Format Cabine

Format cabine

Exposition collective initiée par l’Atelier Le Midi, avec Elvire Blanc Briand (en collaboration avec Philippe Guillemet et Boryana Petkova), Léa Dumayet, Gaëtan Kohler, Emanuele Ravagnani, Morgane Porcheron, Paul Souviron et Pauline Toyer.
Sur une proposition de Marion Zilio, commissaire d’exposition invitée
Centre Tignous Montreuil, du 19 novembre au 18 décembre 2021
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FORMAT CABINE

Es-tu satisfaite de ta taille ?, demanda la chenille.

Montreuil, nous voici au seuil d’un voyage dont on ne sait s’il est sur le point de débuter ou de s’achever. J’ai démêlé pour vous les premiers fils de cet itinéraire. De Lille à Beyrouth, de Nairobi à Bages, de Mexico à Strasbourg, en passant par Marseille, Milan, la Bretagne, le Limousin ou les Vosges, les routes et les rencontres furent l’occasion de nouvelles métamorphoses. Initiée par l’atelier montreuillois Le Midi, l’exposition Format cabine nous plonge dans les méandres d’un périple qui se déploie selon la logique de son contenant : soit une valise de 55 x 35 x 20 cm. Modèle standard, s’il en est, la boîte prend en charge la logistique et les préoccupations des artistes. Elle conte des récits mosaïques depuis des points de vue multiples, comme des bulles de savon virevoltantes qui s’effleurent, se jouxtent, s’interpénètrent puis ne font qu’une, avant d’éclater.

Tramées de souvenirs, d’anecdotes et de sensations diffuses, ces boîtes à l’image du monde se détraquent, puis se recomposent constamment. Des mondes dans des mondes dans des mondes s’imbriquent. La vérité s’est depuis longtemps diluée dans un flux d’informations, où transitent des faits alternatifs, des thèses conspirationnistes et des manipulations politiques, où chacun et chacune lutte pour imposer ou préserver sa réalité. Quand, à l‘intérieur de ces mondes, d’autres tissent des relations de coprésence entre le visible et l’invisible, en renouant avec les espèces et les milieux terrestres, aériens, maritimes ou cosmiques. Obliques ou spiralées, ces trajectoires se défont d’un horizon perpétuant l’idée de séparation entre le haut et le bas, le ciel et la terre, le bien et le mal. Elles se détournent également de la verticalité d’un pouvoir transcendant qui organise, tel un éclair, ses visions souveraines. Ces déplacements sillonnent plutôt le long de paradoxes qui éclaboussent les surfaces lisses et troublent la masse dense des profondeurs. Dedansdehors, dessusdessous, ce sont les ombres vagabondes, les figures spectrales et cauchemardesques, les distorsions d’échelles, et autres phases de décompensation, ingestion, irisation par où s’exaltent les viscosités de la pensée, la rêverie et les états modifiés de conscience qui manifestent leur présence discrète.

En se logeant dans un contenant, dont le statut renvoie autant au trafic globalisé qu’au tourisme de masse, à l’imaginaire de l’expédition (héroïque, colonisatrice, migratoire) qu’à l’empreinte carbone, au désir d’improduction qu’à l’oisiveté, les œuvres embarquent au cœur de formes de normalisation et d’organisation qui, d’ordinaire, compriment et conjurent les existences déclassées de la raison occidentale. Ouvrant le ventre des « boîtes noires » comme celle de Pandore, les artistes tentent la tumultueuse traversée du miroir. Ainsi les contraintes logistiques, matérialisées par l’enchâssement de caisses rectangulaires, se déplient pour entrevoir des temporalités potentielles (Elvire Blanc-Briand, Philippe Guillemet, Boryana Petkova). Le théâtre des arrières-mondes libère les spectres refoulés de la rationalité occidentale pour de nouvelles cartographies ésotériques (Emanuele Ravagnani). Les appareillages défensifs et offensifs se muent en ornement comme pour mieux s’affranchir du contrôle des apparences (Paul Souviron). Les mutations de la matière appellent l’altération d’un corps dans un autre qui s’hybride en un cocon disloqué (Gaëtan Kohler), et les filiations généalogiques reprennent racines dans le monde souterrain des microcosmes et des fossilisations (Morgane Porcheron). La pensée navigue en eaux troubles et se prend au piège du « trabac » selon d’instables connexions (Léa Dumayet). Enfin le songe d’une nuit vaporise le moi dans l’étirement de nos enveloppements mentaux et artificiels (Pauline Toyer).

Au fil de récits et d’hallucinations individuelles ou collectives, les artistes multiplient les focales non pour faire varier les perspectives sur un même monde, mais pour multiplier les mondes à partir de chaque bulle. Format cabine est à l’image de ces mots-valises qui font bégayer la logique en empaquetant plusieurs sens en un seul.

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