Léo Fourdrinier, Musée Henri Prades, Lattara/Lattes 34

Léo Fourdrinier, Musée Henri Prades, Lattes (34)

L’Histoire antique et l’art contemporain peuvent-ils faire bon ménage ? C’est ce que pense le Musée archéologique de Lattara (cf. Gaëlle Choisne, Bruno Maire, Arnaud Vasseux, Hubert Duprat ou Jean Denant…), fort de ses collections permanentes et de ses fouilles toutes proches qui rendent ce lieu unique et vivant. C’est en tout cas le pari de Léo Fourdrinier (cf. CACN) avec ses Historiens du futur, créatures hybrides disséminées le long du parcours comme afin de se sustenter des vestiges de notre passé, de se revitaliser de leur force ancestrale de manière à se sentir partie intégrante de la chaîne humaine, celle de l’Histoire et de la créativité. Ces visiteurs d’un genre nouveau sont confectionnés en matière plastique, revêtus d’une combinaison, ornée de céramique émaillée, et coiffé​s d’un casque de moto où l’on repère la présence d’un néon. Il s’agit en effet de récupérer l’énergie vitale dont ont besoin ces créatures, nées de l’imagination dystopique de l’artiste, lequel envisage l’avenir à partir des données actuelles​, en incorrigible amateur de SF. S’y ajoutent des fragments de statues et des moulages ou assemblages d’objets et artefacts qui nous rappellent d’une part la vision morcelée que nous avons de l’antiquité, d’autre part l’hybridation entre Techniques anciennes et Technologies récentes. Pour l’artiste, les musées des temps à venir seraient les lieux vitaux où pourraient se nourrir les êtres hybrides du futur s’ils veulent subsister. Chacun d’eux métaphorise un potentiel visiteur, et donc un historien du futur, tandis que le musée, quel bel hommage !,  devient un point essentiel de survie. On se rend ainsi compte de l’importance de ces centres de mémoire, qui ne sont pas seulement des pôles touristiques mais des lieux d’enrichissement et d’émotion, et de leur responsabilité dans la subsistance de l’humanité. La moto symbolise à la fois la possibilité de déplacement, une vision populaire de l’art, et la liberté de voyager, seul ou en couple. Les Historiens du futur se sustentent de ces objets de connaissances qui nous permettent de mieux nous situer dans l’Histoire du monde et des hommes. Ils les manipulent, du moins leurs artefacts (car la question de l’original et de la copie suscite la réflexion de l’artiste). C’est le sens des regards qu’ils portent sur certains d’entre eux parmi lesquels ils se sont glissés. Ces derniers ont été choisis pour ce qu’ils apportent sur le plan scientifique, historique et naturellement esthétique Léo Fourdrinier n’a pas hésité à mobiliser l’équipe muséale afin d’exhumer des pièces conservées dans les réserves : le travail effectué peut être dès lors dit collectif, même si tout groupe humain a besoin d’un maître d’œuvre, en l’occurrence l’artiste. Toutefois, les matériaux utilisés ne relèvent pas seulement du désign ou de la customisation contemporaine relative au « terrible engin » que chantait la star. Le marbre de Carrare, dans une déclinaison motorisée de la Vénus de Vienne, est également présent dans la sculpture devant l’entrée,  avec une main d’enfant en guise de bouchon, comme si la Yamaha faisait escale entre deux musées. A l’intérieur, la céramique et le plâtre viennent souligner des détails, préciser le propos qui finalement tient en trois axes temporels enfin réunis : Solliciter le passé en le confrontant au présent afin d’éviter le pire au futur (le manque d’eau notamment, ou les famines suscitées par la surpopulation). Sans se priver de l’IA ou des technologies avancées dans la mesure où elles peuvent apporter des solutions aux problèmes graves qui ne manqueront pas de se poser. Ces Historiens du futur, hybrides humains, mettent en abyme le statut des visiteurs du présent, en quête de connaissance sur ce passé que nous ignorons mais qui nous a formés. Qu’il vienne des étrusques, des romains, des grecs, des ibères ou des autochtones qui animèrent le port antique de Lattara. Une Histoire est inventée, elle concerne l’avenir, pour en révéler une autre, celle de nos ancêtres, tels que nous les redécouvrons au présent. L’œuvre de Léo Fourdrinier nous incite au voyage. Partant, au déplacement. Comment dès lors ne pas rendre hommage à la belle et magique moto qui peut conduire d’un musée à l’autre ? Car qui nous dit qu’un carénage de Yamaha n’égalera pas quelque jour une Vénus gréco-romaine ? BTN

Jusqu’au 30-06

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