La Rencontre. Soulages au Musée Fabre

Pierre Soulages. La Rencontre, Musée Fabre, Montpellier

20 ans déjà que les Outrenoirs de Pierre Soulages accueillent au Musée Fabre les visiteurs dans leur écrin de lumière conçu spécialement pour eux. C’est qu’entre le grand artiste et ce lieu emblématique de la vie culturelle des temps passés et présents, ce fut une histoire de rencontre : avec Courbet (auquel fait explicitement allusion le titre) ou Zurbaran en particulier, le musée de sa jeunesse en général. L’expo se déroule en six sections et sur trois étages, auxquels on ajoutera l’expérience qui nous est proposée, du côté de la librairie et qui nous fait voyager dans l’œuvre et l’atelier sètois du grand peintre (ceux qui ont eu la chance de le visiter ou de déambuler sur sa fameuse terrasse, face à l’horizon marin, auront l’impression de revivre un précieux souvenir). En fait, le mot rencontre est polysémique. Chaque section associe les œuvres d’une période spécifique, ou d’un thème aux Outrenoirs des 4 dernières décennies. Le but est de montrer la cohésion de l’œuvre qui s’appuie sur quelques constances mais aussi sur quelques variations. Passé, les inédits de l’entrée, on chemine de la Matière première (avec les séries de brou de noix sur papier, de goudron sur verre brisé ou d’expériences de gravure sur cuivre), au rez-de chaussée, à L’espace de la peinture à l’étage, où l’on constate l’importance du grand format qui permet une circulation, une appropriation par le spectateur des phénomènes de lumière et, plus généralement, un rapport nouveau avec le corps. En passant par la période charpentée des années 50, qui assura sa célébrité (Bâtir la peinture) ou la tentation de l’Extrême-Orient (Écriture et Silence plastique), qu’il découvre avec Zao-Wou-ki, sa calligraphie, le groupe Bokujinkai. Rencontre aussi avec d’illustres prédécesseurs qui ont confirmé cet infatigable chercheur dans la voie qu’il s’est assez vite trouvée : les statues menhirs de sa bonne ville natale pour la préhistoire, les maîtres du clair obscur (Rembrandt, Le Lorrain, Van Gogh…) dans la section Du clair-obscur au noir lumière. Mondrian, Picasso ou Max Ernst pour les modernes, Cézanne pour la génération qui les précède. Les compagnons de route (Hartung, avec une amicale pensée pour Georges Desmouliez ; Pierrette Bloch, Ana-Eva Bergman) et les cadets (Degottex, Geneviève Asse, Buraglio, Hantaï, le canadien Riopelle ou J.M. Meurice qui l’a patiemment filmé) et non moins amis…. Rencontre du public, grâce à un lieu et une scénographie adéquate, lequel ignore sans doute la diversité d’une œuvre qui, si elle a mis en exergue la couleur noire dans des contextes divers (notamment dans la section L’envers du noir, Blancs et transparences), a expérimenté sa relation aux autres couleurs en recourant à des outils inattendus et souvent empruntés au monde du travail manuel ou de force. Soulages ne recouvre pas toujours, il lui arrive d’enlever de la peinture. Ainsi l’immense majorité du public qui ne connaît Soulages que grâce aux épais recouvrements monopigmentaires, ou peindre s’accommode du peigner, peut-il mieux comprendre les cheminements de l’artiste en perpétuelle quête de nouveauté, sans jamais céder aux séductions de l’image. Même si d’aucuns affirmeront que les effets de lumière rappellent les chatoiements lumineux qui peuplent l’horizon marin que Soulages pouvait contempler, de sa villa du Mont St Clair, la nuit en particulier. Des photos de Gustave le Gray nous orientent vers cette interprétation. Celle-ci, pour Soulages, évolue avec les époques et les regardeurs. C’est la raison de son abstraction radicale, de son « silence plastique » qui choque encore les uns mais finit par convaincre le plus grand nombre. Cette « Rencontre» au présent, sur les lieux mêmes d’une plus ancienne, peut y contribuer. BTN

Jusqu’au 04-01-26

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