L’union fait la force des sentiments artistiques, « La Contemporaine » de Nîmes, du 5 avril au 23 juin .2024

 

 

 

 

                             L’union fait la force des sentiments artistiques

 

 

La dénomination générale fait penser à une sorte de poupée gigogne. Ainsi, la Triennale de création contemporaine comprend la Contemporaine de Nîmes dont la première édition se nomme Une nouvelle jeunesse qui comprend diverses manifestations dans la ville de Nîmes, dont la principale a pour nom La fleur et la force, dans des zones institutionnelles et en plein air, accompagnée d’une Programmation associée, (des manifestations satellites). Le principe de base adopté par les commissaires de la manifestation, Anna Labouze et Keimis Henni, réside sur la composition de douze duos d’artistes afin d’établir une confrontation nouvelle entre les œuvres. Sophie Roulle, adjointe à la Culture de la ville de Nîmes, a été l’instigatrice du projet et a œuvré à sa réalisation et mise en œuvre grâce à de multiples partenariats.

 

Jeanne Vicerial et Pierre Soulages (à titre posthume) exposent au musée du Vieux-Nîmes. Intitulée « Avant de voir le jour », cette mise en scène de leurs œuvres respectives demeure une grande réussite. On connaît le talent de l’immense Pierre Soulages et de ses Outrenoirs, mais aussi la fougue plastique de la virtuose du tissu dont les présences féminines noires et blanches ponctuent l’espace. En un lieu dédié, dans la pénombre, se trouve une gisante (Amnios) de Vicerial et au-dessus d’elle une toile de Soulages, Peinture166 x 230 cm, 17 janvier 1980. La musique environnante de Louis Vicerial ainsi que le parfum évocateur de Nicolas Beaulieu offrent un environnement teinté de mystère tandis qu’une Mue et un polyptyque de Soulages veillent également. Sans doute la meilleure installation en duo de toute la manifestation.

 

Au musée des Beaux-Arts, « Rien ne me manque », marque la rencontre entre les gouaches de Baya (ici aussi à titre posthume) et les réalisations pleines de punch de Neïla Czermak Ichti dont son ring central et ses catcheuses. La force de Baya repose sur une sûreté du trait jointe à une magistrale utilisation de la couleur. Ses œuvres ne vieillissent pas et conservent une éternelle jeunesse. Le Musée des Cultures Taurines propose « Pleins feux » avec une vidéo extraordinaire d’Aïda Bruyère intitulée Make Up Destroyerz III où des adolescents et adolescentes créent un monde nouveau après quelque apocalypse. Inventivité et dérision jouent avec les codes d’un monde machiste qui a failli. Des photographies de Judy Chicago retracent certaines de ses performances avec feux d’artifice et fumigènes. Enfin dans la Chapelle des Jésuites, « Habiter la forêt » apparait comme un film émouvant de June Balthazard montrant des enfants vivant dans les bois et luttant contre la déforestation malgré les adultes. Une installation de branchages sert de rappel ainsi des troncs d’arbres préparés pour les spectateurs. Une tapisserie de Suzanne Husky, La Noble Pastorale, avec bulldozer, parachève le tout.

 

Plein air et monumental avec « Water Lines », dans les jardins de la Fontaine, de Feda Wardak et Tadashi Kawamata avec le passage de l’eau au travers de deux structures, un aqueduc, évoquant le Pont du Gard, l’autre une gouttière de bois, sorte de rigole qui court dans le parc. Cette métaphore du passage de l’eau qui s’écoule en permanence évoque bien sûr un passage de témoin générationnel. Avec « Les trois visages d’Héliogabale » on se trouve en présence d’une vidéo sur trois écrans réalisée par Valentin Noujaïm auxquels répondent trois masques d’Ali Cherri que l’on voit également dans le film. L’ensemble se trouve situé le long du Musée de la Romanité dans deux fosses profondes, dans un passage conduisant au jardin de l’institution, d’où émergent les réalisations. La figure d’Héliogabale demeure mystérieuse dans l’Histoire, entachée de crimes et d’oubli par la suite, sans doute en raison de ses orientations sexuelles. Entre le jeu des comédiens, la chanson de Nina Simone, et Artaud en intertexte, l’ensemble demeure à la fois déroutant et séduisant. Caroline Mesquita et Laure Prouvost ont érigé une sculpture interactive sur la Place du chapitre nommée « Bee be mon manège ». L’abeille, l’oiseau et l’être humain avec sa pancarte servent de prétexte à la création d’une sorte de roue de la fortune puisque des poignées intégrées permettent de faire tourner ce manège existentiel. Avenue Feuchères, dans la zone protégée des voitures, Delphine Dénéréaz propose ses tissages de récupération, accrochés en l’air, avec la collaboration de la poétesse Sonia Chiambretto et des élèves de 4ème du collège éponyme, pour les fragments d’écriture.

 

Concernant Carré d’Art, on trouvera dans une des parties hautes, « Oracle Museum », avec Hugo Laporte et Katja Novitskova qui proposent un doublé de grande qualité. Une préparation d’un avenir complexe dont l’œuvre « Mirage » de Laporte semble annonciateur. Des structures mobiles, colorées et lumineuses se répondent dans une obscurité craintive. La technologie se trouve utilisée, mais dans le sens d’un futur déjà dé-passé. Au même niveau les « Partitions sédimentaires » d’Alassan Diawara et Zineb Sedira questionnent photographiquement la transmission familiale et les histoires communes. Enfin au sous-sol, « G(Hosted) » de Prune Phi et Smith questionnent d’autres rituels. Prune Phi propose une rencontre entre l’informatique globalisée et les rites funéraires du Vietnam (bien sûr, cela fonctionne avec l’indocilité incontrôlable des machines, mais ne sommes-nous pas en phase avec l’au-delà ? ) tandis que les signaux lumineux de Smith nous flashent.

 

Il semblerait que la participation en amont des élèves et étudiants ait fonctionné à plein concernant les travaux préparatifs avec les artistes. Comme dans toute première édition, il y a sans doute des aménagements à faire pour parfaire cette Contemporaine, qui a déjà le mérite d’exister et de permettre à la Nîmes de renouer avec les enjeux de l’art actuel, sachant que la concurrence (préférons collaboration ?) semble rude dans le sud de la France. La possibilité d’occuper de vastes locaux industriels permettrait une extension du domaine de la création comme cela se pratique dans d’autres villes. Une affaire à suivre dans trois ans, au plus tard…

 

Christian  Skimao

 

 

Le Chat Messager des Arts – actualités artistiques : http://lechatmessager.blogspot.com

 

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