Possédé(e)s, à La Panacée,
De l’avis de tous les spécialistes, Possédé(e)s est la meilleure expo ayant eu lieu dans la région ce denier semestre. La scénographie en est soignée, les effets de lumière sont bien adaptés au sujet, il n’y manque même pas le son insistant des dizaines de radios récupérées par les britanniques Iain Forsyth et Jane Pollard pour nous plonger dans l’ambiance. Censée illustrer les rapports de l’art contemporain à l’ésotérisme, en particulier par le truchement du corps, cette exposition n’est décidément pas comme les autres : on y vend son âme contre des objets, c’est le sens de l’installation bureautique de Nicolas Aguirre et de ce néon en forme de pièce assurant le passage dans le monde des morts ; des tables et chaises en métal piquées d’épis de blé de Nils Alix-Tabeling ; des mains surgissant du mur pour nous offrir des bougies symboles de brève vie, de Kelly Akashi. Nous évoluons dans l’étrange face aux papillons géants et vampires en verre soufflé de Jean-Marie Appriou, ; aux peaux de vaches flottantes telles des robes rituelles d’une quelconque Médée, de Nandipha Mntambo ; dans l’écosystème génétique et volontairement embrumé, aux couleurs surnaturelles, de notre Chloé Viton qui n’en finit pas de nous étonner… Le corps semble en transes et comme déchaîné : c’est évident dans la vidéo bacchanale de Pierre Huyghe ( acteurs enfermés dans un musée), dans le fabuleux film de Pauline Curnier-Jardin sur la sexualité des vieilles femmes claustrées, dans les suspensions et effondrements en poudre de kaolin, renvoyant aux naufrages négriers, de Dominique White. Le corps est d’ailleurs omniprésent, qu’il s’agisse de son fantôme dans les peintures de Sedric Chisom, des photos ambiguës et travesties de l’ancêtre Pierre Molinier ou dans les poses agressives de la brésilienne Laura Learth Moreira, les danses convulsives de Joachim Koester. Tous les supports sont sollicités la plus impressionnante, et sans doute aussi la plus mystérieuse étant sans doute cette bâtisse en plomb et argenterie de Jean-Philippe Janisset qui hante l’espace de la pièce la plus vaste. Côté peinture, on relèvera des tableaux très métaphysiques de Lewis Hammond, la réinterprétation du Printemps de Botticelli à la lumière de l’évolution des identités sexuelles, selon Apolonia Sokol, déclinaison de « div » selon l’afghan Mahdi Hamed Hassanzada, sur fond de répression sexuelle – car il n’était pas question de dissocier la sexualité de l’ésotérisme, la magie, le chamanisme et consorts. La sculpture est représentée par les bustes humains sans visages d’Anna Hulacova. La photo par les mains épinglées, poudrées, tatouées de Myriam Mihindou. Le dessin, par les tarots imaginés par Jérémy Richer, toujours aussi inventif. Raphael Barontini expose des sortes de pavois hybrides en mêlant les techniques et cultures, comme si un art en phagocytait un autre. Et c’est bien l’impression que nous laisse cette exposition pas comme les autres : d’avoir visité un autre monde, non régi par la les règles de la science et de la logique usuelles et normatives. Et qui sait si, après les échecs de ce dernier, le premier, réinterprété, ne refera pas surface… Cette expo en aura été la préfiguration. BTN
Jusqu’au 14 février, 14, rue ancienne école de pharmacie, 0499582800