Sigmar Polke, Fondation Van Gogh, Arles
Les expositions se suivent et ne se ressemblent pas à la Fondation Van Gogh : La Haute note jaune, était collective, Sous les pavés la terre est consacré(e) à l’un des artistes allemands les plus emblématiques de sa génération, Sigmar Polke, disparu en 2010. Ce qui ne change pas c’est la formule : présence de tableaux de Van Gogh, dès l’entrée, en l’occurrence deux petits formats : Un panier de pommes de terre et Paysan et Paysanne plantant des pommes de terre. Il s’agissait pour Vincent de marquer son empathie avec le monde du travail rural. Polke ayant vécu l’après-guerre et ses privations, a été sensible à ce que symbolise le populaire tubercule alimentaire. Il en a érigé une maison très aérée, un clin d’œil à l’art de Carl André, évoqué aussi dans les carreaux de Delft sur tissu imprimé. Le lien est ainsi trouvé entre les deux artistes. Au-delà de cet aspect, le légume renvoie à la terre et donc au réel, dans lequel s’inscrit la production de Polke, qui démarre en fanfare avec son appartenance au Réalisme capitaliste, par opposition au Socialiste qu’il a fui et aussi au Pop Art américain, trop euphorique à ses yeux. Dès les premières salles on reconnaît son originalité avec la Table tramée ou encore les Hérons sur flanelle à motifs. La salle 2 foisonne de chefs d’œuvre notamment Cristal d’un souffle et le gigantesque Gangster où il recourt à l’enduit, la résine synthétique et la feuille d’or sur polyester mais aussi Le Piano (pigment et laque sur tissu), ou Détention préventive où il use d’épingles de sureté et de lames de rasoir et même de bonbons sur tissu décoratif pour figurer une arrestation. La production démarre ainsi sur des images dessinées sur des supports inattendus que l’on peut dire pauvres ou populaires. En ce sens, elle s’ s’oppose au pop art. En ces seventies, Polke accorde une grande importance à l’expérimentation photographique, toujours son attachement au réel, qu’il fait fonctionner parallèlement à sa recherche picturale, les deux s’influençant mutuellement. Paris dans l’après 68 (suggéré par le slogan ironique qui sert de titre, Sous les pavés la terre). La matière attire Polke, que l’on qualifie souvent d’alchimiste. Il s’adonne à des expériences avec des produits toxiques, obtenant des effets nouveaux. Salle 3, c’est l’apparition de la couleur violette et des tableaux importants, tel ce Morse que l’on a du mal à identifier. Dans les années 80-90, Polke semble avoir trouvé son style définitif. Car ce qui l’a rendu célèbre, ce sont ses tableaux tramés en pointillés, non reproduits de manière mécanique mais posés à la main nous amenant à voir combien l’image se perd selon la distance et ainsi combien le réel est relatif. Les images, l’artiste les emprunte à la presse mais les fait passer au crible de sa peinture en révélant le le caractère fictif. Les fugitifs sont là pour le prouver, qui peuvent parler à tous les pays, toutes les époques. Cette expo, qui mêle photos (notamment de catacombes mais aussi des abstraites, irradiées au plutonium) et peintures, et aussi des carnets d’esquisses, et même la sérigraphie (Pingouin et Fakir) accorde une grande place au film et à la vidéo, de, sur et avec l’artiste en particulier en fin de parcours comme si après avoir découvert le peintre créateur on découvrait l’homme à son image. L’étage nous accueille avec des petits formats qui donnent un caractère plus intimiste aux expérimentations. Le lit outrepasse les dimensions du corps, un peu plus loin. Une salle est consacrée à la Révolution française, Versailles, Valmy (en recto-verso) Les bijoux de la reine, et la manipulation dont ils ont fait l’objet, petit rappel des propagandes menant au grand soir avant les lendemains qui déchantent (Polke est originaire de Silésie). Vers la fin, on découvre ses dernières créations, notamment ses vitraux d’agates. C’est toute une vie de création que nous offre ainsi cette rétrospective orchestrée par Bice Curiger qui connut bien l’artiste et méritait bien ce feu d’artifice final avant son départ de la Fondation. On y découvrira une soixantaine d’œuvres, dont une immense révérence envers Paganini, cet autre virtuose. Un bel hommage à cet immense artiste. BTN
Jusqu’au 26-10