Fiorenza Menini au Frac, Montpellier
Originaire de Montpellier, cette artiste performative qui s’est fait connaître par des vidéos et des photographies orientées (Pourquoi je n’aime pas Francis Bacon…), méritait bien un hommage de sa ville natale, dans un Frac en pleine transition et qui fête ses 40 ans. En fait, ce sont des témoignages d’une période à la fois cruciale et formatrice de sa jeunesse qui sont exposés, et qui ont le triple intérêt de distinguer un aperçu pertinent du New York way of life (Breakfast…) découvert par une jeune femme vaillante, de nous initier à sa production en général (les vidéos récentes en donnent un aperçu), dont ces séries newyorkaises constituent les prémisses, et enfin de faire réfléchir à la condition féminine des années 90, encore problématique aujourd’hui. Exilée volontaire, Fiorenza Menini a survécu en forgeant son œuvre avec les moyens du bord, son appareil photo pour seule arme, son sac à dos et sa capacité d’adaptation en bandoulière. Des cartouches et boîtes d’allumettes protégeant ou conservant poèmes et négatifs (dont certains sont abimés ou perdus aujourd’hui). Parmi les épreuves retenues et exposées, parfois en très grand format, on retiendra celles qui la montrent en danger souvent physique, quelquefois social : Dans la série Up, grimpant une immense échelle métallique ; dans la série Down hantant les sous-sols mal famés ; sur les toits jouant les starlettes triomphantes et Lady Liberty; dans les squats s’attachant aux vêtements laissées pour compte, à l’instar de l’artiste à ce moment-là. Une couverture, une fourrure, parfois une paire de palmes, suffisent à déclencher l’imaginaire et les possibilités offertes au corps : s’il faut grimper on grimpe (en suspension sur le ventre sur une échelle d’échafaudage), s’il faut se glisser on se glisse, s’il faut se plonger on plonge, sous le regard d’un Al Pacino souverain et inquiétant (Comment Al Pacino m’a tuée). On est ainsi dans un art du minimum, quelque peu beckettien ou kafkaïen, mais à l’américaine, qui ne saurait se passer de références au clinquant (les fourrures), au confort (le frigo, dans Mrs Freeze et les valeurs congelées), aux images (affiche de cinéma, présence de la télé). En tout état de cause, et malgré l’adversité, il faut trouver sa place, surtout quand on a failli perdre la vie sur l’ancien continent pour cause de maladie grave (La coquelucheuse). Cette place, l’artiste l’a trouvée dans le cadre de l’objectif. Et ce n’était pas évident à l’époque pour une jeune artiste française. La suite sera résolument subjective. Ceci dit, on espère en voir davantage sur cette artiste dont la carrière ne s’est tout de même pas arrêtée à son séjour new-yorkais et s’est engagée sur une voie réparatrice, tant du côté de la nature que du côté des personnes, et bien évidemment du féminin. Elle pratique de surcroît l’écriture ou la lecture performative qui complètent les images et qui gagneraient à être davantage mises en exergue. On sait depuis toujours que nul n’est prophète en son pays mais il serait bon de temps à autres qu’une ville qui ambitionne le titre de capitale culturelle honore ses enfants, plutôt que de sanctifier systématiquement ce qui vient d’ailleurs, de très loin parfois. L’expo du Frac donne un avant-goût. Mais un bon repas ne se limite pas aux apéritifs. On souhaite en voir davantage sur une production qui s’étale sur plusieurs décennies à présent et se veut pluridisciplinaire. Il importait que ce fût dit. BTN
Jusqu’au 21-10, 4, rue Rambaud, 0499742035