Pavis de Tarbes et Lac de Sigean (11)

Future is now, Parvis de Tarbes, Ibos
Cinq décennies au compteur que l’art contemporain, hante ce lieu original, entre une salle de théâtre ou de cinéma et un supermarché périphérique. Et en 50 ans, il s’en passe des choses dans le milieu de l’art. Qui se souvient par ex de l’hyperréalisme des carrières antiques d’un Bruno Schmeltz, des assemblages textiles de Josep Grau-Garriga ou de l’inventeur de l’Art Nul, Jacques Lizène. Parmi 50 artistes retenus (sur 600 exposés) l’éclectisme est de rigueur : des photos d’Amants fantômes de Martine Aballea ou des marbres, verts et géométriques, de Saädane Afif, au complexes rideaux à lamelles de Jacques Vieille ou aux mobiles, sur bois divers de Xavier Veilhan. En passant par la mortadelle décomposée de Michel Blazy, les néons de Bertrand Lavier ou la vision du créateur selon l’inventif Philippe Ramette. Toutes les générations se côtoient : d’un côté on redécouvre l’Eloge de l’envie du regretté Erik Dietman avec corbeau noir, ou une paysage épuré de la doyenne Tania Mouraud, ou encore l’installation du néo-géo John M. Armleder qui associe sofa et peinture, tandis que Joël Hubeaut remodèle le buste du clown de Mac-Do. Mais de l’autre, on note la présence de Caroline Corbasson, ses dessins au charbon, sa fascination pour l’univers astral, et de Bianca Bondi (Reliquaire composé de fleurs séchées sous vitrine avec encensoir et boule d’eau bénite, Lourdes n’est pas loin). Comme quoi les filles rattrapent le passé perdu. Passé et présent se réunissent pour donner une assise au futur. Nils Alix Tabeling s’inscrirait plutôt dans la mouvance Queer (cardons sensuels, à l’huile sur toile). La Peinture ne s’en sort pas si mal malgré sa fin maintes fois proclamée : elle a ses praticien(ne)s reconnus et plutôt à l’aise avec la figure : Nina Childress et ses portraits néo-pops, Damien Deroubaix (intrigante Jeune fille et la mort), Philippe Mayaux (Eden Rock, en très gros plan sur Eve), Claire Tabouret toute en mélancolie feutrée, Djamel Tatah (et ses portraits anonymes), Barthélémy Togo et un buste de profil tout en bras… Un peu à part, Laurent Grasso revisite notre passé et ses paysages. Franck Scurti conçoit un tartan de métal égrené de magots. Le dessin aura connu également un net regain d’intérêt : En témoignent les Paysages et concepts de Jean-Luc Verna, la précision d’un Jérôme Zonder (rayons piranésien de supermarché), et les expériences utopistes de l’Atelier Van Lieshout. Entre les deux, certains mêlent peinture et dessin, le médium important moins que l’expression d’une pensée : Fabrice Hyber (Thème du sol, en l’occurrence soldats de maïs), Alain Séchas et ses chats contant fleurette et Nick Van de Steeg, extrayant deux œuvres de sa Maison de la matière première. Quelques photos : à la poussière (des cimes) de Lionel Sabatté, un visage de jeune fille d’Ange Leccia, un combatif ballet au féminin de Virginie Barré, un étrange ado d’une autre dimension, de Gisèle Vienne. Côté sculpture, il s’agit surtout d’assemblages d’objets : l’homme à tête d’objets (du quotidien), de Daniel Firman, un tabouret au sucre de Marco Godinho, une œuvre en verre et sable de Kapwani Kiwanga, un très beau Cria cuervos d’Arnaud Labelle Rojoux, une Taupe debout, de Philippe Quesne, une sculpture hystérique de Berdaguet et Berjus, les cordes bicolores de Delphine Coindet, les lames de scie plantées dans le mur de Mounir Fatmi. les piques manifestantes à poings fermés d’Alain Declerq. Le rapport au concept, au langage est représenté par le montpelliérain Pierre Joseph (Recherche Histoire désespérément) et aussi par des collages muraux de Claude Closky, sans doute aussi le livre d’or sur Lacan de Dora Garcia. Céleste Boursier-Mougenot recourt à la gravure afin de capter le fameux son blanc. Enfin, certains ont choisi la vidéo : Caroline Mosquita en s’appropriant le mythe de Pygmalion et Xavier Boussiron en imaginant une série inspirée du confinement et du Prisonnier, feuilleton des temps jadis. Le mot de la fin ira à la dernière exposante : Ulla Von Brandebourg, magicienne du décor théâtral mais on pourra voir une aquarelle représentant deux femmes avec fusils : sans doute pour abattre les préjugés et l’on sait qu’en la matière, il y a du peint sur la planche… BTN
Jusqu’au 15-10

