Tendres paumes, CACN, Nîmes
A l’instar de celles de leurs ainés des années 68-70… les démarches créatives d’aujourd’hui se caractérisent par la contestation d’un système à bout de souffle, de distinguos éculés et d’un rapport davantage éveillé à un passé parfois trouble. Il semble que les deux artistes invitées, via la galerie marseillaise Sissi Club, aillent dans ce sens. Les deux connaissent le monde rural puisque l’une vient de Corrèze l’autre des contreforts des Cévennes. Sans doute faut-il comprendre ainsi l’allusion aux mains, contenues dans le titre, et qui les rapprochent, chacune avec son vécu, de la Nature, du travail manuel, qui hante leurs réalisations. De ses mythes, pour la franco-écossaise Camille Bernard, qui recourt à la peinture figurative. Du travail de la terre élevé au rang de l’art à travers les céramiques murales ou posées sur le sol de Léna Gayaud. Les tableaux de la première bouleversent quelque peu les critères esthétiques du corps mis en spectacle. Les personnages sont massifs, métissés, leur genre n’est pas toujours défini et leur nudité nous les présente comme proches d’une nature qui peut rappeler l’âge d’or célébré par les grands peintres (« Arcadia »). Ils ou Elles sont jeunes car incarnant l’avenir, sont en décalage avec les valeurs dominantes qui imposent leur mode de vie et de voir, pratiquent la cueillette, la baignade, des activités primitives. Les couleurs sont sourdes, comme limbiques, entre deux eaux, et ainsi en situation d’attente. Ils nous intriguent car les scènes dont ils sont les protagonistes sont empreintes de mystère. Parfois, ils semblent vouloir sortir de l’espace du tableau ou se cogner contre le tain du peint. Très intelligemment, la plupart des tableaux semblent en correspondance avec les céramiques. Les réalisations en grès émaillé de Léna Gayaud revisitent et s’approprient les légendes médiévales ou ancestrales. Ainsi l’épée, le graal, les vases ébréchés, les tours crénelées font elles partie de son vocabulaire usuel comme si toute recherche de vérité supposait un parcours semé d’embûches et épreuves. Ses réalisations sont installées au sol à l’instar de ce casque ou masque rescapé de quelque immersion, voire d’un vases garni de fleurs, ou sous formes d’œuvres murales, pourvues de reliefs plus ou moins prononcés, des motifs floraux de faïence par ex, des paniers, de blasons, de lézards. La main joue un rôle essentiel dans la figuration de Camille : la peinture étant muette, le geste manuel se justifie d’autant plus. Pour Léna, les mains sont utiles puisqu’elle modèle le grès émaillé. Et chacun sait que les mains sont munies de paumes. Les artistes sont ainsi plus ou moins « paumés ». Mais c’est pour mieux s’y retrouver. BTN
Jusqu’au 14-12