Présentation été 2022 Occitanie

Dominique GAUTHIER Provisions pour Cimabué 1987-1988-1989 250x220x230X220cm
qrf

Nathalie du Pasquier au Mrac de Sérignan (34410)
Avec ce « Campo di Marte », réalisé par l’artiste d’origine italienne Nathalie du Pasquier, le Mrac pourrait sans nul doute revendiquer le titre de meilleure expo sinon de l’année, du moins de l’été. Les 5 salles du rez-de-chaussée (sans lumière naturelle) et de l’étage (qui en regorge) ne laissent que très peu de place au vide. Les murs sont en effet tout d’abord colorés pour mettre en valeur les peintures qu’ils soutiennent. L’artiste recourt aussi au papier peint ou au carrelage, parfois même à la photocopie, puis accroche au mur ses peintures avant que de nous présenter des constructions d’objets contre le mur, compositions sculpturales en quelque sorte. Enfin toutes ces formes, peintes ou en volume, s’émancipent du mur et accèdent à l’espace à part entière sous forme de cabines, parfois volumineuses, elles-mêmes emplies d’objets et de références picturales, architectures mises an abyme au sein de l’architecture des lieux. Cette conquête de l’espace à partir du mur justifie le titre, qui joue également sur les mots (homophonie Champ/Chant). On a donc un sentiment de plénitude, à déambuler parmi ces formes, ces plages de couleurs, ces formes géométriques aux vibrations plurielles, ces natures mortes formées d’outils du quotidien qui, petit à petit, se font abstraites au sein des multiples tableaux. Tout ceci parfaitement agencé avec une maestria orchestique (l’artiste parle de symphonie silencieuse) qui nous plonge dans les différents temps créatifs et intimes de l’artiste (on repère des toiles animalières très anciennes), concentrés sur un espace, et aux différentes manières de l’occuper, pleinement et ponctuellement (on peut imaginer un nouvel agencement ailleurs). BTN
Jusqu’au 22-09, 0467178895

Eric Bourret, Musée de Lodève (34700)
C’est à la photographie qu’est vouée l’exposition estivale du musée de Lodève, comme en écho aux collections géologiques et archéologiques dont il peut à juste titre s’honorer. D’autant qu’elle s’intitule Terres et qu’elle couvre tant le Grand Causse que le plateau du Larzac, tout proches, et le lac du Salagou pour la composante aquatique. Mais que les visiteurs ne s’attendent pas à une expérience contemplative de tout repos. A l’instar de ses prédécesseurs anglais, Eric Bourret pratique une marche intensive et c’est au partage sensible de cette activité physique et visuelle qu’il convie le spectateur. Il le fait en utilisant un protocole précis un peu comme les poètes s’imposent des contraintes formelles. Il recourt ainsi à la superposition d’images sur un même plan ce qui correspond mieux à la vision en mouvement et aussi au feuilleté temporel qui s’impose en la mémoire. L’artiste compose des polyptiques qui rendent mieux compte par leur ampleur de la longueur et de la variété visuelle du parcours. Il recourt au sol et privilégie le grand format. Certaines photos sont très picturales, notamment quand, pour rendre compte de son expérience des Grandes Causses Eric Bourret suggère un ruissellement vibratoire tout en blancheur étincelante. Les règnes se combinent, la terre avec l’eau ou avec le ciel. Le feu n’est pas oublié grâce à la série Cradle oh Humankind, où sont répertoriés les restes calcinés de présences primitives, en Afrique du sud. L’artiste s’ouvre aussi grâce à des travaux anciens sur d’autres territoires plus exotiques comme les îles Canaries ou Madère pour un voyage pédestre en forêt ancestrale. La marche sollicite certes l’espace mais du même coup le temps par la grâce des capacités du corps, que le photographe cherche à nous transmettre. BTN
Jusqu’au 28-8, Square G. Auric, 0467888610

Rodolphe Huguet, Maison Rouge, St Jean du Gard (30270)
Prenez d’un côté une ancienne filature de soie devenue Musée cévenol, d’un autre un artiste nîmois ayant passé une partie de son enfance en Cévennes (deux vidéos sont là pour en attester) et vous obtenez une osmose intelligente entre tradition et contemporanéité. Rodolphe Huguet dont on connaît son goût pour les objets et activités laissés pour compte, mais aussi son humour décapant, s’est investi totalement dans ce projet puisqu’il occupe autant les salles temporaires que les extérieurs mais aussi les pièces dévolues aux riches collections témoignant, des divers aspects des activités locales. Le titre de « Roro Circus » suggère l’importance pour lui du voyage (celui fait au Népal par exemple, d’où il rapporte des moulages de bouteilles d’eau minérale, rares et chères pour les pauvres en ce pays), dont on retrouve des traces dans les divers objets qu’il a retenus de son itinéraire artistique, toutes les périodes de son parcours étant représentées – de 1997 aux œuvres plus récentes, notamment celles réalisées pour cette intervention, quelquefois travaillées au sein d’entreprises locales. Sinon, Huguet a écumé bon nombre de dictons et proverbes cévenols dont il tiré ici une photographie, là un objet détourné… quand il n’emprunte pas directement aux matériaux du cru (on pense au châtaignier) ou à des objets emblématiques (les ruches cévenoles). On pourra découvrir, le long du parcours, aussi bien des arrière-trains de moutons que des forêts de paniers géants en osier, ou encore des masques, des bouteilles dénonçant mine de rien la guerre (War) derrière la quête de la précieuse eau (Water), ou encore des photographies mettant en évidence la malice du peuple en butte aux possédants. L’exposition est d’une incroyable richesse et diversité et seul un Rodolphe Huguet était à même d’imaginer l’économie de marché sous la forme de jambières tissées par des vers, de donner une vision textile du fameux crâne révélant nos vanités ou de transformer des boites de conserves en véritable jardin potager. Symbole sans doute du renouveau de l’essentiel, derrière le factice et l’artifice dominants. BTN
Jusqu’au 28-8, 35, Grand’rue, 0466851048

