Denis Castellas

DENIS CASTELLAS ou Le déplacement à l’oeuvre.

Que la peinture ait la capacité de réfléchir des images, on le sait depuis longtemps. Sauf que l’on en est submergé dans le réel qui nous environne. Et que l’on apprécie de les voir se décanter et se limiter à l’essentiel, parfois même se faire poème. C’est sans doute le plus sûr moyen de se les rendre lisibles. Et de s ‘ouvrir les portes de l’interprétation.

Ce que l’on sait moins c’est en effet  sa capacité à révéler ce qui demeure quand on a beaucoup oublié, car nous passons notre temps à effacer de notre mémoire ce qui nous a un temps marqué. La peinture a cette capacité de fixer des vertiges, d’isoler une image et de laisser émerger sur la surface du tableau conçue comme un plan affirmé. Dans les toiles souvent imposantes de Denis Castellas, on voit flotter des figures. Une qui domine, plus ou moins ébauchée, plus ou moins achevée, plus ou moins triomphante, et quelques satellites plus modestes et qui en infléchissent le sens. Le fond est brouillé, fermé même pour mieux mettre en exergue, à la surface, tel motif qui mérite de se voir isolé et distingué du déferlement iconique ambiant. Il peut s’agir d’un portrait, d’un objet fascinant (« un saint bol », un polyèdre, un navire), d’une silhouette plus ou moins identifiable, d’une occurrence du hasard dans ses objectifs. La figure devient, chez Castellas réminiscence, avec l’aura qui l’entoure et qui se glisse en surface comme pour nous inviter à plus de légèreté, de détachement ou de recul poétique. Elle peut se voir effacée et se fait spectrale, un peu comme au réveil ne nous reste que l’impression ou l’émotion qui nous a saisis devant des images qui ne bénéficient plus de la netteté ou de l’évidence onirique.

Dans certaines toiles récentes, le flou domine, la figure, pratiquement effacée, est réduite à une forme aux contours hésitants, à des vibrations lumineuses bref à l’inimaginable. Des collages, des grilles de scotch ou des ponctuations picturales nous ramènent au garde-fou du plan, à partir duquel on peut effectivement, comme dit le poète, fixer des vertiges et figer des images – mais peintes, avec de la matière et des gestes corporels, de la chair au fond. Car ce qui intéresse le peintre ce sont les éléments constitutifs de la Peinture (support, gestes, couleurs etc.), dont les figures qui flottent font partie, la partie flottante, la pointe émergeante de l’iceberg.

La peinture sait refléter un état d’esprit, un état d’âme, que la tradition poétique assimile souvent au paysage. Ainsi y-a-t-il dans la manière dont Castellas dispose des signes sur la surface, comme une évocation dudit paysage. BTN

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