Le Coran dit que là où les eaux se rencontrent, il y a un « barrage infranchissable » (Sourate 25, Verset 53). Cette ligne de tension qui sépare ou unit la matière et les flux, les empêche de se mélanger. Le barrage comme objet et comme idée, c’est le sujet dont discuteront Joan Ayrton et Mathias Depardon en cette journée mondiale de l’eau et pour l’équinoxe du printemps.
L’artiste Joan Ayrton propose une approche métaphorique du barrage comme celui de l’empêchement, de la rétention, de la fracture ou encore du débordement. Pour elle, la question géologique et la fluidité du paysage sont en lien avec les mouvements de la pensée qui empruntent les mêmes chemins, mues par les mêmes forces. En quoi le sous- sol affecte la psyché et les émotions ? Quel impact a-t-il à l’échelle de l’organisation de la vie sur terre ? Pour Joan Ayrton, le barrage est aussi un soulèvement qui cristallise, à un moment de l’histoire, de fortes tensions politiques.
Le photographe documentaire Mathias Depardon s’intéresse, quant à lui, aux frontières, au territoire et à l’identité. Il travaille depuis de nombreuses années en Mésopotamie. Située entre le Tigre et l’Euphrate, cette région qui aurait connu le premier déluge, correspond à l’Irak actuel. La partie nord est une zone de cultures pluviales et au sud, dans les plaines, on y pratique une agriculture qui repose exclusivement sur l’irrigation. Avec GAP, un important programme d’aménagement du territoire, la Turquie d’Erdogan contrôle en amont l’arrivée de l’eau dans cette région et assèche les fleuves en aval. La construction d’une vingtaine de barrages a permis un essor économique en fertilisant certaines zones, mais elle a aussi englouti le patrimoine culturel, comme la ville d’Hasankeyf, et provoqué des déplacements importants de population.
– Claire Luna
Cette rencontre fait partie de la programmation satellite Affluents du cycle La rencontre des eaux conçu par Claire Luna dans le cadre de sa résidence “Cité internationale des arts & Centre national des arts plastiques”.