Thoas Verny au Musée Paul Valéry Sète

Thomas Verny, Vues d’ici, Paysages d’auprès et figures intimes,Musée Paul Valéry, Sète

Dans ces temps troublés, jamais nous n’avons eu autant besoin de paysage. Il apaise, pousse à la méditation, relativise nos prétentions et nous offre l’accès à la vraie vie du monde, celui qui se pérennise dans le calme, j’ai presque envie d’avancer un mot qui n’est plus à la mode : le bonheur. On ressent profondément cette impression de sérénité dans la peinture de Thomas Verny telle qu’elle s’expose au Musée Paul Valéry, le plus cérébral mais aussi le plus épicurien de nos poètes. Et d’abord, la première salle donne le ton d’emblée. On pénètre l’intimité du peintre, son monde à lui ou si l’on préfère la vision subjective qu’il en a. Outre qu’il s’inscrit dans la continuité de l’œuvre son père, Philippe Pradalié, il met en exergue ses proches et lui-même dans des autoportraits, à l’exclusion de toute autre figure humaine. Il en est suffisamment à l’extérieur ou parmi les visiteurs. L’artiste intègre le paysage et est intégré par lui. Ses proches (puissant triptyque dès l’entrée) sont comme un moyen de ne pas céder au vertige devant l’étendue de la tâche. Les paysages ont certes des échos d’éternité mais ils s’inscrivent dans le temps du peintre, sa présence en ce monde, et même dans son espace – ce que ne montreront que trop les pastels érotiques de la série Figures intimes, l’envers du décor si l’on préfère, ou le passage de la lumière naturelle, à la pénombre des corps et décors. Ce que l’on voit, dans cette série de pastels et acryliques, c’est l’extérieur immédiat du Musée, arrières compris, cad tout d’abord le cimetière marin, ses tombes et cyprès, la lumière crue et les bleus immaculés qui le caractérise, une sorte d’écrin voué à la perfection et l’équilibre des formes, des couleurs, du végétal et du minéral. Verny en peint également les alentours immédiats, puis petit à petit s’ouvre au port et à la ville, à la Corniche, à des vues du Mont St Clair parfois éloignées. Sa peinture peut être dite classique pour les esprits simples mais les habiles, à y regarder de plus près, y découvriront que les innovations sont légion : dans un immense polyptyque intitulée Méditerranée, un véritable chef d’œuvre, quatre zones sont délimitées, du bas vers le haut, en gradation, de la matière vers l’aérien : la végétation à nos pieds, les habitations en plongée, la mer rehaussée de brume lointaine et enfin le ciel, d’une pureté monochrome ( !). L’artiste a sciemment produit des décalages entre chacune des 20 pièces de cet immense puzzle ce qui prouve que son art est bien plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. Par ailleurs, sa manière bien particulière de présenter de multiples petits tableaux, comme s’il s’agissait d’un seul plus imposant, nous force à produire le même effort que celui que nous faisons quand nous abordons une série de photos, la matière picturale en plus. Dans la série consacrée à la vie privée de l’artiste, très chargée en figures décoratives, à l’instar du maître Matisse, chaque pastel aux couleurs fauves est encadré d’éléments décoratifs inlassablement répétés, tendant à nous rappeler la planéité de la surface picturale. Thomas Verny est parfaitement conscient des critiques apportées naguère à la peinture et ses aspects tridimensionnels et il joue avec elles en les intégrant à ses recherches. Certaines  plages par exemple sont composées de contreplaqués non peints dans leur partie inférieure, l’artiste nous invitant ainsi à reconnaître les particularités visuelles d’un matériau. Ailleurs, dans une série de feux d’artifices, ou dans une vue nocturne du lido, bien malin celui qui distinguera la figuration stylisée de l’abstraction subtile. Certaines vues de plage relèvent autant de l’abstraction géométrique la plus radicale (Barnett Newman) que du paysage. Bref on est frappé par l’impression de variété, de renouvellement des approches qui caractérisent cette exposition qui rend hommage à Sète et également à son Musée, son poète et le Cimetière marin qui domine l’œuvre de celui-ci. Les tableaux restituent bien l’impression de présence qui caractérise le paysage pour peu que l’on prenne un peu de recul en oubliant les autres, les véhicules et l’activité qui viennent troubler ces lieux et moments magiques que seules la peinture et la poésie parviennent à préserver. Et cette confiance dans les vertus du paysage en peinture est souvent plus efficace que les grandes professions de foi écologistes. BTN

Jusqu’au 28 mai, rue F. Desnoyer, 0499047616

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