Fictions modestes et réalités augmentées, Miam, Sète
Voilà une expo dérangeante et qui, comme souvent avec le Miam, amène à s’interroger sur la définition des œuvres d’art. D’abord elle ouvre la Méditerranée, dont Sète est l’un des fleurons, aux régions du nord, en l’occurrence les Ardennes belges ; ensuite elle se construit en partenariat avec un centre d’art un peu Singulier, nommé d’ailleurs d’une initiale la S, enfin parce que les intervenants choisis sont atteints de légère déficience mentale, et pratiquent ainsi un art particulier proche de l’art brut. Bien des artistes auront souvent flirté avec les limites mentales : il était normal que la réciproque vît le jour. Il est difficile en quelques lignes de résumer la richesse des propositions retenues, qu’il s’agisse de peinture ou sculpture d’une part, de vidéos ou de recours au numérique ou à la capture d’écran de l’autre. Il fallait imposer un ordre à cette multiplicité d’interventions. L’exposition se visite en six sections couronnées par le thème de la Communion avec vierges, retable d’agneau mystique et crucifix bien en rapport avec la culture flamande. Les moules Freaks sont également là pour nous rappeler le contexte régional . Tintin témoigne de la prégnance de la bande dessinée. Les photographies d’Eric Gugliemi intitulées l’Amour dominical, aux crayons de couleur, de Dominique Goblet, nous plongent dans la réalité physique, que certains jugent oppressantes du paysage ardennais et de son Histoire. La vidéo très textile de Barbara Massart, épaulée par Nicolas Clément, nous fait visiter les environnements de Vielsam. Mais FM et RA, c’est aussi une frénésie de couleurs (les alignements méticuleux de Joseph Lambert), de graphismes (Les Kritures de Léon Louis ou le langage liégonnais de Léopold Joris) et d’images, de maquettes ou de mots brodés. On est souvent également dans des références universelles, de Don Quichotte (Rémy Pierlot) aux Voyage dans la lune (Pascal Cornélis) en passant par les stars de ciné revues par Richard Bawin… BTN
Jusqu’au 18-09, 0499047644

François Boisrond, Musée Paul Valéry, Sète
Les gens ignorants ou oublieux auraient tendance à limiter l’essor de la figuration que l’on a dite libre à la ville de Sète. Or, durant les mythiques années 80, d’autres artistes ont émergé du lot et contribué à un retour en grâce de la peinture, dans un contexte dominé par Supports-Surfaces, le minimal et le conceptuel. François Boisrond en a fait partie et se signalait, justement, par sa proximité avec la signalétique usuelle (Un bel exemple d’intégration au village du Cailar, dans le Gard), de même que son style semblait pertinemment « stylisé ». On pourra le vérifier lors de cette exposition qui se déploie sur plus de quatre décennies et en six sections. On y découvrira, sous forme de rétrospective, l’évolution du peintre, de plus en plus marqué par les grands maîtres de l’Histoire de l’art, par les genres traditionnels (Nature morte quelque peu urbaine, Nu – en particulier dans sa série délinée du film Passion de Godard, lui-même fasciné par Ingres…) mais aussi par les modes de présentation actuelle des œuvres lors de biennales et actions muséales, qu’il figure avec une précision qui n’exclut en rien la subjectivité (on est loin d’un hyperréalisme pur et dur). De même, on constatera l’intérêt de Boisrond pour les techniques numériques à même d’enrichir le champ pictural, lui qui naguère ne dédaignait pas l’apport préalable du polaroïd lorsqu’il se posait en promeneur dans les rues de Paris. Plus de 150 œuvres ont été mobilisées qui témoignent de la grande variété d’une œuvre que l’on n’en finit pas de redécouvrir, quitte à en suivre les étapes, de la Figuration libre à la vie, inédite, des saints, encore un emprunt à une Histoire de l’art, re-visitée et réactualisée. Voir aussi la Pop Galerie. BTN
Jusqu’au 6-11, rue F. Desnoyer, 0499047616

Dominique Gauthier, Musée Fabre
On est très heureux de voir qu’un musée aussi prestigieux que le musée Fabre rend hommage aux enfants du pays et permet ainsi à un large public de découvrir des personnalités incontournables qui auront animé la vie culturelle de ces quarante dernières années. Dominique Gauthier est l’un de ceux-là, qui aura longtemps enseigné aux Beaux-Arts et habité les tout proches environs de Montpellier où se trouve son atelier. Il est difficile en quelques lignes de résumer l’importance de cette production unique en son genre, que l’on peut certes rattacher à certaines influences dans la mesure où elle joue avec des références majeures de l’Histoire de l’art, de la Renaissance à Pollock en passant par le baroque ou le vorticisme – mais aussi la poésie et surtout la musique, ainsi qu’en témoignent ses « opéras » , ses divers Cantos, noirs et blancs ou encore ses hommages à Dante. Les formes géométriques se mêlent à une exubérance graphique qui ne s’impose pas de limites, sinon celles du tableau, lequel s’adapte souvent à l’architecture des lieux, quitte à s’émanciper du mur pour rouler sur le sol ou se raccrocher au plafond. Les couleurs sont franches, vives et variées, manifestement Gauthier aime la peinture, dans la variété de ses techniques comme dans sa capacité à susciter la pensée ou à poser la question du visible. Au début, la toile était libre et surchargée mais petit à petit le tableau s’est imposé, dans des formats qui privilégient le carré ou le rectangle longitudinal. Car cette pratique a besoin d’espace à l’image la vie active. Gauthier travaille en séries, des Orphiques aux Hostinatos, en passant par les Jardins après Auschwitz car l’Histoire, ou même et ses avancées scientifiques, alimentent en permanence la Peinture, en particulier celle-ci, capable de tout englober. D’où la confiance qu’on lui maintient contre vents et marées. BTN
Jusqu’au 28-08, 39, bd Bonne-Nouvelle, 0467148300

Nairy Baghramian/Glenn Ligon, Carré d’art, Nîmes
Les deux niveaux supérieurs de Carré d’art présenteront cet été deux artistes différents au lieu de l’habituel distinguo entre l’expo temporaire et la permanente, vouée aux collections. Nairy Baghramian, au 3ème, germano-iranienne, remodèle, de façon tout à fait spectaculaire, les 8 pièces et même les extérieurs de la première. Les matériaux qu’elle utilise dans ses sculptures sont peu courants, la manière de les accrocher au mur ou de les présenter au sol brille par son originalité, et le visiteur se sent emporté dans un flux circulatoire à partir duquel il considère les lieux différemment. On peut le vérifier dès la première salle ou un Tendeur divise la pièce en deux, ou encore dans cette Main courante (pour danseurs/ses ?) qui longe les murs, extérieur comme intérieur et d’une pièce à l’autre. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les propositions serpentines ou prothétiques ne manquent pas d’humour et sollicitent nos critères référentiels, ce qui fait que le visiteur n’est jamais perdu, même si le monde de présentation, qui laisse une grande place au vide, ne peut que surprendre de prime abord. Pour l’autre expo, l’artiste de couleur (l’expo s’intitule Post-noir), Glenn Ligon, cache d’autant moins son militantisme et sa relation aux mots qu’il intègre dans un diptyque l’intégralité d’un livre de James Balwin. On pourra voir également une série de néons de la série America, où le matériau subit des tas de modifications pertinentes (inversion) et engagées (peinture noire). Et des peintures et sérigraphies empruntées aux « Debri field » où les signes flottent à la surface, le noir se taillant la part du lion. Plus une série de dessins inspirés de livres de coloriage afrocentriques, avec la collaboration d’enfants. Re-définition de la sculpture à la lumière du lieu d’accueil, re-définition de la peinture à la lumière de la cause noire : deux raisons d’aller y voir de plus près. BTN
Jusqu’au 20-11 pour Ligon, 18-9 pour Baghramian, 1, place Maison Carrée, 0466763570

