Gianni Pettena, au Crac de Sète
Primo, ce n’est pas parce que l’on envahit un espace de réalisations en surnombre que l’on conçoit une bonne exposition. Secundo, cela fait pas mal de temps que les frontières sont devenues ténues, voire poreuses, entre l’art que l’on dit contemporain et toutes une séries d’activités davantage tournées vers la fonctionnalité ou vers la vie quotidienne. Tercio, il n’est pas nécessaire de produire des œuvres pour être défini en tant qu’artiste ou plasticien : l’intention vaut souvent pour la réalisation. Gianni Pettena se définit lui-même comme « anarchitecte » mot valise incluant l’anarchie, l’architecture mais aussi, à bien l’écouter, l’art(e). Il n’érige pas à proprement parler des constructions traditionnelles. Disons qu’il montre comment les habiter, qu’il accorde une grande place à la Nature au point de considérer les montagnes comme son école d’archi, et qu’il requiert la participation des autres, qu’il s’agisse de ses proches ou du public. On découvre un peu de tout cela au Crac, chaque salle présentant un aspect de sa réflexion. Cela commence par un Tunnel sonore de carrés gigognes en lesquels l’artiste peut performer, vêtu d’écailles métalliques, afin de faire sonner l’installation. Une vidéo rend compte de l’expérience. On voit tout de go l’importance que Gianni Pettena accorde au corps comme humble mesure de notre relation au monde, ainsi qu’à l’environnement. Ensuite on pénètre dans ses Archipensées, un espace recouvert de raphia sur une structure de bois. Avec un peu d’imagination, une anamorphose nous fait percevoir un temple, gréco-romain, selon l’angle de vue adopté. Nature et architecture semblent faire bon ménage, comme au bon vieux temps des Anciens. Dans la troisième salle, l’artiste creuse une niche à la mesure de son corps dans un angle, comme laissant une trace de son passage. Il s’ingénie à faire décoller un pan de mur qui aspire à s’émanciper voire à respirer et propose une œuvre murale de terre cuite modelée à la main, de manière primitive, dans la volonté d’associer le corps et l’humain à la réalisation. Ensuite, salle 4, nous remarquons une installation à base de manteaux noirs, trois exactement, qui servirent de costumes-chaises, dont l’image prolonge le dégradé. En fait, l’architecture s’organise autour de nous, dès lors que nous nous posons en un lieu. A l’étage nous avons affaire au visionnage de films, dont le plus célèbre, où la vague naturelle efface sur le sable, non pas le doux visage d’Aline mais l’écriture du mot Architecture, belle revanche de la Nature sur les prétentions humaines, promises à la destruction tandis qu’elle perdure à la mesure de l’éternité. Pettena s’ingénie également à effacer les présences humaines sur divers et illustres tableaux peints dans son glorieux pays. Ailleurs, il fait allusion à l’Ile d’Elbe où il posséda une maison en construction. Les deux dernières salles sont tout aussi spectaculaires que les trois premières. On y découvre des chaises à courroies suspendues, rappel des performances réalisées collectivement dans un cadre urbain par l’artiste, ce dont témoignent des documents d’époque. Enfin la dernière offre au public un pénétrable de papier, parmi lequel découper son parcours. Façon de participer à la configuration de l’œuvre, dont on perçoit la toiture mouvante à partir de l’étage. Et qui s’expose à tous les vents à l’extérieur. Une exposition qui fleure bon la surprise grâce à l’originalité de ses propositions et pousse à la réflexion du fait de ses thèmes éminemment contemporains. BTN
Jusqu’à 1er-09