Tour d’horizon des expos d’été 2023 en Languedoc-Roussillon (non exhaustif)
Constellations, Musée de Céret, 66400
Prenez un musée qui a fait ses preuves, qui peut s’honorer de ses riches collections et de son histoire, qui a fait peau neuve récemment et s’est considérablement agrandi, et mettez-y les acquisitions publiques de ces dernières décennies en région, celles du Frac ou celles du Mrac. Secouez le tout : cela donne une suite de Constellations, dans des nuits étoilées que Bachelard assimilait à la Création. De la façade (Kristina Solomakha) au belvédère (Bertrand Lamarche), d’où mieux observer la voute céleste, il s’agira, au fil des salles, de faire briller non les toiles, minoritaires bien qu’en en net regain, mais chaque œuvre conçue comme une étoile. Certes les plus anciens dont je fais partie auront une impression de déjà vu mais les plus jeunes, les autochtones et les touristes auront de quoi se sustenter. 40 artistes, toutes générations confondues, de celle de Soulages et son triptyque à l’outrenoir, à Mimosa Echard, qui nous vient d’Alès, récente prix Duchamp, et renouant pourtant avec le tableau, gorgé de matières organiques et naturelles. En passant par Boltanski ou les Poirier en ruines, Alkema à l’époque où il composait des suites photographiques en sculptant dans le visuel, l’incontournable Yayoi Kusama que l’on ne présente plus tant ses pois accumulés jusqu’au délire au rouge ont fini par la rendre célèbre. Le public sera ainsi convié à contempler des œuvres qui nous ouvrent sur le cosmos, à l’instar d’Yvan Le Bozec ou de la longue nuit stellaire d’un Joan Duran, mais aussi aux méditations solitaires conçues par Djamel Tatah, à ces paysages aux coquelicots dessinés au fusain par Belkacem Boudjellouli, ou aux trois Grâces en terre cuite de Johan Creten. Ainsi traversera-t-on un demi-siècle d’Histoire de l’art, régional, national ou au-delà… d’Andrieu à Jacquet, et à Jessica Warboys, qui dompte la mer et le vent littoral. Comme on voyage en la voute céleste… BTN
Jusqu’au 26-11, 8, bd Joffre, 0468872776
Oliver Laric, Musée de la Romanité, Nîmes
Nous vivons à présent déchirés entre notre respect scrupuleux du passé et notre inquiétude face à ces nouvelles technologies qui bouleversent nos valeurs esthétiques. Un artiste comme l’autrichien Oliver Laric prend le pari de la réconciliation, de l’enthousiasme, de la confiance en l’avenir. Il s’agit en effet de revisiter les collections antiques à la lumière des imprimantes 3D, de fournir à la copie ses lettres de noblesse, de proposer de multiples variations à partir des vestiges anciens. Le sous-sol de musée offre ainsi au visiteur une plongée dans des œuvres reconstituées qui prend des allures de promenade-découverte. L’artiste y expérimente des matériaux modernes, dont la résine ou l’aluminium. Il met en exergue la notion de transparence qui échappe aux modèles de l’Antiquité. Il présente des suites progressives de sculptures virtuellement concevables et rendues concrètes par la magie des nouveaux moyens de création. Les dieux, les enfants, les monstres s’incarnent dans une réalité plus complète et une plastique expérimentale. On y reconnaît Neptune ou Pan, Anubis ou Cupidon. La copie, par essence décuple et, ce n’est pas le moindre des paradoxes, ressuscite la conception pré-renaissante de l’art qui ne s’embarrassait pas de génies inventifs mais privilégiait l’anonymat des duplications collectives. A cela, il faut ajouter le goût prononcé du monde antique pour l’Hybridité, animal humain, qui revient en force en matière de robotique ou de technologies informatives et numériques. Oliver Laric est un artiste du présent qui sait mettre les outils d’avenir au service de la célébration d’un passé qui nous est précieux. A fortiori à Nîmes. BTN
Jusqu’au 31-12. 23, 16, bd des arènes, 0448210220
Pierre Parsus, Espace Georges Brassens, Sète (34200)