Jan Kopp, Maison Salvan, Labège (31670)
Cet artiste d’origine allemande s’est fait connaître par des installations immersives qui, bien évidemment, ne sauraient exister que temporairement. Certes le lieu qui l’accueille, notamment s’il s’agit d’une résidence, influe sur sa production : on n’expose pas la même chose au cœur d’une capitale dans l’un des plus grands musées du monde, dans une ville de province ou en l’occurrence à quelque spas du canal du midi. Alors que les tiges de toutes sortes, dans des matériaux divers, se combinent avec la vie trépidante du contexte urbain, la nature est davantage de mise, du côté de Labège, hors de l’agglomération toulousaine. Jan Kopp y a notamment repéré la Ronce, dont la mauvaise réputation, la résistance aux agressions diverses, le caractère secret, ne sont pas sans rapport avec le statut des artistes, en tant qu’ils s’opposent à la norme, aux idées reçues, aux critères esthétiques en vigueur. La Ronce a la particularité de pouvoir blesser l’homme mais on peut l’apprivoiser par des bandages, le but étant d’en donner une vision différente de celle que chacun peut en avoir dans son expérience coutumière. Ne faut-il pas la dégager de son environnement, en lequel elle se protège, pour en révéler la richesse et prolifération, quasi-mathématique, et sa capacité sans doute aussi à raconter des histoires ? Il sera en tout cas intéressant de voir in situ le type d’installation prévue par Jean Kopp, qui les aime abondantes et interactives, n’hésitant pas à percer les murs ni à saturer l’espace. Le végétal a son graphisme dans l’espace, équivalent à un dessin – Justement, on verra aussi des dessins inédits. BTN
Jusqu’au 9-8, 0671312313

Pauline Curnier-Jardin, Diana Policarpo… Crac de Sète
On est d’autant plus heureux de découvrir la première grande exposition en France de cette artiste d’origine marseillaise que l’on a pu voir naguère ses œuvres au Mas d’Azil, à la Panacée – Possédé(e)s)- ou tout simplement au Crac (Mademoiselle), Pauline Curnier-Jardin a en outre grandi à Nîmes avant de s’expatrier pour Rome, Amsterdam ou Berlin, où il est plus facile de se faire reconnaître sur le plan international. Nîmes et Rome : sans doute est-ce la raison pour laquelle sa première installation reconstitue une arène, lieu à la fois de sacrifice et de divertissement, conçue comme une immense folie pâtissière. Dans cette architecture seront projetés de multiples films illustrant le thème du jeûne et de la fête libératrice, de l’austérité et de l’excès empruntées à des processions siciliennes (Ste Agathe), des liesses allemandes ou à des (vic)tuailles porcines. Toutefois, cette œuvre qui recourt fréquemment à la mythologie, à ses concrétions archéologiques, ou au conte, s’inscrit dans l’air d’un temps qui se revendique ouvertement féministe, comme l’illustre le film Les Lucioles ou encore la série des dessins Feel Good, à caractère clairement sexuels (et anti-consuméro-capitaliste) puisqu’il s’agit de prostituées colombiennes exerçant à Rome (ce qui n’est pas facile en temps de pandémie). Une troisième installation transforme la lourdaise Bernadette Soubirou, en jeune délirante qui livrerait le contenu de ses hallucinations au fond d’une main géante qui peut également passer pour un(e) entrecuisses. Des installations donc qui servent l’activité filmique et qui devraient trouver, dans la volumétrie impressionnante du Crac, de quoi satisfaire leur besoin d’espace.
Jusqu’au mois d’août, on pourra également découvrir l’œuvre, plus discrète, de la portugaise Diana Policarpo, ses Filets d’Hypnée, ou si l’on préfère, dans une optique également féministe (de critique de l’hégémonie médicale des mâles) l’exploration des secrets du clariceps, ce champignon qui ensorcelle et auquel elle offre une dimension à la fois filmique, sonore et sérigraphique sur tissu. BTN
Jusqu’en janvier 2023, Quai Aspirant Herber, 0467749437

Michel et Samuel Blazy, Vallon de Villaret, (48190)
Chaque année, le vallon de Villaret propose une exposition de prestige afin de couper le parcours aquatique et ludique en deux, tout en ménageant une pause réflexive. Il mêle ainsi culture et nature, activités sportives et artistiques, l’itinéraire étant jalonné de multiples réalisations d’artistes sonores ou visuels. Pour cette saison, c’est Michel Blazy, dont on connaît en France l’art d’accommoder la nourriture en décomposition à l’espace qui l’accueille, de recourir à la mousse de savon afin de transformer l’œuvre en une entité vivante et expansive, tout en renouvelant les critères esthétiques qui déterminent notre conception de la beauté, picturale ou sculpturale. S’y ajoute souvent le son, et plus particulièrement dans l’installation prévue dans la tour qui sert de pivot médian à la visite. Il s’agira en l’occurrence de mêler jardinage et musique puisqu’un son (c’est l’apport de Samuel) est censé se déclencher à chaque activation de l’arrosage – on ne quitte pas le thème de l’eau – de ce jardin vertical de cactées conçu par l’artiste. L’installation sollicite également des cordes et un instrument en forme de soufflet à flûtes géant. Ainsi les deux pratiques mises en œuvre par les deux artistes se combinent-elles, le vivant se mêlant aux choses tandis que le temps fait son œuvre et modifie les perceptions. Une œuvre éphémère malheureusement (si l’on peut dire) mais c’est dans la nature du vivant à l’instar de l’eau qui se renouvelle sans fin. Et un déplacement louable des artistes, loin des lieux prestigieux et urbains en lesquels ils sont habituellement confrontés, vers des endroits plus modestes, ruraux mais à l’esprit toujours aux aguets. BTN
Jusqu’au 6-11, Bagnols les Bains, 046647637

