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In absentia. Qu’est-ce que voir ? Telle est la question que le peintre nous impose. Écorces d’arbres comme un all over, portraits en noirs et blancs qui sont en réalité peuplés de roses et de bleus, gouttes d’eau comme aperçues à travers la buée, ou la poix, qui recouvre nos yeux : le travail de Korichi fouille les surfaces, les effets de surfaces, les textures et les dermes. En un mot, les peaux. Il inflige au regarder un mouvement — de l’œil et de l’esprit. Car sa peinture réclame que nous nous approchions pour apprécier la virtuosité à l’œuvre — grattages, frottements, vernis, empâtements — puis que nous reculions pour que cède le flou, et le flottement. Toute reconnaissance suppose une distance. Car le réel est opaque, il ne s’offre que dans une incertitude, dans un vacillement. Avec Korichi, chez Suzanne Tarasieve, les peaux affleurent car les oripeaux ne sont plus. Le réel est à nu, à vif. Démasqué dans un monde où les masques couvraient nos bouches et écarquillaient nos yeux. Bouches cousues, il n’est que de voir. De voir vraiment. De voir vraiment ce que Youcef Korichi a vu et qu’il met à nos pieds, sur des murs, comme d’autres ramènent des trésors après la guerre ou étendent des peaux après la chasse. Après la bataille, toujours… »