Longtemps nîmois, et gardois jusqu’à la fin, Pierre Parsus aura connu la même longévité qu’un autre Pierre, taillé comme un roc, le ruthénien Soulages, adopté par Sète, cette île singulière si fréquemment associée à l’ami Georges (plutôt qu’à Jean Vilar, ou à Paul Valéry). Il aura même grillé la politesse à son aîné de deux ans en disparaissant le premier, le jour de l’an 2022. L’éditeur André Philippe a eu la bonne idée, dans les années 70, de rapprocher le peintre du poète en invitant le premier à illustrer de lithographies les chansons du second : Les Sabots d’Hélène, Au bois de mon cœur, ou l’éternelle célébration des Copains d’abord… Le graphisme est nerveux, la composition dynamique et les points de vue sont divers. Parsus a surtout cherché à restituer le caractère subversif des textes retenus, sans fausse pudeur ni volonté d’atténuer les audaces. Ces lithos sortiront ainsi de leur précieux coffret pour enrichir et accentuer les diverses étapes du parcours biographique que propose l’Espace. Ainsi, certains aspects insoupçonnés de la personnalité de Brassens, telle qu’elle se manifeste peu ou prou dans ses textes, pourraient être mis en évidence, qu’elles concernent ceux que l’on peut dire engagés, tels que Mourir pour des idées, les érotiques ou intimistes (On connaît la relation fusionnelle de Parsus avec son épouse Lucette), les dits poétiques (Le petit joueur de flutiau) ou les plus grivois à l’instar du Gorille… Les deux hommes ont beaucoup discuté à propos de cette édition, que Brassens a approuvée : la quête spirituelle voire mystique du peintre pourrait alors apporter une inflexion significative et inattendue au parcours de vie du poète, tel que le propose l’Espace… BTN
Jusqu’au 6-11, 67, bd Camille Blanc, 0499047626
Valentine Schlegel, Hôtel Cabrières Sabatier d’Espeyran, Montpellier
On a pu la découvrir, au Crac, avant la pandémie, ses amitiés féminines, son goût de la liberté en dehors des circuits commerciaux, sa volonté de revendiquer Un art de vivre, à commencer par celui qu’elle entend réveiller chez l’habitant, dont la vie quotidienne doit devenir une fête en la maison. De sa production, de Paris à Sète, ressortent deux périodes : les années 50, où elle participe au renouveau de la céramique, inventant des œuvres biomorphiques, aux formes organiques qui s’avèrent aujourd’hui d’une évidente actualité ; les années 70 où son intérêt se porte sur les grandes cheminées en staff, d’une blancheur pure, dont elle réalise préalablement des maquettes, et dont la forme élancée devient sculpture à vivre. Les archétypes sexistes tendraient à affirmer qu’il émerge quelque chose de foncièrement féminin dans sa prédilection pour le décor intérieur, comme si à l’origine était avant tout une Histoire de femmes. De même, cette tendance à donner vie à des objets nouveaux, et à chaque fois différents. Les Historiens trancheront. Cette œuvre, qui s’est achevée en 2021, avec le décès de l’artiste, est à présent confrontée, dans cet hôtel prestigieux, aux riches intérieurs de la grande bourgeoisie qui ne lésinait guère sur la pléthore d’objets décoratifs ni sur sa conception d’un goût affirmé pour l’opulence. Il sera donc intéressant de voir se mesurer deux univers, celui d’une femme libre face à un monde régi par des conventions, des règles et des valeurs qu’elle ne partageait pas forcément. Des photographies, notamment d’Agnès Varda, enrichiront l’exposition. BTN
Jusqu’au 17-9, 6, rue Montpellieret, 0467148300
Armleder, Mrzyk et Moriceau, Mrac de Sérignan (34410)
Les deux expos estivales du Mrac séduiront les enfants de 7 à 77 ans autant qu’un public averti. Mrzyk et Moriceau présentent leurs meilleurs vœux de la Jamaïque, par le biais de dessins (inénarrables, accumulés le long des murs), mais aussi d’objets des plus désopilants (chaussures et palmes). Une très instructive vidéo, illustre leur méthode d’innovation, fondée sur l’hybridité formelle. Ils recourent au wall-drawing et au parcours labyrinthique où le visiteur peut s’immerger dans une bande dessinée en relief, à échelle corporelle. Un bonheur pour ceux qui ont gardé une âme d’enfant, et demeurent toujours émerveillés par Tintin et ses acolytes.