Nicole Eisenman et les modernes, Fondation Van Gogh, Arles
Cette Fondation nous a habitués à une mise en perspective inédite de l’œuvre de maître Vincent, en l’occurrence incarnée par un Cchamp de coquelicots et par un portrait peu connu d’un Homme borgne et qui fume en fermant les yeux. L’américaine Nicole Eisenman, avec ses couples dénudés et ses baisers passionnés, ses lieux de villégiature et ses chambres solitaires, ses interprétations de l’Histoire de l’art et ses caricatures ravageuses, en enrichit la lecture, elle qui pratique une figuration décomplexée, laquelle trouve sa source, dans l’expressionnisme du début du siècle, auquel Van Gogh n’est évidemment pas étranger. Aux 70 dessins et toiles de l’invitée d’honneur se mêleront en effet quelques dizaines d’œuvres empruntées aux grands noms de l’Histoire de l’art dont Nicole Eisenman se sent l’héritière (Munch et Ensor en tête mais aussi Dix, Beckmann, Kirchner excusez du peu, et encore aussi Vallotton ainsi que l’incontournable Picasso). Plus des artistes moins en vue, le plus souvent européens, Max Von Moos ou Alice Bailly, Käthe Kollewitz ou Hermann Stenner, Co Westenk ou Otto Mueller, Herman Sherer ou Charles Toorop, dont on se dit qu’il suffirait de peu pour qu’ils se retrouvent réhabilités au niveau de leurs prestigieux confrères. Ainsi, le visiteur pourra-t-il au choix : admirer dans un premier temps les Van Gogh tant prisés, avant que de les ré-interpréter à la lumière de l’œuvre de Nicole Eisenman elle-même éclairée par les « modernes ». Ou bien se laisser aller à parcourir une expo contemporaine incluant des modernes au sein de laquelle Van Gogh prend toute sa place. Dans un sens comme dans l’autre, l’expérience sera surprenante et sans doute exaltante. Trois époques réunies pour une seule cause. Trois niveaux de lecture : postimpressionniste, moderne et contemporain avec en permanence des passerelles entre les trois niveaux BTN
Jusqu’au 23-10, 0490930808

Contre-Nature, à la Panacée
Voici une expo d’été qui pourrait faire date, d’autant qu’elle sollicite une activité jadis méprisée, aujourd’hui encensée, et qui a le vent en poupe, et qu’elle sollicite bon nombre d’artistes français – et pas des moindres (Marlène Mocquet et son incroyable installation dans l’obscurité, où se révèle son univers intime et si mystérieux, ou Michel Gouéry et ses fabuleuses momies murales). La céramique, outre qu’elle n’impose pas un cadre comme la peinture, mais permet l’expérimentation des couleurs, a ceci de singulier qu’elle émane d’une primitive « épreuve du feu » et ainsi s’origine dans des temps immémoriaux où la différence entre le cru et le cuit ne se limitait pas à des considérations diététiques de privilégiés capricieux. Elle a également la particularité de solliciter la manipulation par le biais du modelage, la relation au corps et de procéder d’une tradition quasi-alchimique. Trois « climats » sont mis en espace : l’un dit Antinaturaliste où dominent le végétal (Impressionnants enchevêtrements de Claire Lindner, Contrastes saisissants entre contenant et contenu chez Salvatore Arancio, créatures mythologiques chez Mathilde Sauce), un second où il s’agirait plutôt de minéralité et d’exploration du grotesque (les masques de Sylvie Auvray, les crabes de Roberto Cuoghi), un dernier qui se veut plus narratif, avec la nef de Ruby Sterling, les assemblages verticaux de Jessica Boubetra, les ruches masquées de Johan Créten, suivies d’une odor di femina. Cette expo mêle le mural (Caroline Achaintre) et le monumental (les colonnes d’Elmar Trenkwalder), le sculptural (Simon Manoha) et l’objectal (Duo Vertigo), les petits totems (de Cyril Chartier-Poyet/Vasistas), aux masques minimaux (de Julie Bena), et les installations exceptionnelles, tels ces arbres silencieux d’Anne Wenzel, ressuscitant le romantisme noir dans son apocalypse aquatique. Une première pour Numa Hambursin, qui devrait rallier tous les suffrages – jeune et internationale, BTN
Jusqu’au 4-09, 14 rue Ecole pharmacie, 0499582800

Berlinde de Bruyckère, Hôtel des Collections
Avec cette exposition, présentée comme la plus ambitieuse en France, de l’artiste belge Berlinde de Bruyckère, s’inaugure la patte personnelle de Numa Hambursin sur la future programmation du Moco. On connaît cette œuvre pour ses aspects dramatiques, pour ses prouesses techniques, pour son ancrage dans une tradition qui ne craint ni l’expression de la douleur, ni les tortures de la condition humaine, voire animale, pour son impact évident sur la sensibilité enfin. Les trois niveaux de l’Hôtel sont habilement sollicités, passé dès l’entrée le moulage de tronc d’arbre en cire gisant sur un étai de métal. On démarre donc vers le haut, allégorie du ciel, pour une série d’émouvants Arcangelos, qui semblent incarner par allégorie la pauvreté, la maigreur des modèles aidant, le dépouillement et sans doute aussi l’humilité. On est loin des anges de lumière et de leur flamboiement glorieux. La fragile et consumable cire les humanise et les rend universels. Revenant sur terre et au rez-de-chaussée, on est confrontés à l’entremêlement de deux chevaux aux yeux bandés de tissus, allongés et protégés de vitres, tel une immense relique. On pense à la Route des Flandres, de Claude Simon et l’on se souvient que le cheval fut le tragique compagnon de l’homme. Des œuvres textiles usées et déchirées se déclineront le long des murs. Enfin au sous-sol, une installation, inédite et immersive, pourrait préfigurer le purgatoire ou l’enfer, d’autant qu’elle implique des superpositions de peaux d’animaux, dénonçant ainsi leur exploitation à des fins commerciales. Ne sommes-nous pas avant tout des animaux ? Une exposition à la fois facile et difficile d’accès mais qui devrait toucher le plus grand nombre, par ses thèmes bouleversants et qui mettent à l’épreuve : des corps… BTN
Jusqu’au 20-10, 13, rue république, 0499582800

Tjeerd Alkema, LAC de Sigean (11130)
Enfin un hommage rétrospectif, digne de ce nom, pour ce sculpteur d’origine hollandaise qui aura marqué des générations d’étudiants, d’abord avec ses nombreuses expériences des années 70 où il concevait la sculpture comme un parcours spatio-temporel et un déplacement, caméra sur l’épaule ou appareil photographique à la main, à représenter le réel à partir de sa situation corporelle. A l’orée des années 80, il recourt au ciment et au plâtre, matériaux urbains, et à des lanières de tissu pour composer ses sculptures ouvertes/fermées, en se référant à la géométrie de base, on est hollandais ou on ne l’est pas. Puis ce furent les disques d’or, à commencer par le premier, galerie Medamothi, où le mur était malmené, les gravats longeaient l’ovale plié en deux qui se faisait disque d’un point focal précis, unique comme chez Holbein : Alkema entamait ses séries d’anamorphoses. Il les réalise ensuite de manière sérielle, soit au mur, à partir de tiges métalliques savamment agencées, soit au sol, dans ses matériaux urbains de prédilection, nous amenant ainsi à percevoir la réalité autrement. Ce que l’on regarde dépend du point de vue que l’on adopte, grande leçon de phénoménologie que les grincheux de tous les camps feraient bien de méditer. On doit tourner ou se déplacer autour ou face aux œuvres afin d’identifier la forme idéale, évidemment géométrique. Tout est donc une question de perspective et Alkema aime à proposer de grands dessins qui peuvent passer pour préparatoires mais sont également des œuvres expérimentales qui lisibles en tant que telles. On est heureux que ce soit la famille Moget, d’origine hollandaise, qui les accueille cet été. BTN
Juillet-août, Hameau du Lac, 0680043924