Fabrice Hyber, au LAC de Sigean (11)
Coup de maître, pour Layla Moget, que d’avoir obtenu l’adhésion de l’un des grands artistes français de sa génération, lequel n’oublie pas les liens qu’il avait pu tisser naguère avec la région (au Mrac et au Crac notamment). D’autant que Fabrice Hyber n’a pas lésiné sur la production et a quasiment occupé tout l’espace des deux immenses salles du rez-de-chaussée de l’ancien chai. Il a ainsi conçu une exposition linéaire qui précède le parcours mural que chaque visiteur peut effectuer à partir de ses propositions. Elle est composée de grands et petits tableaux, au fusain, pastel et à l’huile, reliés par des dizaines de peintures et dessins sur papier libres, réalisés sur place, selon le principe de l’association d’idées. L’ensemble qui forme une suite, voire une narration, car on pense à une écriture dont la lecture s’effectuerait de droite à gauche, est disposé grâce à des planches à hauteur de regard même si le corps est également sollicité. De temps à autre, un soleil peint à même le mur vient nous rappeler d’où s’originent les 365 jours, évoqués par le nombre d’œuvres visibles. 12 assiettes en porcelaine sur table évoquent un autre de nos rythmes temporels fondamentaux. Des coulures souillent les murs à l’instar d’infiltrations chtoniennes. Un rhizome apparaît de temps à autre, dessiné à même le mur. Tout cela pourrait relever de la numérologie la plus fantaisiste si elle n’était pas en accord avec le sujet abordé par Fabrice Hyber dans cette expo, la science du Sol et plus généralement de la Nature et de ce qui la compose, et qui nous compose, la terre et l’eau. Les titres vont dans ce sens : Herb, Plante idéale, Grain de sable, Renaissance. Du nuage aux rhizomes, la dynamique des infiltrations et des cycles naturels devient une thématique inépuisable, qu’Hyber traite avec le style cursif, quasiment didactique qui est le sien et qu’il assortit de multiples notations verbales. Car la thématique de la Création telle qu’elle émane du Sol, avant de bouillir dans un pot rotatif et de finir dans nos assiettes, fonctionne de la même manière que la capacité des artistes à produire du sens, toujours toujours renouvelée. Bref de créer à leur tour. Hyber ne se prive d’ailleurs pas de faire participer le regardeur au processus de création à l’aide d’écriture, signes, diagrammes divers. Elle part de leur observation d’un extérieur, passe par les filtres de nos corps et pensées, avant de se donner à déguster dans des lieux prévus pour ce faire. Il faut se laisser porter par cette promenade composée de pleins et de déliés, de toiles longuement mûries et dessins plus spontanés et qui visent à nos reconnecter à la terre, à ce sol qui nous équilibre et nous nourrit, nous fournit la pierre qui abrite et la graine qui nous vêt. Il importe de rappeler des choses aussi élémentaires (élément-terre) que tout le monde finit pourtant par oublier. Au bout du compte, ce sont les forces naturelles qui gagnent. Même Napoléon auquel un paysage est consacré. Ce n’est pas hasard si l’expo se clôt sur un crâne selon le principe des vanités. L’exposition nous éloigne des villes tentaculaires et géantes, des trépidations de moteur ou de nos divertissements obsessionnels afin de nous reconnecter à l’essentiel. Le miracle permanent que constitue pour nous le végétal, son incroyable fécondité. Fabrice Hyber n’est pas en reste et sait si bien l’imiter.
Changement de programme à l’étage où nous attendent successivement des toiles maritimes de Piet Moget, toute en rigueur et tonalités néerlandaises et de Patrick Sauze, en lesquels on pourrait lire à livre ouvert, accompagnées d’une anamorphose de Tjeerd Alkema. On en vient aux polyptyques de Georges Ayats. Il s’agit de compositions illustrant une peinture non représentative, extrêmement subtile puisque se fondant sur des accords chromatiques nuancés, recourant à une délicate géométrie. L’artiste travaille en série, de carrés, de propositions verticales, dans des tonalités jaunes ou au contraire sombres. Et bien sûr la sempiternelle collection, éclectique au demeurant. Geer et Bram Van Velde, Kenneth Noland, Malcom Morley, Donald Judd, Viallat, Rouan, Ben, Olivier Debré, Messagier, Klein, Spescha, Wang Du… Excusez du peu… BTN
Jusqu’au 10-10

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