Le livre Brûlure, réalisé essentiellement à partir de polaroïds, est une expérience, une initiation secrète imaginée par une femme, une traversée du feu. Une tentative de saisir le point de feu qui marque une substance comme l’instant d’amour marque une existence.
Dès les premières pages, sans trop savoir où nous allons, voilà que nous progressons lentement sur un chemin de brûlure et de métamorphoses. Nous traversons des paysages, des corps, des forêts, des scintillements, une rivière, le temps. Des peintures anciennes se devinent et un geste se répète : quelque chose a lieu.
Comme dans La divine comédie de Dante, Brûlure de Linda Tuloup, mis en page par le graphiste Ruedi Baur, nous entraîne lentement dans l’obscure clarté où l’être ne finit jamais d’errer. Avec ses images délicates, la photographe pousse nos corps et nos âmes dans les constellations de l’être, dans la question éternelle, dans l’éternelle nécessité de l’être. Les brûlures qu’elle risque sont là afin que les images se chargent d’aura bien plus qu’elles ne disparaissent. Lorsqu’elles brûlent, soudain en leur centre, une amande incise s’ouvre afin qu’accouche un autre territoire. Linda Tuloup traque l’insaisissable, accompagnée par les phrases de Colin Lemoine. Chacune et chacun tournent autour d’un tel espace entre flamme et cendre.
Une fois le livre refermé, plane au-dessus de nous le fantôme de la « question sans réponse » de Georges Bataille : « L’immensité, comme toi, n’a pas de robe. Silencieuse et nue, n’est-ce pas l’intimité de l’univers à laquelle t’ouvre un vertige intolérable ? ».
Linda Tuloup, à travers ses séries photographiques, la relation qu’elle entretient avec la nature et l’image du féminin, dépasse la simple séduction pour nous faire pénétrer dans un univers poétique où l’inconscient devient langage à part entière. Les mots de Colin Lemoine attisent la braise.
Ce sont des rites intimes qui débordent l’espace : des polaroïds dont elle passe la matière à la flamme, des pierres sur lesquelles elle révèle ses images, des films photographiques, dont FEU où le secret même des origines se transmet à travers une ville perdue, un visage absent, une nuée d’oiseaux.