André Cervera, Le Réservoir, Sète
D’André Cervera, on connaît son attachement à la figure, à des personnages mis en scène dans des situations diverses et qui semblent jouer une mascarade quotidienne, sans doute existentielle, en privé ou public. Ils font penser à des spectres, des sortes d’ectoplasmes, d’émanations visibles d’une réalité cachée derrière les apparences, et au fond métaphorisent la symbolique la plus juste pour définir la véritable fonction du tableau : ouvrir un espace temporaire où puissent évoluer des entités qui n’auraient d’existence que du temps où nous les regardons. Le reste, ils le passent en quelque région limbique, d’où les extrait notre regard. Pour son expo au Réservoir il a conçu pas mal de tableaux qui s’articulent autour du thème de la musique, et intitulés La couleur, Accord et à cris. Il faut savoir qu’à Sète les festivals sont légion, tout au long de l’été, et que le peintre s’intéresse à toutes les formes de musique existantes ou ayant fait leur preuve. Mais fidèle à ses principes, il ne l’envisage qu’en action, sur scène ou disons dans une ambiance performative. Qu’il s’agisse des Rolling Stones ou de Jimi Hendix, de Brassens ou d’Eddie Cochran, de Bo Diddley voire de son ami Combas, Cervera privilégie la prestation, le mouvement tel que lui-même le pratique dans ses œuvres. Dans ses dernières, kraft marouflé sur toile, le fond tend à s’épurer, tout se concentre sur la scène publique – et même parfois plus intimiste et privée. Au fond, la musique et la peinture ont bien des points communs, ne serait-ce que les notions de rythme ou de couleur, et les fameuses correspondances qu’évoquait Baudelaire, il n’en faudrait pas beaucoup pour entendre vibrer la musique des peintres. Mais cette expo sera aussi l’occasion pour Cervera de revenir, en format plus grand, sur plus de 20 années de production, et privilégiant le kraft. On y découvrira sa façon subjective ici aussi de rendre compte de ses voyages en Chine, en Inde ou en Afrique, ou d’aborder des thèmes qui lui sont chers tel le roman noir. Une bonne occasion de découvrir son œuvre prospective et profonde. BTN
Juin-Août, 46, quai de Bosc, 0467193904

Arhur Jafa etc, à Luma, Arles
Quelque chose est en train de changer profondément dans le domaine de l’art et Luma s’en fait l’écho éclatant, ne serait-ce que par sa déjà célèbre tour, que l’on aperçoit de l’autoroute, nouvelle cathédrale moins exigeante que les religieuses qui en imposent. Le message retrouve sa place prépondérante aux dépens de l’exploration des disciplines traditionnelles et ainsi qu’on le disait naguère : il sera engagé ou ne sera pas. Les expositions majeures de cet été célèbrent ainsi le révisionnisme ambiant quant à la question de la suprématie blanche, ses abus, ses dangers et limites, avec les cohortes de légitimes revendications qu’elle ne pouvait manquer de produire. Ainsi le cinéaste et photographe Alain Jafa, primé à Venise, revisite l’Histoire des Etats-Unis à la lumière de la représentation des noirs par les médias dans les deux plus grandes salles du complexe, la Grande Halle et la Mécanique Générale. On peut y voir des films apocalyptiques à l’instar de celui où un soleil se couche sur des noires vagues inhumaines, une prouesse technique et numérique. D’immenses collages incluant des objets. Des assemblages photographiques d’une dimension démesurée De quoi plonger dans un univers qui revendique sa noirceur et se veut bien évidemment revendicatif, intitulé « Live Evil » (le mal vivant). Un hommage sera par ailleurs rendu au photographe ghanéen James Barnor, sous forme de portfolio incluant de nombreux portraits. Tandis que l’artiste transgenre Wu Tsang présentera sa version muette et antiraciste de Moby Dick, la fameuse baleine blanche, incarnation du mal. L’amérindien Ski Opinka, sera un peu le pendant d’Alain Jafa, version autochtones, aux Forges avec des séries de vidéos et de captures d’écran. Mais Luma c’est bien d’autres choses encore, la visite de la tour, les Collections accumulées par Maya Hoffmann (Parreno, Franz West, MacCarthy, M. Kelley, Etel Adnan, S. Polke…) les petites salles dévolues à Dominique Gonzales-Foertser pour une expérience virtuelle, ou la vidéo 3 D de Cyprien Gaillard, les champignons géants et le corridor, à l’extérieur, de Carsten Höller ). De quoi y passer une journée au moins. BTN
Jusqu’au 1er-01, 35, av. Victor Hugo. 0465881000

Viallat, Saytour, à Aubais (30250)
Le petit village d’Aubais, où habitait le galeriste Didier Nick qui vient de décéder, a toujours su exploiter ses richesses architecturales (château, temples, jardin, lavoir, ancien presbytère…) en les allouant régulièrement à des initiatives artistiques. Ce sera d’autant plus le cas cet été qu’il s’agira d’honorer deux enfants du village, Patrick Saytour, qui y vit et travaille, et Claude Viallat, qui y a régulièrement séjourné. On reconnaît les noms de deux des artistes majeurs de Supports-Surfaces, et la composante méridionale de ce mouvement, engagé à l’époque, qui œuvrait dans la critique et exploration radicale des composantes du tableau. Si l’œuvre de Viallat est reconnu même du grand public puisqu’elle implique la répétition systématique, sur une toile libre ou des tissus de tous genres, d’une empreinte vite devenu son image de marque, celle de Saytour est plus discrète. Certes le tissu y apparaît, au début roulé ou plié, voire brûlé à intervalle régulier, ensuite dans une perspective plus kitch mais également d’autres matériaux comme le métal, le verre opaque et fonctionnel d’intérieur, les cartes géographiques… plus récemment des mètres pliants ou des brulages sur tissus (en écho à ceux conçus jadis, sur toile cirée), des trophées faits de bric et de broc, des cerceaux… Viallat, c’est la frénésie des couleurs délimitées par les territoires qu’offre le tissu qui lui sert de support. C’est également une composante taurine moins connue et des objets (bois flottés) fragilement agencés. C’est Philippe Pannetier, qui assurera le commissariat, et orchestrera la répartition des œuvres dans les quatre lieux prévus à cet effet (l’escalier et les salles voutées du château, le presbytère et le temple), en partenariat avec les Artistes Nomades et l’Association des Patrimoines d’Aubais. Rappelons que Viallat a offert une dizaine d’œuvres, dont certaines très anciennes, au futur musée d’Aubais. BTN
Du 16-6 au 21-08, Château d’Aubais, 0466808900

