Vivian Suter, Felipe Romero Beltran, Carré d’art, Nîmes

Vivian Suter, Felipe Romero Beltran, Carré d’art, Nîmes
Voici deux expos qui se complètent et illustrent chacune à sa manière l’art d’Amérique du Sud. D’un côté, choisie par Hélène Audiffren, la luxuriance, l’exubérance même, en tout cas la profusion telle que l’on peut la percevoir dans les installations de Viviane Suter, lesquelles débordent largement l’espace habituel dans une multitude de formes et de couleurs sur d’innombrables toiles libres de dimension généreuses. De l’autre, distinguées par l’ancien conservateur, les photographies et vidéos documentaires de Felipe Romero Beltran, lequel prend prétexte du sort des migrants du côté du Rio Bravo pour traiter de problèmes aussi ponctuels qu’universels tels que l’attente, la frontière, la trace que l’on laisse quand on est en transit. Et on l’est tous plus dans cette existence mais avec une certaine exigence que prouve le choix de deux formats.
Vivian Suter travaille dans la nature guatémaltèque dont ses expositions proposent un équivalent. A Carré d’art, les œuvres ne s’accumulent pas seulement le long des murs qu’elles recouvrent presque entièrement. Elles se glissent jusqu’au sol, sont suspendues à partir du plafond, sont présentées en tranches, ou en garde-robes (ou garde-œuvres), de manière à conserver une part de leur secret, s’amoncellent sur le sol de manière à ériger une sorte de lit plat et volumineux… La Nature a décidément horreur du vide et l’art prolifère à l’instar de son modèle environnemental. Les formes sont abstraites même si certaines sont récurrentes quoique jamais identiques. Cette fécondité, toute féminine, renvoie à une sorte de paradis perdu, enveloppant et bienveillant, où les contraires se concilient, où le sentiment d’unité domine. C’est une fête pour les yeux même si le verbe échappe. La nature ne semble pas nommée. Les formes sont en gestation, font l’expérience de l’hybridité. Les éléments se combinent avec énergie afin de célébrer la matière vivante. La générosité de l’artiste va jusqu’à inclure, en cette œuvre immersive, les collages réalisés par sa mère, Elisabeth Wild, aujourd’hui disparue, durant son extrême vieillesse.
Chez sont jeune cadet, la caméra se dresse derrière des actions qui meublent le temps d’attente : nager, pêcher, laver le linge, se faire baptiser… sur une rive d’où on aperçoit l’autre, celle de la terre que l’on s’est promise. Ainsi en est-il du polyptyque vidéo de F.R. Beltran, El Cruce, le Passage. Les photos sont disposées dans l’espace avec sobriété, soit qu’elles désignent des corps, soit qu’elles nous présentent des lieux autrefois habités, où les corps justement brillent par leur absence. Ne demeurent que des objets laissés pour compte. Une salle entièrement couverte de formats modestes directement appliquée au mur est dévolue à l’atelier de l’artiste. Une autre à ses vidéos sur les déclinaisons d’une liste de mots articulés par des individus en divers dialectes. Certains portraits atteignent une dimension picturale, renforcée par le format, mais aussi certaines natures mortes, d’une rigueur toute classique. La composition est soignée. Et pourtant ces objets et ces corps ne sont que de passage.
Deux visions du monde contrastées, deux générations, l’une qui passe par le support textile et les formes de la couleur pour toucher le plus grand nombre, l’autre qui tire son point de vue sur le monde du réel dans ses aspects les plus brulants. BTN
29-03

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