Le célébrissime John M. Armleder peut également séduire le grand public. Par ses curieuses associations d’objets toujours dérangeantes, quelques décennies après ; par la réflexion que génèrent les miroirs modifiant notre perception de la réalité des choses ; son obstination à aligner de ludiques planches de surf, contre le mur, en suites numériques ; par son invitation à circuler parmi des rangées de boules disco motorisées face à des images du cosmos glanées sur le Net ; et même par ses vitrines exposant des moulages de cerveaux en or… Ajoutons-y ses incroyables tableaux longitudinaux recouverts de peinture jetée, et qui peut donner une impression de simplicité, festive, d’exécution. Une installation aux néons évoque un jeu de mikado, des tableaux géo font penser à des cibles, on repère la présence de sapins argentés… Bref, l’œuvre, formaliste à la base, s’avère plus accessible qu’il n’y paraît. On sera sensible à l’humour de ces assiettes blanches posant d’emblée la question du décoratif, présente dans le mobilier décalé, qui a fait sa réputation. BTN
Jusqu’au 23-9, 146, av de la plage, 0467178895
Violaine Laveaux, dialogue avec Paul Dardé, à Lodève, 34700
Se mesurer au puissant sculpteur de l’impressionnant Faune, pour le 60ème anniversaire de sa mort, était une gageure ambitieuse, majuscule même… Qu’une artiste de la fragile céramique a pourtant accepté de relever dans cette carte blanche qui porte bien son nom puisque le blanc donne son unité à l’ensemble – parfois contrasté de branchages en contrepoints noirs mais évidés. L’exposition comprend deux volets. Le premier est emprunté au chef d’œuvre incontesté de Paul Dardé, L’Eternelle douleur d’une femme à chevelure de serpents, qu’un esprit ouvert aux formes combatives de la féminité ne pouvait qu’assimiler à la Gorgone. Violaine Laveaux en décline le parcours en cinq étapes, ce qui lui permet, passé la confrontation avec cette figure effrayante de Méduse (sur tissu imprimé), de revenir sur l’enfance et l’adolescence, période de jeux ré-créatifs, d’attente du monde adulte, de découverte du corps et de la personnalité, qui entrent en écho avec sa propre biographie. La Gorgone par sa capacité de pétrifier, est en rapport direct avec la métamorphose d’un règne à l’autre, du végétal ou de l’animal (Le lapin par ex, également emprunté à Dardé) au minéral. En fait les œuvres de Violaine Laveaux compensent en multiplicité, en finesse, et en grâce, bien incarnée par les oiseaux, ce qu’elles récusent en force et virtuosité. On a affaire à un travail méticuleux et varié, ludique au demeurant, et ne négligeant pas l’acception botanique du mythe. Les mains serpentines ou La jarre aux serpents en sont les points forts. Le miroir bombé qui clôt le parcours assure une transition culturelle avec l’autre volet de cet écho recherché : les dessins de Dardé sur Macbeth et sa diabolique Lady, plus illustratifs et subjectifs qu’esquisse à des sculptures. On revient à la figure paternelle, elle aussi métamorphosée par ce bain à la fois de porcelaine et de féminité. BTN
Jusqu’au 27 août, square G. Auric, 0467888660
Colette Richarme, Musée de Vulliod St Germain, Pézenas (34120)