Fernand Léger, Musée Soulages, Rodez
Disons-le tout net. On n’attendait pas forcément Fernand Léger au Musée Soulages. Son engagement politique ouvertement communiste, sa figuration stylisée et accessible à tous, son goût pour la symbolique des couleurs, semblaient a priori l’éloigner de l’inventeur de « l’outrenoir » et du peintre lyrique, abstrait, par excellence, plus hermétique pour certains. Ils ne sont pas non plus de la même génération. Sauf que les deux artistes se sont connus, appréciés et ont même œuvré ensemble, dès l’après-guerre, autour d’un hommage à Léonard de Vinci, génie incontesté toutes tendances confondues. Si le style les oppose quelque peu, un élément les réunit : l’impression de force qu’ils affichent ou incarnent. Soulages semble taillé dans le roc d’un de ces menhirs qu’il a pu admirer dans son enfance aveyronnaise. Les personnages de Léger respirent la santé, y compris quand il les saisit en plein travail, ou même quand il les dessine au repos, et il n’a jamais caché son penchant pour les activités sportives (natation, haltérophilie, jeux de ballons…). Ce n’est pas pour rien que cette expo s’intitule La vie à bras le corps. Cette vie que Léger donne le sentiment de clamer dans tous ses tableaux. Il aime les épaules carrées, les formes pleines, et également la trépidation des grandes villes. Sans doute trouverait-on également des relations plus latentes dans la composition de leurs toiles et dans l’impression dynamique qu’ils communiquent au regardeur. Au fond, les deux sont des lyriques mais ont su trouver les moyens formels de circonscrire leur inclination pour une expression débridée. On y ajoutera le fait que, au fil de leur carrière, les deux artistes se sont de plus en plus laissé tenter par les vertiges du grand format. Au Musée Soulages, on trouvera des formats plus modestes puisqu’aux peintures sur toiles se mêleront bon nombre d’œuvres sur papier, à la gouache, au fusain, ou à l’encre. Si l’on poursuivait le jeu, on se rendrait compte que l’on pourrait établir des parallèles sur l’économie des moyens de chacun, notamment au niveau de la gamme colorée. Tout cela pour signifier que la présence de Fernand Léger au Musée Soulages n’est pas une hérésie, du moins d’un point de vue stylistique. Quant à la politique… On pardonne souvent aux génies… BTN
Jusqu’au 6-11, Jardin du Foirail, 0565738260

Vincent Corpet, Château de Jau, 66600
Paradoxalement le château de Jau innove cette année en invitant une deuxième année consécutive, Vincent Corpet. Partant de la double idée que l’on ne change pas une équipe qui gagne et que toute exposition est forcément limitative, ce domaine viticole impliqué dans l’art depuis plusieurs décennies permet à ce peintre de montrer un autre aspect de sa prolixe production, davantage tournée cette fois vers la culture chrétienne semble-t-il. A l’instar de l’année dernière, il s’agit de « Fatras », les seconds de la série (on en attend trois). Comme la composition chez Corpet est dynamique, ou dramatique, que le corps y est malmené de façon obsessionnelle et que l’Histoire de l’Art y est de plus en plus sollicitée, on imagine aisément comment l’artiste a pu croiser dans son parcours quelques motifs religieux du genre, qu’il s’agisse de l’humaine foi d’une sainte auprès d’un gisant (descente de croix), d’une piéta à tête de mort à l’œuvre et dénonçant ainsi la vanité humaine, ou tout simplement des signes aussi symboliques et universels que la croix christique ou que l’infini. Rappelons qu’il a, précédemment, traité la série des crucifixions, ou le Massacre des innocents. La souffrance prêtée à tel martyr ou bouc-émissaire interpelle le peintre pour ce qu’elle révèle à la fois d’humain (la compassion) mais aussi de trop humain voire d’inhumain (la cruauté) dans l’obstination des hommes à maltraiter la chair, au propre comme au figuré. Les personnages sont hybrides, en métamorphose et il n’aime rien tant que de présenter des scènes sens dessus dessous. Car la peinture n’est pas pour lui une activité de tout repos. Elle doit inquiéter, interroger, toucher (après tout il s’agit de parler du corps et tout chez le peintre est question de doigté). Les natures mortes d’antan ne sont pas si éloignées surtout si elles incluent les bouteilles de vin, le sang supposé du Christ. BTN
Jusqu’au 28-9, Cases de Pènes, 0468389010

