Journée d’étude de la revue « Marges » : Art et travail

Depuis une cinquantaine d’années, le terme « travail » pour désigner une œuvre, ou de « travail artistique » comme équivalent de « pratique artistique », est entré dans le langage courant. S’il semble avoir perdu sa portée politique pendant un temps, celle-ci réapparaît régulièrement depuis une quinzaine d’années dans les revendications professionnelles des artistes et actrices ou acteurs du secteur des arts visuels. Traduisant l’opposition historique entre régimes vocationnel et professionnel de l’art, les récents débats sur la création d’un statut pour l’artiste, qui en réglementerait les conditions d’exercice et de rémunération, s’appuient précisément sur le travail et ses enjeux tant politiques que théoriques. Empruntant les définitions du travail en tant que concept philosophique, sociologique, économique ou juridique, des revendications actuelles rejoignent des enjeux qui ont fondé la posture de l’artiste-travailleuse ou travailleur quelques décennies plus tôt. En étant à la fois support et sujet du processus créatif, l’apport du concept de travail participe ainsi à modifier la création par sa dimension (auto)réflexive.

Cette journée d’études de la revue Marges souhaite revenir sur l’histoire des relations entre art et travail au tournant des XXe et XXIe siècles, afin d’observer la manière dont s’est construit et déconstruit ce parallèle et dont s’est dessinée la posture de l’artiste-travailleuse ou travailleur. Au regard de son histoire comme des revendications actuelles, il s’agit ici d’interroger les potentielles discordances ou concordances de ce rapport entre art et travail, ainsi que les manières dont il se traduit dans les pratiques artistiques contemporaines. En s’intéressant prioritairement aux quarante dernières années, cette journée d’études pose ainsi comme questions : Qu’est-ce que le travail fait à l’art, et inversement ? Comment se construit le rapport au travail des artistes ? Les artistes sont-elles et ils des travailleuses et travailleurs comme les autres ? Qu’est-ce qui qualifie leur activité comme étant un travail ?

Programme

9h – Accueil des participant·es

9h30 – Introduction, par Émeline Jaret, maîtresse de conférences à l’université Rennes 2 (UR PTAC)

  • 9h45 – De la matérialité de l’œuvre aux conditions matérielles de l’art : localiser le travail de création contemporaine depuis les « lieux en commun », par Isabelle Mayaud, sociologue (Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris — UMR 7217)
  • 10h15 – « On n’est pas des rustines de la République » : entre injonctions institutionnelles et pratiques militantes, quels rôles pour les artistes ?, par Tecla Raynaud, doctorante en sociologie à l’Université Lyon 2 (Centre Max Weber — UMR 5283)

10h45 – Discussion

11h – Pause

  • 11h15 – New York-Koweït : pratiques en réseau entre la plateforme DIS et la délégation GCC, par Joan Grandjean, assistant et doctorant à l’Unité d’arabe de l’Université de Genève
  • 11h45 – Assistant·es d’artistes, au-delà du consensus auctorial : l’exemple de l’Arte povera et la création de Attitudine Forma (1996), par Estelle Nabeyrat, commissaire d’exposition et critique d’art

12h15 – Discussion

12h30 – Déjeuner

  • 14h – Work, unwork, rework. Lenore Tawney, Eva Hesse, Harmony Hammond, par Antoine Garrault, historien de l’art
  • 14h30 – « Lo chiamano amore ». Intersections entre travail créatif et travail reproductif dans la pratique artistique italienne des années 1970, par Camilla Paolino, doctorante à l’Université de Genève et curatrice
  • 15h – Le « dé-travail » de Valérie Solanas dans l’œuvre de Chiara Fumai : un exemple d’appropriation artistique d’une notion féministe radicale, par Ariane Fleury, doctorante à l’université Paris 1 – Panthéon Sorbonne

15h30 – Discussion

15h45 – Pause

  • 16h – L’invisible travail de l’autoportraitiste dans La Télévision de Jean-Philippe Toussaint, par Vivien Poltier, doctorant en littérature française à l’Université de Lausanne (UNIL)
  • 16h30 – Pilvi Takala : l’artiste comme employé·e, par Mickaël Pierson, historien d’art

17h – Discussion

17h15 – Conclusion et clôture

Biographies

Ariane Fleury est doctorante à l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, sous la direction d’Aline Caillet. Dans le cadre de sa thèse, elle étudie des stratégies artistiques et curatoriales s’appuyant sur des concepts issus du militantisme féministe. Elle a auparavant mené pendant deux ans un travail de recherche et de commissariat d’exposition au sein de l’association AWARE. Elle a participé au colloque Luttes communes, Stratégies divergentes en 2021 à l’université de Tours. Elle a également publié un article dans la revue Figures de l’Art n°40 en 2022.

