Ouverture Luma en Arles

LUMA, LA TOUR + PARC DES ATELIERS, ARLES (13200)
La tour voulue par Maja Hoffmann et conçue par Frank Gehry (cf. Bilbao) ne se contente pas de dominer la ville ni même la Camargue toute entière. On ne lui voit guère de concurrente de cette ampleur dans notre région et elle fait d’emblée partie du patrimoine architectural de notre pays qui doit aussi penser à demain. Sans doute se trouvera-t-il quelques grincheux pour en critiquer les miroitements de façade ou la forme bizarre et torsadée, son côté ruine prématurée. Il y eut quelques-uns jadis pour la Tour Eiffel, dont on rit ouvertement aujourd’hui. Elle surplombe le parc des ateliers, ses forges, sa mécanique générale, sa grande halle etc., anciens lieux de travail ferroviaire, tous promus à des expos temporaires de prestige. Profitant de la gratuité inauguratrice et estivale, et muni d’un billet à l’avance réservé, le visiteur ne saurait être déçu. Outre les enfants qui emprunteront « l’Isométric slide » (toboggan) imaginé par Carsten Holler ou le Skateparc de Koo Jeong A, les amateurs d’art contemporain auront de quoi sustenter, en tout cas pour l’instant, soit avec les œuvres pérennes (le plafond d’Olafur Eliasson ou le petit théâtre de Gonzales-Foerster par exemple, le jardin intérieur de Liam Gillick ou l’escargot à l’archet d’Anri Sala et, dans la galerie sud, la série de films No more reality, de Philippe Parreno, juste devant un plan d’eau rivalisant dangereusement avec le parquet) mais aussi des collections privées de la propriétaire des lieux et milliardaire suisse. Dans la galerie Est, quelques œuvres majeures étalées sur trois générations nous attendent : quelques tableaux superbes, propos sur fond blanc, de Twomby, une installation de basalte gris de Richard Long et ses fameux alignements, une tapisserie d’Alighiero e Boetti, un escalier de Bruce Nauwan, une forme féminine suspendue de Rosemarie Trockel, de discrètes photos de couples se déshabillant de Duane Michals… Au sous sol ou rez-de-jardin, dans la Collection dite temporaire, dans une salle bien plus ample, des œuvres monumentales signées Paul Mac Carthy (Blanche Neige en bois) ou Mike Kelley (Grotte à oxygène), et la relecture de l’Enlèvement des Sabines, sculptures géantes de Urs Ficher, quelques Franz West en papier mâché (présent aussi avec une sculpture rose à l’extérieur et surtout avec des canapés opportuns), deux miroirs figuraux de Pistoletto, quelques objets associés de Fichli et Weiss, les ombres quotidiennes de Hans Peter Feldmann, les Nefertiti aux lunettes d’Isa Genzken, une sainte en bronze de Katerina Fritsch, des photos témoignages de Diane Arbus… Ces œuvres dérangeantes sont à mettre en rapport avec le moment un peu particulier que nous vivons. Un peu plus loin les archive vivantes avec Annie Leibovitz, et Nan Goldin entre autres. Près tout, on est dans la ville de la photo. Dans la glassroom on peut s’étonner, deux heures durant, des prélèvements de films opérés par Christian Marclay autour du thème temporel : The clock. Qui pénètre en ces lieux, cette tour, ignore quand il en ressortira. Il y a beaucoup à voir, encore n’ai-je pas cité tous les artistes ayant collaboré à son achèvement. Encore n’avais-je pas cité le « drum café » dessiné par le spécialiste des endroits conviviaux, l’un des exemples les plus criards de l’esthétique relationnelle, l’argentin Rirkrit Tiravanija (présent aussi sous forme de tableaux muraux dans l’expo temporaire). Ou les coups de vent dans la fresque en céramique D’Etel Adnan dans l’auditorium. Outre les journées internationales de la photographie, et la remise du prix Christian Dior (remportée par l’arlésienne Cédrine Scheidig), les Ateliers ne sont pas en reste. La Grande Halle est occupée par une incroyable installation vidéo de Pierre Huyghe mais aussi par des cellules cancéreuses vivantes, des ruches d’abeilles, des fourmilières, du silicone, de la résine ou du colophane pour les sculptures au sol. Un lieu immense pour une ambition démesurée qui va au-delà de l’art et sans doute de la vie telle qu’on la conçoit encore aujourd’hui. Sur chaque écran des images défilent à tout allure, censées nous informer sur ce qu’il se passe dans nos cerveaux quand nous les réceptionnons, à grand renfort d’algorithmes informatiques. Il est évident qu’on est ici dans une autre dimension, d’un art qui parie sur l’avenir, d’un art censé définir de nouveaux territoires d’investigation adaptés à nos époques tumultueuses et prospectives. Même impression à la Mécanique générale où 4 artistes nous offrent un prélude, P.Staff en déclinant des mots lumineux, la qatari Sophia Al Maria en conjuguant les deux infinis pour raconter ses histoires. Le plus impressionnant, l’installation du danois Jakob Kudsk Steensen, à grand renfort de matériel 3D (défectueux et très prisé) et de réflexion sur la culture du sel et de sa cristallisation dans la région. Tous ses artistes réfléchissent sur notre environnement présent et sur l’avenir de la planète, sur les rapports de la nature à la technologie et sur la vie, encore et toujours, là où on ne l’attendait pas. Kapwani Kiwanga, en relation avec des rituels venus d’Afrique, a rythmé l’espace de multiples bouquets en passe de faner, interrogeant la perpétuation vaniteuse des œuvres d’art. Enfin aux Forges, Ian Cheng propose des films interactifs dont le spectateur peut toujours, en se connectant avec son i-phone, influencer le déroulement. Il faut du temps pour aborder une telle programmation, gratuite, rappelons-le. On peut aussi se promener du côté des étangs et du jardin, où Liam Gillick a laissé son empreinte métallique. Ou prendre un verre au café, près des mosaïques au sol conçues par Kerstin Brätsch. C’est tout cela Luma et d’autres choses encore. Un mélange d’actualité de temporalité et de volonté de s’inscrire dans la durée, à l’instar des monuments arlésiens qui attirent tant de touristes. Et avant tout, la réalisation d’un rêve. Partagé. BTN
Jusqu’au 26-9, 33, avenue Victor Hugo, 0490477617

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