Hommage à Michel Ragon

Archive ©Olivier Culmann / Tendance Floue
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Michel Ragon (1924-2020) nous a quitté le 14 février dernier. Il a été une des grandes figures de la critique de l’art abstrait dans l’après guerre, proche des artistes qu’il avait rassemblés dans une « chronique vécue de l’art contemporain », 25 Ans d’art vivant (1986) au moment où déjà il s’était tourné vers la critique de l’architecture dont il a été une des chevilles ouvrières pendant trois décennies.

Au début des années soixante, Michel Ragon présida la section française de l’AICA et c’est lui aussi qui fut un des tout premiers donateurs aux Archives de la critique d’art lorsque celles-ci furent créées officiellement en 1989. Ce soutien moral et cette contribution concrète, ont été célébrés lors du colloque que les ACA consacrèrent à son œuvre critique en 2010 sous la direction d’Hélène Jannière et Richard Lehmann.

Il était aussi un écrivain qui avait renoué avec ces traditions populaires et prolétaires vendéennes dont témoigne son roman Les mouchoirs rouges de Chollet (1984). Esprit essentiellement libre, tendance anarchiste, Ragon a toujours noué un rapport très personnel avec les artistes, qu’ils appartiennent, ou non comme Gaston Chaissac, aux courants dominants de la scène parisienne ou américaine.

Une lettre dans laquelle Dubuffet précisait à son attention sa position dans le milieu de l’art s’adapte à merveille à Ragon lui-même : « Je crois que (…) mes vues sur l’art sont aussi étrangères à l’ensemble des problèmes et tendances de l’art d’aujourd’hui que pourraient l’être par exemple aux réseaux ferroviaires et aux circulations des grands express le voyage d’un piéton qui cheminerait sac au dos à travers les betteraves et les terres labourées. » Michel Ragon était ce piéton, il avait cette liberté de regard, cette curiosité intelligente et aimante qui le rendit accessible à la plus grande diversité des formes d’expressivité artistique. Peu enclin au dogmatisme, il avait la générosité du regard inquiet.

Hommage lui a été rendu le 19 février dernière, en présence de Françoise Ragon son épouse, sous les voûtes de Saint Eustache à Paris, qui reçurent dans leur paix le généreux anarchiste. Il a désormais rejoint au cimetière du Montparnasse son vieil ami Atlan, mission accomplie au bénéfice des artistes et de la critique.

Jacques Leenhardt

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