Oush, Collection Lambert

Revenir du Présent, Regards croisés sur la scène actuelle, Collection Lambert, Avignon

En invitant 38 artistes de Poush, lieu francilien voué à la création, la Collection Lambert prouve une nouvelle fois qu’elle ne se limite pas à la célébration d’un passé dépendant des choix judicieux d’un galeriste. Elle s’ouvre au contraire, dans son aile Montfaucon, à la vivacité d’activités artistiques telles qu’elles se conçoivent aujourd’hui, hantées par les nouvelles urgences, luttes et obsessions de notre temps. Elle n’est pas seulement représentative de l’état d’esprit de nos français mais s’ouvre à divers pays qui se reconnaissent encore dans la proximité de la capitale, qu’ils viennent d’Afrique, d’Amérique, du Moyen Orient ou de l’Europe entière. L’exposition se déploie comme un parcours sur trois étages, le rez-de-chaussée promis de prime abord à la Nature et à la Nature morte, l’étage à la civilisation et ses outils ou ustensiles, le sous-sol enfin à ce que je qualifierais de gestation exaltant l’hybridité, les étapes transitoires et l’art du futur. Cela commence avec les trois branches d’acier de Laura Sellies suspendues au dessous de nos têtes, tandis que trois petites filles chantent une comptine enfantine. Nous sommes alors à L’Orée du bois. On s’en rend compte en pénétrant la première salle où des créatures fantastiques de béton signées Max Coulon sont disposées à même le sol, à hauteur d’enfants, tandis que Martine Albouy occupe l’espace tant sur le plan mural qu’au sol et au plafond, de formes d’une inquiétante étrangeté. Julien Farade complète cet univers de conte avec ses grandes peluches et ses tableaux sur velours. Le colombien Daniel Otero Torres réalise une œuvre binaire, image et slogans d’un côté, de l’autre des plantes réelles en référence à l’agriculture intensive. Passé le sonore Corps living room d’Anne le Troter, en hommage à Merce Cunningham, on se trouve confrontés à une orgie de petits et moyennes formats de peintures figuratives, en alternance, explorant les traditionnelles Natures mortes. Marie de Villepin y propose des Pommes flottant sur la surface du tableau, Ugo Schilde un tableau que l’on peut animer d’une chaine mécanique. L’algérien Abdelhak Bennalou des huiles stupéfiantes de réalisme, mettant en valeur la lumière. Matisse Mesnil travaille sur un support en acier tandis que Cyril Debon encadre ses légumes avec de céramique. Laura Garcia Karras donne à ses fruits ou fleurs une apparence stylisée, quasi fractale. Au centre, une installation de coupes et seaux en porcelaine de Morgan Courtois. Un couloir meublé tapissé de citronniers épineux, du géorgien Nika Kutateladze nous conduit dans la dernière pièce où nous attend une gracieuse sculpture en béton du duo Xolo Cuintle, une immense toile et une construction primitive en torchis d’Edgar Sarin. L’étage voué aux Choses de la vie fait brûler les étapes grâce à la présence de matériaux inattendus mais qui sont agencés avec imagination et brio : les ustensiles et les outils bricolés associés par le libanais Pascal Hachem, les chaises sonores d’Erwan Sene, l’immense ready-made d’outils de construction réorganisé en maquette de ville moderne par le brésilien Marion de Azambuja, les marbres voués aux objets du quotidien de l’italien Luca Resta, les Ice memories de Célia Gondol, les discrètes chauves-souris de Cyril Debon… Que des œuvres qui étonnent, séduisent, persuadent, atteignent leur but… Le sous-sol propose également bien des expériences fascinantes. Pol Tabouret entasse des clous, géants et rouillés. Gaelle Choisne, décline autour d’un filet en acier ses œuvres hybrides, puisant dans son enfance et la culture créole ; le franco-canadien Grégory Chantonsky, à l’inverse, recourt à l’Intelligence artificielle pour un film visant à redéfinir nos conceptions sur l’Art et son devenir. On découvre aussi les fouets muraux, assortis de matière organique ou lactée, de Salomé Chatriot, les créatures inachevées et olfactives du duo Ittah Yoda, les sculptures critiques et ironiques de Margot Pietri détournant des prompteurs ou distributeurs. Dune Varela taquine la mise en abyme en imprimant de photographies de marbres sur marbre. Gérard et Kelly rappellent leur intérêt pour l’art de la danse et pour la musique de Julius Eastman, en installant deux boules à facettes dans une chambre noire. La performeuse Carla Adra termine en vidéo cette exposition même si quelques œuvres restent à voir dans la cour intérieure (autel de Matisse Mesnil) ou dans l’espace de l’atrium (ascenseurs miniatures d’Hugo Avigo), de même que l’espace dédié à Toroni se voit remodelé par Estelle Aillaud. Dans l’ensemble, une exposition d’une haute tenue et qui nous immerge, comme c’est la vocation de Poush, dans les surprises de la Création telle qu’elle se conçoit et formule aujourd’hui. BTN
Jusqu’au 12-05

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