Les 30 ans de l’Espace Georges Brassens, à Sète
En sollicitant trente artistes « sérigraphes » sétois pour la circonstance L’Espace Georges Brassens fête dignement ses 30 ans, ce que nous rappelle une estampe d’Alain Zarouati, où l’on voit un couple adamite y faire escale, muni d’une indispensable guitare. Chacun fournit en effet une vision sérigraphique de son rapport au chanteur : de Pierre François, aujourd’hui décédé, aux graffeurs de la nouvelle génération (Maye, Tony Bosc, Depose), en passant par les ténors de la figuration libre (dont Combas, qui a déjà pas mal œuvré sur ce thème) ou tous les sétois d’adoption (dont Jean-Luc Parant) certains ouvrant une porte sur l’international (Anna Novika Sobierajski qui le métamorphose en jeune des banlieues au cœur tendre, ou Eve Laroche-Joubert qui reconstitue le jardin d’Eden autour du célèbre Gorille et autres animaux, si affinités). La plupart ont choisi le portrait en gros plan, de face ou de profil, sur fond plus ou moins dépouillé, parfois rehaussé de lignes ondulées (à la manière d’un halo, ou d’une aura) ou au contraire extrêmement complexe, au point que s’y dissout parfois la figure (Duran). Chacun s’approprie le visage si caractéristique de l’artiste rebelle. On le transforme en punk (Mancione), en disque solaire rayonnant (Di Rosa), Hugues Chargnot le voit en outlaw « libre d’être et de pensée » ; on l’imagine entouré de têtes de chats (Laura Della Flora); on le réduit à un regard, noir, quasiment à une tache, à partir de laquelle l’esprit peut vagabonder (tel un spectre de Rorschach – Dombres). Lucie Lith le façonne, au pochoir, grâce à des mots qui collent au personnage. Combas, à son accoutumée, a dynamisé le fond en cloisonnant la surface : on repère alors aisément des allusions aux textes, au chat de Margot ou à la cane de Jeanne. Un couple d’artistes, Amon et Alice, décale son légendaire profil en bas, à gauche du tableau, contemplant un disque solaire et les signes du zodiaque, ceux de Brassens lui-même, dans le coin droit… Pour en revenir à nos 30 et quelque artistes, d’autres prennent un peu de recul et l’imaginent guitare à la main, sur scène à l’instar de l’invité surprise CharlElie Couture. Topolino se déchaîne : prêtant à l’instrument un foisonnement de manches (comme si la guitare s’animait, se faisait électrique, devenait prolixe… ; Pierre François imaginait jadis la tête (de guitare) métamorphosée en tête fantastique (de l’artiste); Cervera allège le corps, pourtant corpulent du chanteur, incliné à la manière d’une danse orientale. On l’imagine accompagné de sa Muse, la femme nue de ses rêves, sujet omniprésent dans son répertoire (ce dont témoigne J.J. François). Ou fumant dans l’ombre son éternelle pipe, tout en optant pour la modeste chanson plutôt que pour une philo trop cérébrale (Laou); Karine Barrandon, préfère le représenter en lévitation, à la manière d’un ange déployant ses ailes protectrices, ou nous surveillant avec bienveillance. Lhermet se concentre plutôt sur certains objets emblématiques, dont il sature la surface, et se limite à une simple allusion stylisée du visage, à la manière d’une estampille. Mais Brassens n’est pas seulement une image ou si l’on préfère une icône. Il est avant tout un magicien des mots, un auteur de chansons ciselées à la manière d’un orfèvre. Bien des artistes ont choisi de faire des références à celles qui résument le mieux l’apport décisif du sétois d’origine à la culture française en général. Ici c’est la Supplique, là c’est Les copains d’abord (En fait Un copain d’abord ! nous précise Clôdius, du côté du bar)… BTN (L’intégralité du texte à lire dans le catalogue de l’exposition).

