Cantons du Languedoc, on peut se mirer dans un immense paravent ou polyptyque, qui joue avec le paysage, en pleine nature, et brouille nos repères, lesquels font trop confiance à l’œil souverain. Le paysage aussi réfléchit… BTN
Jusqu’au 25-11

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