Une vie vouée à la peinture, résumée en un parcours, dont le second niveau se déploie en sept étapes, un chiffre qui respire, sinon la perfection, du moins l’abouti, le plein épanouissement. Voilà ce que présente cette plongée dans l’œuvre de Richarme, que l’on peut aujourd’hui aborder avec le recul qui permet d’en saisir l’intérêt et les lignes de force. D’autant que l’Histoire de l’art est en train de revoir ses copies à la lumière des engagements féminins trop longtemps ignorés. Le voyage proposé se déploie certes en thèmes mais sans renoncer à la chronologie : on est accueilli, parmi maints documents, par un rappel de l’enfance chinoise, que Bernard Derrieu estime à juste titre déterminante. Il s’achève à l’étage par les toiles urbaines, confondantes de modernité avec ses effets de flou que recherchent aujourd’hui bien des photographes afin de mettre en exergue la lumière, la porosité des formes et des contours, l’unité du monde, dont le tableau témoigne en modèle réduit. De même, la série des grands Ciels où l’on sent l’artiste libérée de la tyrannie de la ligne, et tentant d’accéder à l’équivalent en peinture de ce que la poésie suggère, par touches allusives. Mais au-delà des paysages urbains ou naturels, déclinés selon les saisons, Richarme a beaucoup pratiqué les Natures mortes, microcosmes des architectures extérieures, et le portrait de proches, qui deviennent sous son pinceau, des êtres nouveaux. Des palettes aussi qui font exploser la dichotomie Abstrait/Figure. Au fil du parcours, on découvrira une âme fervente, portée par une énergie hors du commun, et des élans combatifs de bâtisseuse – d’absolu. BTN
Jusqu’au 5-11, rue AP Alliès, 0467981182
Jacques Léonard, Musée Reattu, Arles (13200)
On connaît les liens uniques qui associent le Musée Reattu, et a fortiori la ville d’Arles, à la photographie d’art (notamment grâce à Lucien Clergue). On connaît également ceux qui relient la Camargue dans son ensemble à cette communauté gitane qui a ses règles, que l’on ne comprend pas toujours bien et que l’on connaît au fond qu’un peu, superficiellement, en surface. Jacques Léonard, suite à son mariage, et à son exil ibérique, a eu l’occasion de l’approcher de manière confiante et intime. Ce sont quelques-uns de ces clichés, dans un Esprit nomade, sur les mœurs et activités gitanes que nous propose le Musée Reattu cet été, plus particulièrement du côté de Barcelone, dont il traque également les événements, les scènes de la vie courante, les lieux, en noir et blanc pour leur conserver leur caractère documentaire. On découvrira également sa série d’exilés, ces jeunes qui ont fuit la guerre dans les années tragiques et on traversé l’Espagne pour se rendre en Afrique. Ou encore le retour de la division Azul, envoyée par Franco pour épauler les allemands dans leur lutte contre l’ennemi rouge. Mais le Reattu réserve une autre surprise : la présentation, au fils de ses salles et collections propres, des fleurons de la Collection privée du couple Florence et Damien Bachelot. On y retrouve la fine fleur de la photographie humaniste et sociale des Brassaï ou Cartier Bresson, Boubat ou Doisneau, limitée toutefois au portrait et qui ressuscitent ces figures disparues ou altérées par le temps, dans des tirages comme l’on n’en fait plus, témoignant d’une époque plus « posée », que l’on n’en finit pas de regretter. BTN
Jusqu’au 1-10 pour Léonard ; à partir du 1er-7 pour Bachelot, 10, rue Prieuré.
Jusqu’au 26-8, Gal. Anne Clergue, 4, plan de la Cour.
