Ève Laroche-Joubert, Scène de Bayssan, à Béziers
L’exposition à ciel ouvert d’Ève Laroche-Joubert dans le parc d’une Scène vouée à d’autres activités artistiques (théâtre, danse et musique) sera prolongée jusqu’au 11 octobre. Le type même d’œuvres qu’elle y propose en extérieur, est en lien direct avec l’art chorégraphique, dont il semble une amorce, une incitation à aller y voir de plus près, du côté de l’intérieur. Ses réalisations s’avèrent en effet liées au corps, soit qu’elles émanent de lui, soit qu’elles en sollicitent les caractéristiques, soit qu’elles incitent au mouvement. Dans le Parc de Bayssan trois modalités de présentation sont proposées : des sculptures en résine blanche, assez imposantes, au nombre de trois, posées à même le sol selon les lois de la gravité naturelle ; un totem à protubérances multiples, s’érigeant dans la verticalité donc ; enfin, quelque peu surélevés à l’horizontale par rapport au sol, plusieurs bancs élaborés selon le principe du balancier, à la fois ludiques et didactiques, puisqu’ils permettent de rendre concrète la notion d’équilibre. Cet aspect ludique est essentiel car il renvoie à l’enfance et à notre manière d’appréhender notre environnement comme plus grand qu’il n’est dans notre vision dite réelle, à savoir celle d’un adulte, et de la sorte passe pour une invitation, incitation à nous en approprier les moindres recoins. Comme dans l’enfance, où tout sollicite la curiosité, le moindre creux ou la moindre encoignure. C’est un peu ce qu’il se passe avec les trois formes, issues d’une étude d’épaule et de hanche, posées à même le sol soit de façon à mettre en valeur la ronde bosse de la partie convexe, sensuelle et tactile, soit en disposant la partie creuse face au ciel, en situation de contenant, de manière à se glisser à l’intérieur et en éprouver les aspérités. L’envers du décor en quelque sorte. La dimension choisie n’est alors pas seulement régie par sa relation à l’espace mais également par le fait qu’il s’agit de solliciter la mémoire du corps enfantin. Le corps a trouvé son écrin. Le totem permet toutes sortes de gestes ou positions physiques. Il montre combien un art peut en cacher ou en solliciter un autre, et comment une œuvre conçue par l’esprit ne peut se dissocier du corps qui lui est intimement lié. Le totem est statique mais non rigide ni hiératique, il incite au contraire au mouvement, à l’appropriation par l’autre, au jeu du corps animé dans le fond. Dans les deux cas la blancheur immaculé de la résine évite les interprétations les plus fantaisistes et nous invite à nous concentrer sur la forme, en tant qu’elle appelle à l’expérimentation physique. C’est un peu un juste retour des choses car si la forme provient du corps, le corps peut bien s’aligner sur la forme qui lui est proposée. Au demeurant, le type de sculptures que propose Ève Laroche-Joubert peut faire penser aussi bien à des objets de type ergonomiques qu’à une exploration organique du design. Leur dimension les inscrit également dans une architecture, laquelle conditionne nos déplacements. Et comme le corps sert de mesure à toute appréhension de l’espace, l’on peut dire qu’Ève Laroche-Joubert nous rappelle en permanence la relation qui lie le corps à l’architecture et qui passe chez elle par l’œuvre d’art. Dans ses aspects visibles comme dans ses aspects physiques, dans son double statut de sculpture et d’objet. Courez-y vite car le mouvement, c’est la vie. BTN
Jusqu’au 11 octobre, Domaine de Bayssan, 0467675800
Ève Laroche-Joubert, Chapelle du Quartier Haut, Sète
Alors que, sous la houlette du Mrac, la Scène de Bayssan invitaitl’artiste à une exposition à ciel ouvert de ses œuvres, Eve Laroche Joubert hante de ses déplacements, des ses sculptures totémiques ou avachies au milieu du lieu qui l’accueille et de ses photographies, la chapelle du Quartier Haut, prouvant que l’esprit le corps pouvaient faire bon ménage. Ses œuvres ont la blancheur immaculée d’une résine, l’attention n’est pas détournée par la couleur et se porte dès lors, outre la matière, sur la forme, sa capacité à nous faire réagir, à imaginer des prolongements et des motifs éventuels d’appropriation. L’artiste fait tout pour nous éclairer sur ses intentions : des photos nous montrent des modèles, complaisamment allongés, à partir desquels se décline une extension sculpture du corps, cela même à laquelle nous sommes confrontés. Le plâtre assure la partie moulage. Après agrandissement la forme obtenue peut se voir exposée au sol, son apparence extérieure comme ses anfractuosités intérieures, alignées sur des socles ou accrochées le long des murs. Parfois même formant saillie à l’instar de ces ironiques fesses prenant l’apparence de conques ou de bénitiers. A cela il faut ajouter la vidéo ou les performances que permettent les formes quand elles sont gigantesques. Il nous en est proposé une, dans le chœur de l’ancienne église, à l’abri des regards indiscrets où l’on voit l’artiste en équilibre entre deux poutres jouer les funambules d’une échelle à l’autre. Au milieu du parcours pédestre et kinesthésique la relation des poutres s’inverse et l’angle qu’elles formaient passe du haut vers le bas, suivant en cela les lois de la pesanteur ou de la gravité (Le visiteur en expérimente la teneur en s’asseyant sur le banc). C’est assez dire si la réflexion d’Ève Laroche-Joubert est « physique ». Les totems, ici miniatures, n’ont pas la rigidité d’un pieu ou d’un pal. Ils sont en quelque sorte ouverts à de multiples propositions corporelles ou manuelles et invitent à l’appropriation temporaire ou au soulignement d’une ligne. C’est un juste retour de choses car si la forme provient du corps, le corps peut toujours s’ingénier à s’aligner sur la forme. Un couple s’est prêté à cette expérience de dédoublement en creux des expansions corporelles. On pense alors à une empreinte ancestrale qui aurait survécu à l’injure du temps un peu comme à Pompéi. Toutefois la démarche d’Ève Laroche-Joubert n’est pas uniquement sculpturale. Par ses lignes pures, par le choix de la blancheur qui caractérise son emploi de la résine, on ne peut point ne point penser à des objets décoratifs que l’on qualifie de design. Sauf qu’ils ne sont point une œuvre du pur esprit mais j’ai envie de dire une émanation de l’esprit de corps, de ce que le corps produit. Et comme de tels objets sont faits pour parachever la réussite d’une architecture, l’œuvre d’Ève Laroche-Joubert ne saurait se concevoir sans une relation particulière et privilégiée à cet art. Le corps se fait sculpture ou objet mais s’inscrit dans une architecture. Et comme toute architecture a pour base l’unité corporelle et pour fonction les déplacements du corps en son espace, on peut dire que l’artiste a découvert le secret qui lit l’architecture au corps et le corps à l’architecture en passant par les corps intermédiaires que sont la sculpture et l’objet. Encore ne faudrait-il pas beaucoup pousser pour faire de ses sculptures des paysages ou de leurs éléments. Et les photographies qui rendent compte du passage des uns aux autres. Enfin au vu des dangers que supposent ses performances d’équilibriste, et considérant le caractère immaculé de sculptures en résine blanche, on est bien obligé de se dire qu’elle au moins ne fait pas sans blanc. BTN
Jusqu’au 29-8, rue Borne, 0499028762