Laura Owen Fondation Van Gogh

Laura Owens, Fondation Van Gogh, Arles (13200)
Passionnante initiative, à laquelle s’est livrée l’artiste américaine Laura Owens, autour de quelques toiles de Vincent Van Gogh dont L’hôpital, tout proche, de St Rémy et ses arbres tortueux. Il s’est agi, non pas de réaliser des tableaux qui fonctionnent en échos aux chefs d’œuvre de l’exilé arlésien mais d’entourer ceux-ci de tout un contexte mural repensé en fonction de la spécificité de chaque œuvre et de la pièce où il devait être accroché. D’abord, cela fait du mur, cette surface sous exploitée de la plupart des peintres, un espace à part entière, intégré à la volumétrie des lieux ; ensuite cela établit un dialogue fructueux entre une manière de peindre, disons masculine, de la fin du 19ème, creuset de notre modernité, et celle considérablement enrichie par les techniques les plus à la pointe (numérique, scanners, photoshop, stickers etc.) d’une artiste contemporaine ; enfin parce qu’il est intéressant de voir, dans une ville française qu’il avait choisie comme Atelier du midi, un peintre hollandais réinterprété par une artiste américaine. La reconnaissance du créateur maudit est à présent universelle et au fond son rêve se réalise avec le retard que met souvent une œuvre originale à s’imposer dans l’Histoire. Les œuvres de Van Gogh témoignent à la fois de sa culture, de ses rares divertissements de l’époque (Piles de romans français) et bien sûr de son style, à la base, inspiré de la tradition hollandaise, mais aussi de son obsession pour les ciels plombés (Champ clos avec laboureur) en contraste total avec sa passion de la couleur et de son expression par la matière picturale – raison principale de sa venue en Arles dans la Maison jaune. Parmi les sept œuvres choisies, des gros plans et des paysages : Le petit papillon de nuit géant, aux atmosphères comme on les aime chez le peintre de la Nuit étoilée, les Pissenlits qui s’inscrivent dans la lignée des Iris ou des Tournesols, et deux tableaux ruraux de champs et fermes d’Auvers, le village de la tragédie. Pour en revenir à Laura Owens, on peut constater à quel point il n’est point interdit à une culture d’en accueillir une autre, cette dernière ne se concevant pas sans son hôtesse temporaire, d’autant que Laura Owens nouait, par ses œuvres antérieures, dans ses collages, un premier dialogue, avec l’œuvre de son glorieux aîné. Pour son « papier peint » l’artiste s’inspire en l’occurrence d’une dessinatrice méconnue et quelque peu visionnaire du début du XXème, Winifred How, de motifs végétaux, animaux ou géométriques et de quelques volcans stylisés. A l’instar des papiers peints décoratifs, considérés comme des arts mineurs, présents dans quelques toiles de Van Gogh pourtant, les motifs picturaux de Laura Owens sont inlassablement répétitifs, inspirés des deux tendances ancestrales de la peinture : figurative et abstraite, et sans doute toutes les nuances qui se trouvent entre ces deux extrêmes, car nos concepts sont commodes mais approximatifs. Owens y met de la fantaisie, de l’humour, en rompt la monotonie par des dégradés chromatiques, des sortes d’échancrure géantes, des trompe-l’œil, des intégrations surprise, des transitions de l’un vers l’autre, des choix variés et des contrastes de lignes ou de formes. La tonalité chromatique est empruntée au tableau de Van Gogh, ses jaunes d’or, ses verts, ses bleus… On est plongés de tout son corps dans un bain de couleur. On réalise en tout cas l’évolution des mentalités, même s’il reste ça et là, quelques combats d’arrière-gardes. Comment ne pas s’étonner du contraste entre la méconnaissance, de son vivant, de cet immense artiste disparu à 37 ans, qui l’aura poussé vers la misère et le suicide, et sa notoriété posthume d’une part, au sein d’un système économique, tant décrié, aujourd’hui, mais qui assure tout au moins aux bons artistes, dont Laura Owens, des ressources minimales, et davantage si affinités… Celle-ci aime en l’occurrence autant les superpositions mécaniques de sérigraphies entre autres que Van Gogh ses empâtements si caractéristiques. Laura Owens n’hésite en tout cas pas pas à mêler ses œuvres à sa gigantesque scénographie du premier étage. Sa toile aux mouettes supplantant les corbeaux, très dépouillée, suscite un sacré contraste. Le second étage lui est réservé, avec ses collages, ses livres d’artistes fabuleux et certaines de ses toiles qui lui ont valu la célébrité internationale. On ressort de là convaincu qu’une ère nouvelle s’ouvre pour la relecture d’œuvres du passé que l’on croyait vouées à leur une condition fixe et définitive dans un musée qui leur serait définitivement assigné. Elles voyagent et nous permettent de nous déplacer, dans l’espace (notre corps entre littéralement dans la peinture de Laura Owens), dans le temps, dans notre culture, dans l’Histoire et dans la conception qu’une artiste de renom en a. BTN
Jusqu’au 31-10, 35 ter, rue du Dr Fanton, 0488658286

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