Nicolas Sanhes, Château de Taurines, Centres (12065)
En attendant de fêter les 40 ans d’ouverture de cette bâtisse médiévale, tout en pierre de schiste et en lauzes, à l’art contemporain, Nicolas Sanhnes revient, quelques décennies plus tard, sur les lieux de sa première exposition de sculpteur. Sauf qu’entre temps il a trouvé sa voie dans des structures complexes, réalisées à partir de poutrelles industrielles, segmentées et aboutées, dans un mouvement d’expansion qui n’exclut ni la nécessité de l’équilibre général ni la volonté d’établir un juste milieu entre le vide de l’espace et le plein du volume linéaire. Chaque segment fait partie d’un tout et les possibilités de variations des formes sont infinies. Elles peuvent être monumentales et s’inscrire dans l’espace public (Rodez) voire privé (La Mouche à Béziers), ou plus modestes quand il s’agit d’exposer à l’intérieur. Ajoutons qu’elles sont colorées de blanc, ce qui permet des effets de lumière. Elles se modifient au fur et à mesure que l’on tourne autour d’elles, qu’elles soient posées au sol ou mises sur un socle ce qui renforce alors leur mouvement d’expansion vers le ciel. Enfin, et surtout, elles sont refermées sur elles-mêmes comme pourrait l’être un ruban de Moebius et s’affirment en tant que lignes abstraites dans l’espace, même s’il n’est interdit à personne de leur appliquer l’expérience de Rorschach. On peut en découvrir quelques-unes à Taurines mais l’on comprend vite qu’elles servent de référence majeure aux peintures que l’artiste a choisi de présenter au public car représentant la face méconnue de sa production. Certaines sont de format carré, de dimensions humaines, ce qui les situe dans une certaine postérité de tableaux qui s’affichent comme tels (et non dépendants d’un genre), d’autres plus amples, à la mesure de l’envergure du corps bras écartés, d’autres enfin plus modestes et donc plus intimistes. Ce qui frappe d’emblée c’est l’emploi de la couleur, ce qui n’exclut pas, dans certaines séries, le recours au noir, peut-être en hommage à un peintre illustre ayant vécu dans la région. On y retrouve la « vacance », à savoir la projection du vide spatial sur le plan du tableau. Nous assistons alors à un ballet de formes colorées. Car l’impression de mouvement persiste, de la sculpture au peint. Simplement il passe du corps au regard, amené à se perdre dans le méandre des propositions qu’on lui soumet. Les formes, non identifiables a priori, sont impeccablement découpées grâce au recours à des adhésifs. Au début, la peinture de Sanhes n’était que la projection des sculptures à la surface du tableau. Petit à petit les rapports de forces et de formes se complexifient et pourraient laisser accroire que l’artiste perd le contrôle de l’équilibre. Aussi, ce dernier utilise-t-il des « tenseurs » qui ressemblent vaguement à des clés et participent à cette recherche d’aplomb qui lui importe tant. Des formes de trèfles ou d’échelles vont dans le même sens, lesquelles incarnent la forme stylisée soit du tableau soit de motifs architecturaux empruntés à l’espace environnant. Car point de mouvement sans équilibre, l’homme ne le sait que trop… Pourtant, il ne s’agit pas seulement de lui, même s’il impose sa mesure à toute chose. Tout est équilibre en ce monde. Un philosophe évoquait même l’harmonie universelle, ce qui signifie que toute partie dépend du tout et réciproquement. N’en est-il pas de même pour chaque œuvre de Sanhes, dans ce sentiment d’unité qu’elle suggère ? De nos jours, l’ordinateur permet de mieux calculer le rapport entre chaque membre et son ensemble. Sanhes l’a donc intégré à ses outils de travail, au même titre que les brosses, pistolets, ponceuses et soudeuses. Nous reste à nous demander ce qui préside au choix des couleurs. Chez Sanhes, il semble qu’il soit lié aux éléments qui composent le monde et qu’il décompose en aplats, puisque le tableau est avant tout un plan sans profondeur réelle : la source de lumière, la végétation, le ciel nocturne poussé à son point optimum d’invisibilité, l’espace, les éléments architecturaux et ainsi de suite… Si tel était le cas il serait intéressant de lire ses toiles qui semblent de prime abord de facture technologique à la lumière de l’environnement immédiat du château. Certaines ouvertures baignées de lumière dans les toiles les plus sombres iraient dans ce sens. Chaque toile met en abyme le château et sa situation dans l’espace du Ségala. BTN
Jusqu’au 22-09