Antoine Garrault est philosophe de formation et a soutenu une thèse de doctorat en histoire de l’art à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (L’expérience comme art. Résurgences du pragmatisme dans les arts aux État-Unis, 1965-1973). Ses recherches portent aujourd’hui sur la redéfinition des relations entre art et artisanat au cours des années soixante et soixante-dix.

Joan Grandjean est assistant et doctorant à l’Unité d’arabe de l’Université de Genève. Sa thèse en cours est intitulée : « Et si… des “futurismes arabes” en histoire de l’art ? ». Il est l’un des membres fondateurs de Manazir et de Manazir Journal. Affilié à l’équipe du Laboratoire des Imaginaires ainsi que de l’ARVIMM, il travaille actuellement à un projet de recherche sur les dons de la région MENA faits aux organisations internationales de Genève, soutenu par la Fondation Boninchi.

Isabelle Mayaud est sociologue et rattachée au Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (UMR 7217). Docteure spécialiste de sociologie des sciences, de sociologie de la culture et de sociologie historique du politique, ses terrains de recherche croisent art et science pour interroger les dynamiques d’innovation collective. Elle exerce actuellement à Universcience (Cité des sciences et de l’industrie et Palais de la découverte) et en tant que chargée de recherche freelance.  

Estelle Nabeyrat est commissaire d’exposition et critique d’art (membre de l’AICA). Avec Eva Barto, elle organise l’émission radio ForTune sur la condition des travailleurs·euses de l’art et diffusée sur *DUUU. Actuellement, elle intervient au département design de l’ENS Paris-Saclay.

Camilla Paolino vit à Genève, où elle travaille en tant que chercheuse et curatrice indépendante depuis 2014. Doctorante à l’UNIGE, ses recherches portent sur les liens entre travail créatif et travail reproductif dans la pratique artistique italienne des années 1970. À ce jour, son travail de recherche a été présenté auprès de l’IHA de Lisboa (2019), FRI ART–Kunsthalle Fribourg (2020), Université de Fribourg (2021), ainsi qu’à la Kunstalle Bern (2022) où elle travaille également comme curatrice.

Mickaël Pierson est historien d’art. Il a soutenu en 2017 un doctorat en Arts, esthétique et sciences de l’art à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne sur le thème De la salle obscure à l’exposition : appropriation et réinterprétation du cinéma par les artistes plasticiens 1986-2016. Ses recherches portent notamment sur la circulation des images et des artistes entre art contemporain et cinéma, et sur les dispositifs de monstration des images en mouvement. Il publie, entre autres, dans des revues scientifiques (Chimères, exPosition, L’Art même, Marges…) et a participé à différents ouvrages dont le dernier est à paraître : Esthétiques du désordre. Vers une autre pensée de l’utopie (Cavalier bleu).

Vivien Poltier est doctorant en littérature française à l’Université de Lausanne (UNIL), il s’intéresse d’emblée aux apports de la sociologie littéraire. Dans son travail, il s’intéresse à la littérature du travail qu’il articule à la question de l’engagement, intégrant à sa réflexion des enjeux historiques, sociologiques et politiques. Il poursuit actuellement ce questionnement dans le cadre de sa thèse (Doc.CH), financée par le Fonds national suisse (FNS), intitulée Les conflits de l’engagement. Le cas de conscience des écrivains face au travail (19e-21e siècle) et dirigée par Marta Caraion (Université de Lausanne) et Dominique Viart (Université Paris-Nanterre).

Tecla Raynaud est doctorante en sociologie au Centre Max Weber à Lyon. Dans ce cadre, elle travaille sur les pratiques participatives dans les domaines des arts visuels et contemporains, et les liens entre arts et politique dans ces contextes. Elle travaille par ailleurs depuis 2015 au sein de structures associatives culturelles qui proposent elles-mêmes des ateliers de création artistique participative.

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