Moco et Panacée été 2024 à Montpellier

Kader Attia, Moco

Descente au paradis. Kader Attia sait manier la langue, ses oxymores et paradoxes. En fait, la structure du Moco, avec son sous-sol terminal et ses niveaux intermédiaires offraient des ressemblances avec La Divine Comédie dantesque, laquelle justement s’achève par le Paradis espéré. Chez Attia, il se confond avec la vie spirituelle, la relation au monde en bonne harmonie avec la nature, la capacité de renaître et d’explorer de nouvelles voies. Ainsi passe-t-on des photographies de jeunesse, focalisées sur les pierres carrés du port algérois invitant au voyage lumineux, une phase d’attente donc, au double écran qui clôt l’exposition, entourée de Totems hybrides, et relevant d’une sagesse venue de l’Extrême orient, dans un rapport privilégié aux arbres et une acceptation des nouveaux genres sexués. Une incitation à réparer les erreurs et blessures passées. Entre temps, les bustes de gueules cassées, taillées à la hache dans le bois brut nous rappellent l’enfer sur terre, de la violence et de la guerre. Les dizaines de prothèses suspendues permettent d’entretenir l’espoir qui se concrétise avec les arbres encore dénudés mais où poussent des lance-pierres révoltés, et qui parviennent à pousser parmi les pavés citadins tandis que des bâtons de pluie tournant comme des éoliennes, anticipent sur le retour du Paradis dans des pays particulièrement arrosés, de manière éternellement cyclique. Le parti-pris politique est omniprésent ainsi que le prouvent ces pierres prises dans un grillage, ou encore, ces vêtements bleus, posés en flaque, en hommage aux migrants, c’est le revers du voyage : la réalité des faits, une Mer Morte. Voire ces cannettes de bière pliées qui semblent former comme un pèlerinage grégaire, soumis, normé. Kader Attia fait flèche de tout bois puisque bon nombre de ces objets sont récupérés, détournés de leur fonction et ré-orientés vers une signification inattendue. Pensons à ses supports d’emballage, présentés comme des sculptures du pauvre. Une vidéo montre un cube de sucre s’effondrant sous les assauts du pétrole. Elle peut-être perçue de manière esthétique ou morale (le blanc et le sombre, le pur et le visqueux, le bien et le mal) mais on peut se demander si l’artiste n’ironise pas sur le fait que notre société coloniale (pensons au commerce du sucre) ne saurait résister à la puissance des producteurs d’or noir, pour un temps encore. La partie paradisiaque nous plonge dans l’exotisme thaïlandais, une autre manière de voir, sans normes coercitives avec une pensée primitive de bon sens. Après le rappel de nos architectures modernes, géantes et inhumaines, mêlées aux bâtiments du passé et à quelques remèdes, on revient aux temples de ancestraux où le rapport au temps n’est pas le même, à la raison même (présence d’un medium) où l’espace est arborée (les véritables géants ce sont les arbres). Les totems, hybrides,  puisque recouverts de miroirs, en sont issus. Cette exposition se veut également poétique dans sa manière d’aborder les choses. Les formes sont pures (le cercle de cannettes), le rythme volontairement ralenti (le mouvement rotatif des bâtons de pluie, les deux vidéos finales sur écrans géants), les photographies admirablement composées selon des rapports de proportion idéaux. La notion de  Réparation est bien mise en évidence par des toiles de coton recousues, comme après une blessure profonde, des calebasses murales aussi. Il y est question de beauté mais celle-ci se mérite. Elle demande un minimum d’initiation. C’est le rôle du médium qu’est l’artiste d’en fournir sa vision. BTN

Jusqu’au 22-09

 

Etre Méditerranée, La Panacée

On peut être Méditerranée comme on est Tendance ou Charlie… La présence de ce bassin au passé si prestigieux et au présent si douloureux, irrigue le travail de bien des artistes qui habitent ou ont habité l’un des nombreux pays qui le bordent. 22 d’entre eux ont ainsi répondu à l’appel, qu’ils viennent d’Espagne ou du Moyen Orient d’Italie ou du Magrheb, en passant par la Grèce et la Turquie. Les pratiques ancestrales, les savoir-faire sont grandement mobilisés, à commencer par le tissage tel que le pratique Térésa Lancetta (salle 1) ou les panneaux suspendus par la montpelliéraine Sanaa Mejjadi (salle 2), originaire du Maroc, tout comme Sara Ouhaddou et son Je de rôles, où elle mêle des laines de dromadaire, de chèvre et de mouton afin d’ériger des avatars de tentes ancestrales (salle 7). La céramique n’est pas oubliée dans les grès peints d’Elif Uraf sur le modèle des vases antiques et ses cueilleuses d’olives. La plus originale est sans conteste Zoé Paul, avec ses deux tissages sur grille de réfrigérateur et surtout son rideau de perles en forme d’énorme vague. Mais la Méditerranée est aussi le territoire voué aux découvertes archéologiques de premier plan. Le syrien Elias Kurdy, qui nous vient de Marseille, érige un portique ouvrant sur la mer, en bois paré de bas-reliefs d’origine fictive et multiculturelle. C’est ainsi que, salle 5, Andreas Angelikadis imagine une Room Ruin faite de modules déplaçables en mousse et vinyle. La vie en rose marbré.  La véracité relative de certaines histoires et souvent un sujet d’interrogations. C’est le troisième axe de cette exposition. Nelly Agassi confectionne des assemblages d’objets intimes qui forment un récit, Aysha E Arar ressuscite à l’aérosol des montres mythologiques que chacun décryptera comme il l’entend. Chiara Camoni réalise des colliers géants dans divers matériaux pour de surhumaines Grandes sœurs. Diana Al-Hadid se souvient de sa visite dans une grotte du Liban et s’en inspire pour une peinture  sur fibre de verre, faisant penser à un vitrail. Car, on l’aura compris, les femmes sont majoritaires, Pénélope n’en finit plus de résister à l’oppression patriarcale tandis que son époux court les nymphes et déesses. Le libanais Ali Cherri tire toutefois son épingle du jeu avec ses deux sculptures debout, grotesques et cornues, hybrides à souhait  et dans des matières brutes, de décoffrage. De même d’Adrien Versovi, lequel hante les couloirs  de ses compositions à base de tissus, passés au jus, décoctions et infusions, de paysages. Le groupe mixte et croate Tarwuk surprend  avec son mannequin costumé semblant dialoguer avec une chaise vide (au dossier tableau). Chacun prend position en fonction de son appartenance communautaire. D’origine kurde, Melike Kra réalise in situ une fresque tourbillonnaire. Le bosniaque Mladen Mailjanovic peint sur un immense écran en trompe l’œil le rapport des media à la mort dans un style hyperréaliste qui détone. Il est pour cela placé juste avant la sortie. Si l’expo propose majoritairement du tissage, du modelage, de l’assemblage issus des savoirs-faires familiaux ou ancestraux, et des installations pertinentes (ruines antiques) la peinture n’en est pas oubliée pour autant (Mounir Gouri), pas plus que la sculpture (Simone Fattal), ni la photo style affiche rehaussée par des perles d’Aicha Snoussi, créant un personnage hybride empruntant aux traits d’un acteur et de sa grand-mère. C’est dire si ces artistes sont préoccupés par la conciliation des supposé contraires. C’est sans doute ce que signifient les œuvres de l’égyptienne Nour Jaouda, dans ses ardoises et ses pompons. BTN

Jusqu’au 22-09

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