Raymond Depardon, Pavillon populaire, Montpellier
La ville de Montpellier a noué des relations particulières avec ce photographe qui s’honore de ses origines rurales et entame cette exposition hivernale avec un hommage à La terre des paysans. Après tout, la surdouée conserve parmi ses enfants des descendants issus de villages des alentours ou de cet arrière-pays que Raymond Depardon a parcouru (ainsi qu’on peut le constater dans la série Communes, laquelle fait partie, avec la série Rural justement, de la Donation récente au Musée Fabre). Ceci dit, et cette exposition Extrême Hôtel est aussi là pour le vérifier, l’appareil photographique de Depardon ne s’est pas cantonné à l’exploration d’un milieu en pleine mutation et sans doute déperdition. Il a parcouru le monde (Chili, Afrique du Sud, communautés du Brésil), ses guerres (Beyrouth, l’Algérie, Le Viet Nam…), ses événements (L’affaire de l’enlèvement de Françoise Claustre), ses récessions (Glasgow)… Tout en prenant le temps d’errer, à la recherche d’une lumière inédite (à Tokyo), d’une station service fantomatique ou d’un restaurant isolé (USA), d’un hôtel où se retrouver et photographier pour le plaisir (Addis Abeba). Loin des clichés tapageurs et alimentaires qui font la couverture des magazines people à grand renfort de couleurs. En effet, cette expo ne permet pas seulement de découvrir le grand reporter, et photographe de presse, elle permet également de révéler l’homme, sa vision du monde, son sens de l’observation, son rapport à la solitude qu’il transforme en esthétique et en œuvre d’art. Cet homme s’attache aux détails de la vie quotidienne, un coin de toile cirée dans une maison de gens simples, quelques siciliennes assises sur un banc public (en deux clans, les jeunes et les vieilles), un café isolé dans un coin paumé du Nouveau Mexique… Unifiée par le recours à la couleur, l’exposition se déploie dans les trois espaces du Pavillon fraîchement restauré. Dans le couloir gauche, passé l’hommage au milieu paysan, Press Color nous plonge dans les grands reportages d’un passé qui connut des heures de gloire et de dépression, avant que les premiers signes d’une relation plus intimiste au monde se manifestent dans la mission confiée au photographe par la DATAR (Aménagement du Territoire). Au centre, le cœur ouvert au monde dans la traversée des USA sudistes, avec ses routes interminables parsemées d’hôtels, cafés, stations-services, apparitions à la fois inédites et salutaires… Au centre aussi, l’Extrême Hôtel qui donne son titre à cet ensemble choisi par le propre fils de Depardon, Simon, ce en quoi on demeure dans l’intimité même si l’on se veut en quête d’un sens, quand l’anecdote ou le fait divers se dérobe (Les Faits divers : Depardon les connaît bien, qui leur a consacré un documentaire filmé, tout comme aux Urgences et aux Reporters). La réalité brute, et ses travers, nous rattrape en pleine évasion vers la solitude dans les rues et quartiers de Glasgow, en pleine crise économique. Le couloir de droite, qui nous ramène à la sortie, revient sur des souvenirs de jeunesse, à Carthagène et Tokyo. L’accès à la vieillesse s’accompagne d’un relâchement des tensions qui laisse place à la surprise. Enfin, on quitte l’expo sur divers lieux de la Méditerranée, en Grèce, en Sicile ou à Beyrouth, partagé entre la guerre et la nécessité de continuer à vivre. On sort donc sur une note d’espoir qui n’exclut pas la lucidité. On en tant besoin. Montpellier a décidément raison de privilégier ce photographe. BTN
Jusqu’au 12-04











