Robert Combas et Philipp Bonan à La Grande Motte (34)

Robert Combas, Philipp Hugues Bonan, La Grande Motte, 34280

L’un vit à Sète, est la star incontestée de la figuration dite libre dans les années 80, et expose en la Capitainerie de La Grande Motte (Espace Michèle Goalard), la ville aux pyramides qui ont tant inquiété jadis L’Homme de sable (Jean Joubert). L’autre est le photographe des stars, je parle des arts plastiques, qu’ils se soient nommés Keith Haring ou Louise Bourgeois, César ou Lichtenstein, ou encore les ténors du Street Art. Et parmi celles-ci, ​les stars, Robert Combas, notre illustre sétois, depuis des lustres à présent. Il expose ses clichés en l’Hôtel de la plage du côté du Ponant et des origines (Point Zéro).

On a beau connaître et suivre la production de Combas depuis des années, on est toujours époustouflés : par son inventivité figurale d’abord, qu’elle concerne son rapport avec la mer (on pense à ses 4 têtes de baigneurs coiffés d’un bateau), sa relecture des mythes (son Janus, Adam et Eve) ou de l’Histoire de l’art (Douanier Roussi, entendre Rousseau), sa façon naturelle de traiter des sujets familiers (Geneviève d’eau, la même sous les pins du jardin…). Par cette boulimie de peindre ensuite​, qui lui fait saturer les surfaces de traits noirs ou colorés autour des protagonistes de sorte que le fond soit de moins en moins présent, et que le vide tende à se raréfier. De ce point de vue, la peinture de Combas est à l’image de notre vie moderne, où nous baignons dans mille sollicitations en même temps. L’image finit ​par nous apparaître brouillée​, se confondant avec son environnement pictural ou graphique comme si elle n’était plus qu’un prétexte à peindre. Enfin, on ne peut pas dissocier Combas de sa science des couleurs qu’il aime à juxtaposer, en zones bien distinctes, que l’épais cerne noir auquel il recourt, aide à délimiter. Il ne s’agit pas de susciter des effets de matière. Plutôt de conjuguer des couleurs : il fut un fervent lecteur de BD en son jeune temps. Pour cette expo, outre des affiches créées autour des fameuses pyramides de J. Balladur, Combas a essaimé l’espace de sculptures, une partie moins connue de sa production. On retrouve ses thèmes de prédilection, l’eau, la femme et le mythe (La déesse Isis-Vénus, en résine peinte en blanc et noir), des scènes de la vie intime, un totem de type hybride et animalier (acrylique sur bois), son nom sur 4 pattes. Dernière chose : le dessin, chez Combas, est sciemment enfantin, sans doute un peu brut. N’est-ce pas dû au fait qu’il conserve en lui cette imagination fertile de l’enfance que les adultes s’efforcent de refouler ? La capacité de s’émerveiller de toutes choses : une baignade, une beauté, le sexe… Sète à La Grande Motte c’est toute la culture populaire parmi les gens aisés, c’est la pêche clandestine parmi les yachts, des fesses à l’air dans un milieu quelque peu guindé. C’est le miracle de certains artistes que de faire accepter le mariage de la carpe et du la-peint. La tolérance n’est pas une  affaire de classe. C’est une question d’humanité.

Philipp Hugues Bonan entretient une relation amicale et suivie avec son aîné, qu’il admirait déjà avant de faire sa connaissance, il y a plus de 30 ans. Il l’a donc pris en photo à maintes reprises, révélant ainsi des secrets d’atelier, le monde intime du peintre, en son antre ​de création. On pourra les voir, Hôtel de la plage, Soleil Levant mais pas seulement elles… Bonan, à l’instar de son maître André Villers, ne limite pas sa créativité à la seule photographie. Il s’est essayé à la peinture, au collage, au bri-colage ​inventif. Et entre autres en récupérant des reproductions de parties isolées de tableaux de son ami peintre qu’il insère dans un autre contexte : noir et blanc, new-yorkais, traquant les graffitis. Ainsi deux lieux, deux modes d’expression, les couleurs et valeurs cohabitent-elles. Bonan y ajoute des signes de son cru, notamment des croix​, des spirales, des cœurs. Il se fait trait d’union entre deux modes de vie : le petit port de pêche et la mégapole toujours en éveil, le temps d’élaboration de la toile du peintre et celui qui aboutit au déclic, la prise de vue avec son cadrage et ses angles de vision. C’est une autre manière d’aborder l’œuvre du peintre, sans pour autant l’imiter (il s’agit de découpages), avec modestie et sobriété (les dimensions sont celles d’un format A4), de façon plus inventive encore que l’image photographique, laquelle dépend beaucoup des circonstances, de la chance et du hasard. ​Autant que créative, peut-être un peu ré-créative. Bonan est photographe certes mais également plasticien. Cette expo grand-mottoise est là pour le démontrer. BTN

Jusqu’au 17-8 pour Combas, Jusqu’en 21-09 pour Bonan.

 

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