Et pour quelques expos de plus… par BTN
Commençons par un coup de pouce bien mérité à la salle municipale Jean Jaurès, de Vauvert, qui poursuit sa programmation contemporaine dans un village qui ne lui accorde pas une place prioritaire ainsi que le prouvent les dernières élections. Ainsi jusqu’au 2-07 pourra-t-on y découvrir les gouttes d’Eaux en couleurs, alignées le long d’un mur par Julien Gudéa, dans des nuances de bleu qui rappellent l’art des verriers et céramistes. Cet artiste prend l’objet, de consommation courante, comme source de création, qu’il s’agisse de caramels ou d’allumettes, les agrandit à notre dimension humaine et les expose tantôt au mur tantôt au sol, selon le caractère plutôt pictural ou plutôt sculptural qui les caractérise. Toutefois, l’objet n’est pas exalté, il subit des déformations : les allumettes sont brûlées, les caramels fondent avec élégance, le ballon de basket dégouline de formes grot(t)esques, la banane est jetée, la pomme consommée, le punching-ball impacté, le papier froissé, la bougie se consume… Les matériaux sont empruntés à la modernité (3 D comprise) sans rejeter la tradition. Ils ne sont pas produits de manière industrielle, en série mais traités individuellement, comme des entités au destin périssable. Bref, les objets du quotidien semblent tributaires d’une plastique voire d’une plasticité qui n’exclut pas l’ambition pérenne… C’est Claude Viallat qui lui succèdera, tout l’été, mais Camargue oblige : il présentera ses œuvres tauromachiques, production qui lui est chère même si elle est moins connue du grand public. Elle s’inscrit d’ailleurs dans une tradition dans laquelle se reconnaît l’artiste et qui passe par Goya ou Picasso, sauf que Viallat, enfant du pays, se sent plus en empathie avec les courses dites camarguaises. La bouvine met davantage en exergue le mouvement des corps échappant à la périlleuse corne et n’est point connotée par l’échéance sacrificielle. Mais la corrida ne l’effraie pas, d’autant qu’elle s’inscrit dans une tradition qui remonte à l’antique voire à l’art pariétal, quand la confrontation avec la bête n’était point un simple divertissement. Dans les deux cas, et en petit ou moyen format, nul doute que l’artiste tente de raviver ce frisson d’angoisse ou de soulagement qui saisit le spectateur qui assiste au spectacle. La catharsis, sa terreur et sa pitié.
A l’Isba de Perpignan, on reverra avec curiosité au mois de juin les œuvres réalisées par Jean-Louis Vila durant le confinement. Il s’agit d’aquarelles et crayons de couleurs sur papier où l’artiste laisse vagabonder son imagination, laquelle avait bien besoin d’évasion en cette période inédite. Du coup c’est tout un bestiaire coloré qui apparaît dans cette Re-création singulière, légère et aérée, comme pour contredire la lourdeur environnante. Deux façons d’accrocher : le sage alignement qui dirige la vision du visiteur ; ou de manière plus libre de sorte qu’il décide lui-même de son itinéraire.
Au Château d’Assas du Vigan, Janine Delpeuch rendra hommage, à partir du 4-07, au grand poète et dramaturge, assassiné par les franquistes, Fédérico Garcia-Lorca, en revisitant son œuvre grâce à des groupes sculptés et des pièces de terre cuite. On ne saurait trop souligner l’intérêt actuel de ce grand écrivain, victime de la bêtise, voire de l’homophobie et qui s’engageait pour les minorités opprimées de son époque, à commencer par les femmes victimes des traditions. Janine Delpeuch est d’autant plus sensible à l’auteur du Romancero Gitan ou de la Maison de Bernarda Alba (qu’elle a pu visiter), qu’elle est d’une famille de républicains, victimes de la guerre civile. Au fil de ses voyages en Afrique (ou dans les Caraïbes), elle s’est sensibilisée à la totémique féminine ou au modelage primitif d’où son usage de la terre cuite pour concocter ses figures. Son portrait du poète à New York renvoie à l’esthétique des masques africains. Des lectures et de la documentation venue de Grenade accompagneront l’exposition. La femme y sera à l’honneur et l’un de ses emblèmes : la rose.
Tandis que s’achèvera dès le 16-06 l’exposition de Gordon Seward en la galerie Bouquières à Toulouse, cet artiste d’origine anglaise en amorcera une autre galerie 7 à Sète du 4 au 18-07. Amoureux fou de la couleur sous toutes ses formes, ouvertement en filiation avec le fauvisme historique, intéressé par l’esthétique des ombres, qu’il préfère vertes ou bleutées, Gordon Seward privilégie le portrait : de femmes, souvent songeuses ou à l’abandon, en état de repos temporaire ou de pause/pose. Un peu comme si elles avaient besoin de s’isoler du contexte environnant, souvent saturé de motifs et de personnages. Le Nu féminin sollicite également l’artiste, dont on sent qu’il préfère les atmosphères intimistes, celles où le modèle se complaît dans une certaine complicité prolifique. Mais le masculin n’est pas absent, que le peintre préfère peindre dans des activités sportives, tel un cycliste ou un cavalier, un pêcheur ou un danseur, ce qui n’exclut pas pourtant les temps de repos et de rêve. Même si l’intérêt se focalise sur le protagoniste, les scènes de rue ne sont pas absentes, ni même les paysages. Le traitement des êtres par la couleur les déréalise quelque peu ce qui explique sans doute cette tendance qu’ils ont, à s’échapper de la toile, en laquelle ils ne sont, comme les visiteurs, que de passage. Sauf que leur existence s’accompagne de multiples couleurs, dont on aimerait tant, dans le réel, qu’elles viennent ainsi enrichir la vie.
Pop galerie, à Sète, avant de recevoir, dans le même temps que Paul Valéry, François Boisrond et les dessins tirés de ses carnets personnels (+ quelques estampes « vintage »), offrira son espace à Fred Périmon, dont on a pu voir à Artélinéa, les vidéos anticonsuméristes tournées en supermarchés, ailleurs les séries de chaussures et de bottines associées à la féminité désirable, et plus récemment au Miam un alambic à mixture populaire. Entre temps, Fred Périmon en est venu à la peinture même s’il n’hésite pas à intégrer des éléments, exogènes et inattendus, tels que les clous (empruntés à l’esthétique contemporaine du blouson) ou encore les zips. Question inspiration, son dessin est très méticuleux, l’atmosphère quelque peu hallucinée et il est tout à fait capable de nous concocter sa version à lui de la nuit étoilée sous forme de cathédrale molle scrupuleusement détaillée. Ou au contraire de nous plonger dans les arcanes abstraits de quelque matrice aux accents psychédéliques.
A l’abbaye de Cassan, près de Roujan, le spécialiste de Soulages et admirateur de Supports-Surfaces qu’est Henri Darasse, développe tout l’été (07-09) sa « rouleaugraphie » programmatique, afin d’amener les visiteurs à mieux considérer toutes les formes décoratives, très variées, qui ornent l’espace du château : des pavements aux ferronneries en passant les murs et les arbres… La technique utilisée se rapproche de celles dont usent les enfants pour révéler les portraits présents sur les pièces de monnaie. Sauf qu’ici on est dans la peinture en grand format, et sur toile libre, ce qui nous rapproche des tapisseries qui autrefois décoraient les belles demeures. Pour une architecture, il convenait de recourir à l’archi textures, à ses motifs et à ses effets. A quoi s’est appliqué ce plasticien philosophe.
Dernière minute : A+ Architecture nous souhaite, pour cet été sans pandémie, au Mas de Lafeuillade, ses meilleurs vœux, mais il s’agit de célébrer les ex-voto tels que les conçoivent aussi bien des artistes confirmés et au demeurant imprégnés de culture chrétienne tels que Vincent Bioulès, ou tel Daniel Dezeuze, qui le conçoit sous forme de béquilles/ready-made – voire Hervé Di Rosa, dont la culture sétoise et la relation particulière au Miam peut très bien s’accommoder de ce symptôme de la culture populaire… Que des plus jeunes, mais reconnus telle cette spécialiste du médicament et de ses travers qu’est devenue Jeanne Susplugas, ou encore Valérie Du Chêné dont l’année et manifestement fertile puisqu’on a pu la voir aussi bien au Mrac qu’à la Chartreuse de Villeneuve ou au Lac de Sigean. Grégory Forstner dont on a pu découvrir au Frac les bouquets de fleurs flottants et les chiens anthropomorphes. On nous annonce aussi André Cervera, Valérie Crausaz, Gérard Lattier, Carmélo Zagari, la collection de Pierre Schwartz… Et Alfredo Vilchis (et sa famille) lequel s’inscrit dans la tradition mexicaine et s’est révélé au monde en tant que spécialiste de l’ex-voto. Chacun le conçoit selon son esthétique et sa sensibilité, sachant qu’art et oblatif ont partie liée, depuis belle lurette.
Negpos, dynamique association nîmoise vouée à l’art photographique rend, à Némausus, et jusqu’au 26-6, un émouvant hommage photographique à l’artiste (Les photomatons) et journaliste (La Gazette) Hélène Fabre, qui vient de nous quitter soudainement. Il s’agit d’instants de vie, cette diplômée des Beaux-Arts prenant des clichés comme on part faire ses courses. Une belle personne discrète et qui traquait la simplicité des rencontres quotidiennes, en humble témoin généreux.
Enfin le Frac Occitanie nous prépare une de ces expositions inattendues dont il a le secret en la personne de l’artiste d’origine chinoise Ran Zhang. Cette dernière recourt au microscope afin de scruter les limites du visible et nous les restitue avec les matériaux de la peinture. Elle interroge ainsi les rapports entre art et science, le rendu plastique se découvrant quelque part entre les deux, et enrichissant ainsi notre sensibilité. Mais il faut tenir compte de la stratégie de l’accrochage ou de la présentation murale pour ces Jiggly Motions qui seront « visibles » du 1er7 au 10-09.
In extremis : Le jardin antique méditerranéen de Balaruc accueillera Ran Zhang à l’automne. En attendant, et jusqu’au 5-9, Clara Castagné en occupera la salle d’exposition de ses portraits cartographiques. Cette artiste n’a pas attendu le succès de Houellebecq pour questionner la carte et le territoire. Elle récupère en effet de vieux planisphères afin de servir de supports à ses corps et visages, soit que ce dernier recouvre la surface d’un pays, soit que la zone imprimé serve de fond et soit donc recouverte, parfois ne se dévoilant qu’en transparence, ou épargnant les parties terrestres. La carte réduit le territoire à une dimension humaine, à portée de main et de regard. Les personnages aux contours nets et précis qui affleurent au premier plan semblent se l’approprier ou en devenir l’emblème. Il s’agit d’une double résurrection : celle de la carte devenue désuète, et celle de l’apport graphique et pictural que lui apporte Clara Castagné. C’est au fond ce qu’il arrive aujourd’hui à la peinture, que l’on avait eu tendance à trop vite enterrer ou à abandonner dans quelque magasin d’antiquités. Elle se maintient en se renouvelant, au point de se donner à découvrir dans un jardin antique…Clara Castagné mêle des figures antiques à un support et un traitement moderne (Picasso, Léger) de la figure, de façon, à produire du contemporain.

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