Publié le 29 mai 2023 par les Éditions Tarabuste dans le numéro de juin de la revue Triages, L’Éclipse est une fiction, entre nouvelle expérimentale et poème en prose.
D’un point de vue historique, c’est entre la chute du mur de Berlin en 1989 et la guerre du Golfe en 1991, que s’inscrit la fiction de L’Éclipse pour mettre en scène le départ du sud méditerranéen d’un narrateur sans nom, et son arrivée dans le Paris des années 1990. C’est donc dans l’hypothèse d’un temps suspendu, parenthèse qui se réfère en sous-main aux temps vacants des films de Michelangelo Antonioni, évidemment, ou des premières œuvres de Wim Wenders (Alice dans les villes, 1974) ou de Jim Jarmusch (Stranger than Paradise, 1984), que l’intrigue de L’Éclipse se déplace. Parallèlement, le transfert dans une poétique contemporaine du temps photographique en est l’enjeu : les fragments électriques et les nappes contemplatives de la photographie, que l’œuvre de Bernard Plossu en l’occurrence symbolise, demeurent autant de citations de l’image fixe que d’explorations de sa poétique. En outre, à la différence d’un récit précédent d’A. C., Mort d’Athanase Shurail (Tarabuste, 2019), L’Éclipse se construit moins dans une utopie de l’image en littérature, que dans les mouvements d’un regard-caméra comme dynamique narrative. Par ailleurs, L’Éclipse est une adresse à la jeunesse, qui fut celle de la fin des années 1980… Figure de cette éternelle, mélancolique et dynamique juvénilité, un groupe minéral de garçons et de filles finalement se perdra, ira jusqu’à son propre effacement, épuisé dans L’Éclipse, disparu dans le temps de la beauté qui passe et la mondialisation qui commence. Dans la perspective encore du septième art, des films comme Les Tricheurs de Marcel Carné (qui, en 1958, annonça la Nouvelle vague), Les Nuits de la pleine lune d’Éric Rohmer en 1984 (élégiaque Pascale Ogier) et Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) d’Arnaud Desplechin (pour une identification générationnelle en 1996…), ou encore, a posteriori, Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi en 2022 offrent à L’Éclipse sa généalogie symbolique, désordonnée, aléatoire et sensible, tragique.
Éditions Tarabuste
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