Ce que disent les plantes, Le Grenier à Sel, Avignon
En ce lieu, remodelé par J.M. Wilmotte, proche des remparts et du fameux Pont d’Avignon, les expositions s’avèrent immersives, insolites et souvent prospectives. Celle de cet automne, rendant hommage au naturaliste J.H. Fabre, ne dérogera guère à la règle. Des herbiers traditionnels, ou cinématographiques, un atlas racinaire, des photos de végétaux ciselés comme des sculptures, un film d’anthologie sur le Miracle de fleurs… sont confrontés aux œuvres inventives et spectaculaires de nos artistes contemporains. Trois axes ont été retenus : Célébrer (les plantes), Conserver (C’est entre autre le rôle des Herbiers, traditionnels ou numériques, et parmi ceux-ci celui d’aurece vetter, lequel convoque l’I.A. pour aligner ses feuilles inédites peintes sur toile) et Recréer (Ce n’est pas pour rien qu’une sculpture 3 D de Donatien Aubert se nomme Disparues). En ces temps où les questions liées au maintien de la biodiversité préoccupent les consciences les plus averties, les artistes apportent leurs contributions esthétiques souvent plus efficaces que les slogans actions iconoclastes parce qu’elles touchent à ce qui donne sens à la vie : la Beauté, l’Harmonie universelle du monde, l’organisation miraculeuse qui préside au vivant. Huit ont donc été conviés, à grand renfort de réalité virtuelle, de sculpture interactive ou de dispositif sonore. Miquel Chevalier sait l’art de manier les algorithmes et de maîtriser la machine de manière à nous plonger dans un monde merveilleux, métamorphique, impressionnant de gigantisme et de capacité à se renouveler, dont nous avons grand besoin en ces périodes d’angoisses et de doutes accentués par les médias. Sa vidéo « s’expanse » tel un univers naturel recombiné à l’infini. Les pièces de bois collectées dans diverses forêts de France puis remodelées par Benjamin Just et posées sur le sol reprennent vie au rythme de pulsations concentriques, telles des entités vivantes, ou des pages que l’on effeuille, tandis qu’un écran, qui leur est connecté, rend sensible les progrès de la déforestation. La réalité virtuelle, avec casque et manettes, selon Jérémy Griffaud, dans son Origine des Choses, dépeint une Nature soumise aux innovations perverses de l’homme et contrainte à se révolter, dans un monde pictural voué à clamer la nécessité d’une réaction urgente. Si les amateurs d’art trouveront de quoi s’étonner des prouesses techniques qui viennent régulièrement enrichir nos valeurs et certitudes esthétiques, le grand public, et les enfants, seront émerveilles et on l’espère touchés. Notamment par la série des Floralia de Sabrina Ratté qui nous fait assister en images à la recréation ex nihilo de plantes du futur, alors disparues, et conservées dans des archives virtuelles. On peut les percevoir sous toutes leurs facettes, les décomposer, les pénétrer plus intimement dans un climat propice, sonore et sous-marin. Les œuvres ne sont pourtant pas toutes monumentales. Dès l’entrée, Laurent Pernot leur attribue une dimension picturale en congelant plus ou moins ironiquement des fleurs censées témoigner de l’éternel amour. Thierry Cohen fait confiance à la photo pour nous rappeler le rôle des arbres et forêts célestes dans le captage naturel du Carbone. L’herbier spatial, sur couverture de survie, de Valère Costes, anticipe sur nos nourritures à venir. Fabrice Hyber évoque, en vidéo, la vallée où il sema jadis des milliers de graines avec son père, sauvant ainsi un territoire du désastre, y trouvant la source de son fameux vert. L’avenir est fait aussi d’espoir, sous l’impulsion des artistes. C’est ainsi que s’interprètent, au-delà inquiétudes légitimes sur la nuisance humaine, les Chrysalides De Donatien Aubert, extraites de ses Jardins cybernétiques, sensibles à l’approche humaine et donc interactives. Et l’on conçoit pourquoi Betty Bui met l’accent sur l’importance de la Respiration végétale. La Nature est vivante et pas seulement faite pour le plaisir esthétique de nos yeux gavés. Ce que disent les plantes doit bruiter jusqu’à nos oreilles d’individus sur-occupés. On peut le dire avec violence dans les rues. On peut aussi écouter les artistes, leur sensibilité et leur intuition. Ca se passe au Grenier à Sel. Un lieu magique. BTN
Jusqu’au 22-12.