Pas si rose, LAC de Sigean, Aude

Anne Pons, Isabelle Simonou-Viallat, Valérie Woillet, Le Lac de Sigean (11) PAS SI ROSE
Le Lac, pour cette expo de printemps, ouvre ses locaux à un trio féminin soucieux de questions picturales sollicitant essentiellement la forme, la couleur, la matière et l’espace. Les trois se rejoignent dans une préférence marquée pour une proche abstraction. Elles ont déjà exposé de concert ce qui suppose une certaine complicité dans l’occupation commune d’un ancien chai qu’elles souhaitent égayer de couleurs comme pour une fête, de la peinture s’entend.
La galerie Linard, nichée dans l’aire drômoise de la Garde Adhémar, aura permis de se familiariser avec la production récente d’Isabelle Simonou-Viallat. Il s’agissait de tableaux de différentes dimensions, laissant un espace non négligeable à la toile apprêtée, peinte en blanc, lequel tient lieu de contre-forme vide à une forme hybride, inédite, à partir de laquelle le spectateur peut esquisser une rêverie fondée sur l’analogie. Elle se compose en général de deux couleurs dominantes plus ou moins nuancées. L’ensemble flotte et impose ainsi sa légèreté, sans rien ici qui pèse ou qui pose, dans une recherche évidente d’équilibre. La forme se déplace au fil des tableaux quitte à atteindre parfois les limites, s’ouvrant dès lors à l’espace extérieur, et autres tableaux de la série… Le résultat est séduisant, flirtant avec des références organiques masquées, non sans sensualité. On pense à une flore nouvelle, à une faune primitive, à des échos corporels d’une nouvelle espèce. Par ailleurs, Isabelle S-V travaille sur des filtres viticoles, encore maculés de lie de vin, de petits formats carrés, à partir desquels réagit sa palette colorée et ses matières onctueuses. Les anciens chais du LAC étaient tout désignés pour les recevoir. L’artiste récupère ainsi des matériaux usagés, les détourne de leurs fonctions et les transforme en œuvre picturale par la magie des formes et couleurs assorties de matière. Ses supports peuvent se combiner sur les murs ou s’accommoder du sol.
Les toiles de Valérie Woillet sont résolument abstraites et font vibrer des formes colorées, de grande dimension, qu’elle tend à combiner. L’anguleux au rond, le raide au souple, le continu au discontinu etc. Depuis quelques temps, elle introduit, entre les deux masses de couleur, un espace blanc sur la surface où elles semblaient vouées à se rencontrer. La forme semble pénétrer, à partir de l’extérieur, la toile où elle a conquis son territoire. La taille, assez généreuse, permet d’apprécier la matérialité du geste, lequel ne se cache pas et
favorise les effets de transparence. On est dans une démarche souple, corporelle et humaine. La ligne qui entoure les formes est d’ailleurs indécise. La toile est le plus souvent libre ce qui lui permet de respirer, de jouer sur sa propre matérialité. Il arrive qu’une 3ème forme, circonscrite, vienne se glisser entre 2 dominantes. C’est un peu leur création commune. Au LAC, certaines seront suspendues, joueront avec la lumière et offriront leurs deux surfaces, recto et verso. Le recours à l’encre accentue la légèreté recherchée. L’artiste expérimente aussi des supports imprimés et même du papier japonais dans une intention à la fois musicale et architecturale. Car la légèreté n’exclut pas la recherche de construction. Elle a pourtant la lourde charge de se déployer dans l’espace immense du LAC.
La production picturale d’Anne Pons paraît abstraite de prime abord. Toutefois, elle semble exprimer ce que l’on pourrait appeler de la « paysagéité », notamment quand elle se laisse aller à l’exploration des tonalités de vert. Elle aime à découper sa toile en étendues bien distinctes : une zone d’ombre jouxtant une lumineuse, un monochrome se confrontant à la gestualité, le compact à la transparence, des angles à leurs voisines les courbes, une grille s’accommodant d’une déclinaison lyrique, un fond compact de la complexité des gestes, la surface dans son ensemble, de pointillés. Comme on le voit, les contraires s’attirent et cohabitent dans un lieu d’équilibre idéal. En fait, la surface est comme un sol fertile auquel le temps apporte ses sédiments. Les points viennent y déposer leur signature temporelle, que le spectateur est à même de poursuivre, avec ses sens certes, ses émotions, son imagination, sa pensée, sa capacité à voyager (car un sol ça se foule, ça s’arpente et on peut même se l’approprier). Outre un attachement intimiste au dessin en couleurs, Anne Pons a développé une technique de perforation du papier, laquelle servait de report des points sur la toile mais a fini par trouver son autonomie. Relevant d’une pratique qui mise davantage sur la spontanéité, ils complètent ses grandes peintures qu’ils allègent de leurs petits creux. Ils sont tout en délicatesse et simplicité. Le vide y fait le plein mais c’est pour nous aider à respirer dans un monde de plus en plus étouffant. Ce dernier n’est pas composé que de matière mais inclut sa part de vacance. Au demeurant, ces alignements de points fonctionnent telles des constellations libres. Il y est donc question en dernière instance de lumière. De celles qui partent des sens vers l’esprit.
Alors pourquoi Pas si Rose ? Pour se moquer des clichés. Nous avons affaire à des coloristes qui réfléchissent à leurs pratiques. Faute de vie en rose elles voient la peinture en couleurs. BTN Du 06-04 au 01-06

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