Ana Mandieta, à La Panacée, Montpellier
L’expo estivale de la Panacée est censée permettre au grand public de se familiariser avec une artiste d’origine cubaine encore mal connue de ce côté-ci de l’Atlantique et, au-delà, à des formes d’art qu’elle a contribué à impulser ou imposer. Elle s’inscrit en droite ligne dans la longue liste des femmes à réhabiliter, elle qui a beaucoup joué de son corps pour faire œuvre d’art et qui est passée d’une représentation personnelle à une figure emblématique voire mythique de la féminité. Cette expo nous plonge, à grands renfort de photographies, dans l’univers « terrien » de ces siluetas (silhouettes) grâce auxquelles, au propre comme au figuré, elle a pu laisser une empreinte dans l’histoire de l’art de son époque. On voit ainsi combien le sol l’attirait, au point de se fondre et disparaître en lui. Mais c’est pour y renaître, transfigurée en Vénus ancestrale, ou autre divinité primitive. Il y aurait donc, petit à petit, dans son évolution, une quête des origines, malheureusement interrompue par sa disparition tragique. Outre les photographies qui donnent une idée assez précise des expériences auxquelles elle s’est livrée durant sa courte carrière, La Panacée propose des installations reconstituées : une salle entière, inaccessible, occupée par un espace boisé où émerge une « silueta » aux contours de son corps ; quelques ares de gazon où elle se pétrifie en pierres glanées dans la nature ; une série de 47 bougies allumées, toujours en référence à la fameuse silhouette (et plus, pour qui veut bien y regarder de plus près) ; un monticule de sable, qui traduit le caractère éphémère de sa production, à l’image au fond de sa vie, et de toute vie si l’on y réfléchit. C’est sans doute l’un des enseignements de sa production. Par ses propositions autour du corps, puis par ses installations éphémères, elle se fait métaphysique, et plus profonde que celles de ses congénères. Elle réintroduit ouvertement le corps en tant que notre bien et notre certitude, celle de notre présence au monde. Elle s’approprie les codes du land art mais en les féminisant d’une part, en les mythifiant de l’autre. Elle s’inscrit aux antipodes du minimalisme dominant et des expositions sagement inscrites dans le white cube. Elle a un double caractère revendicatif, en tant que femme, et en tant qu’issue d’une culture quelque peu méprisée par les élites mais qui vient enrichir sa recherche primordiale et lui apporter une part d’authenticité. Des vidéos viennent en outre rythmer le parcours, qu’elles recourent à la thématique de l’eau ou à celle du feu, toujours dans une perspective de travail éphémère, que pérennise toutefois l’image consignée.
On note également la présence des premières peintures, marquées par l’influence mexicaine et également de dessins qui prennent des allures à la fois d’expérimentations plus intimistes et d’autre part contribuent au passage de l’individuel au collectif. On ressort de cette immersion enrichi, humainement parlant car, mine de rien, Ana Mandieta, du haut de sa petite taille, nous aura entraîné très loin, du côté d’un passé rupestre qui nous paraît immensément lointain mais qu’elle aura contribué à rapprocher de nous. BTN
Jusqu’au 10-9, rue Ecole de pharmacie, 0499582809