Au pays de l’enchantement

Julia Haumont sera présentée à Drawing Now Art Fair du 21 au 24 mars 2024 par la Car Gallery de Bologne

 

Au pays de l’enchantement

Dans les contes, revêtir la peau d’un animal permet symboliquement au héros, de ne pas perdre son âme. Pas étonnant que la jeune artiste Julia Haumont aime les contes et en particulier, Peau d’âne et les illustrations de John Tenniel, d’Alice aux Pays de merveilles. Diplômée  des Beaux-arts de Paris depuis juin 2018, Julia Haumont fait face à l’univers onirique, terrifiant et fascinant en nous proposant l’itinéraire de petites filles, non assagies. Le conte est une façon de se laisser « habiter » par des versions qui évoquent la destinée de l’homme, ses épreuves, d’écouter avec plaisir, tout en méditant son sens le plus profond. Julia se saisit d’histoires familiales, issues de photographies, pour marquer le passage au temps, par des installations de fragments de tissus, voile ou  dentelles. A la recherche de textures et de palettes de couleurs, elle emmêle des fils, perles et broderies.  Elle reconstruit son enfance comme une seconde peau, tel un archéologue, pour en reconstituer une nouvelle image d’elle-même.

La peau est le lieu d’écriture du désir. Elle inscrit toutes ces matières très  fines,  à la surface souple constituée par un assemblage régulier de textiles entrelacés pour des compositions récentes. Reliées entre elles,  les étoffes qu’elle teint elle-même constituent une compilation qui peut résonner en chacun de celles et ceux, qui veulent approfondir l’ambiguïté de la rencontre entre l’innocence présumée de l’enfance et une féminité voluptueuse.

L’artiste teint de la toile à beurre, ce tissu aéré et aérien. Cette  touche-à-tout  a aussi utilisé une grande palette de support qu’elle maîtrise très bien : la peinture à l’huile, l’aquatinte et crayons,  la gouache, la céramique, la peinture sur photographie qu’elle pratiquait en 2015. Des reliefs et irrégularités des surfaces plates côtoient des contractions bombées, aux reflets lustrés. L’ensemble oscille entre le flou et le structuré  L’artiste poursuit sa réflexion sur l’enfance, éros, le corps et la sexualité.

Des espaces abstraits, elle réalise un entre-deux, une prise de position, une nouvelle alliance: des porcelaines abstraites, qui  vibrent selon l’humeur et le geste.  Elle cultive sa fantaisie avec singularité. Elle donne corps à des portraits en céramique émaillée, en rouge et rose sur fond blanc, d’enfants grandeur nature. En position assises, aux cheveux qui laissent apparaitre les visages ici non cachés, les enfants jouent l’invisibilité trompeuse. Les corps sont  savamment dessinés et exécutés de façon réaliste. Ils sont la continuité logique, articulation d’une topologie d’œuvres à produire à différentes échelles. L’abîme mise à nue pour mieux la dépasser tient une place particulière dans l’œuvre de l’artiste. C’est par l’imaginaire qu’elle projette une image d’elle-même plus attrayante lorsqu’elle retrouve sa propre peau.

Son approche, vis-à-vis des différentes matières, joue avec leur impact tactile et visuel, et célèbre la turbulence en étendard.

Nathalie Gallon  (Février 2019)

Membre de l’AICA

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