Les trente ans de Carré d’art, Nîmes
Au-delà du 30ème anniversaire du bâtiment conçu par Norman Foster, Carré d’art célèbre ses acquisitions en les revisitant pour de nouveaux accrochages grâce à l’intervention d’artistes qui nous proposent leur choix singulier. Ainsi de la nîmoise Suzanne Lafont, qui, dès le rez-de-chaussée, a conçu un accrochage original, alternant les œuvres rassemblées aux sélections absentes, ce qui permet à la fois d’aérer la présentation, d’ajouter du langage à l’image et de jouer sur la relation avec l’espace imparti. Tout s’articule autour d’une scène de guérilla urbaine mise en scène par Stan Douglas : ses personnages et ce qu’il leur faut pour survivre. Au 3ème, Walid Raad nous fait une surprise en sollicitant les supposées œuvres offertes à Bob Calle, le grand collectionneur, puis conservateur, par une prétendue patiente, sous formes d’ombres de tableaux muraux. On est entre réalité et fiction et après tout l’Histoire n’est pas toujours si exacte… Enfin 3 salles sont consacrées aux choix de Tarik Kiswanson, lequel a laissé libre cours à ses goûts de jeune artiste, plus sensible aux œuvres récemment montrées ou acquises par le Carré d’art. Côté femmes (Rosalind Nashabihi, Etel Adnan, etc.) et côté masculin (Jean-Luc Moulène, Danh Vo etc.). Tout le 2nd et deux salles du 3ème revisitent par grandes tendances, le riche fond du Musée. Il y en a un peu pour tous les goûts dans l’ensemble : On passe allègrement de Klein et Nouveau Réalisme à Combas et Figuration française ; de Penone et Arte Povera à Larry Bell; du minimaliste Dan Flavin à Bazelitz et la peinture allemande, ou de Nairy Baghramian à Aakram Zaatari, sans parler de nos régionaux : Azémar, Bordarier, Clément. Terminons par les 3 vidéos de Martine Syms sur le corps noir au sous-sol. Puis la fête continue, dans la rue, chapelle des Jésuites ou dans les autres musées… BTN
Jusqu’au 17-09, Maison carrée, 0466763570
Autant que faire se peut, Maison des Consuls, Les Matelles (34270)
Ce bijou de musée ouvre ses collections néolithiques à six sortes de réalisations explorant des matériaux modernes. Le geste le plus spectaculaire émane de la doyenne, Anita Molinero, qui sculpte les matières urbaines (poubelles, plots) au lance-flammes, testant leurs capacités de résistance à l’informe, produisant des déformations que l’on peut doublement qualifier de « plastiques ». Maxime Sanchez coïncide au mieux avec la vocation du lieu qui l’accueille, lui qui produit des œuvres hybrides où se mêle l’ultra-contemporain (kit carrosserie, déco autocollants), dit mineur, à l’Histoire de l’art, des hommes et même à des animaux préhistoriques. Cela produit d’étranges volumes, muraux ou sculpturaux, ici rappelant le squelette d’un dinosaure, définissant une archéologie du présent. Nicolas Daubanes a fait de la poudre d’acier aimantée, empruntée aux barreaux de prison, son matériau de prédilection, et de l’univers carcéral, marginalisé, son domaine, comme le prouve son magistral triptyque, où la poudre qui se déploie depuis le toit prend des airs d’évasion. Le matériau se met ainsi au service d’une cause. C’est sensible dans les fragiles céramiques d’Agnès Fornells (Al/Ma…), réalisées à partir d’objets du quotidien (serpillère, bidons, cagette…) repérés en milieu urbain, lors de ses voyages au Mexique, installés autrement, ou devant un poster référent. Agnès sait l’art de faire parler les murs. Clément Philippe (Frac LR…) ajoute une dimension écologique à son exploration des failles de la chimie la plus nocive. Pour son installation, il recourt à la pierre locale conjuguée à des fils électriques et des flacons de sulfate de cuivre qui ne demande qu’à s’écouler… Enfin, Lucie Laflorentie est une véritable poète des matériaux de construction qu’elle colore, anime, combine, de manière à restituer une vision concrète et synthétique des paysages. Une des jolies, et modestes, surprises de cet été. BTN
Jusqu’au 26-11, rue des consuls, 0499632526
Germaine Richier, Musée Fabre
Née près d’Arles (1904) et enterrée à Mudaison (en 1959), cette sculptrice a entretenu des liens très forts avec sa ville formatrice, Montpellier. Le Musée Fabre possède plusieurs de ses œuvres majeures, notamment cette Chauve-souris qui intrigue, effraie et impressionne par son façonnage virtuose. L’animal, en particulier les insectes du Sud (mante, fourmi, sauterelle, cigale…), a fasciné Germaine Richier, dans un esprit d’anthropomorphise évident, qui lui permet de résoudre des problèmes techniques comme des questionnements métaphysiques. Cette rétrospective permet de revoir son éphèbe Loretto, bronze de jeunesse influencé par Bourdelle, mais aussi ses tentatives probantes d’intégrer la couleur (L’échiquier), parfois avec la complicité des peintres. L’art de Germaine Richier, reconnu depuis des lustres, revient au premier plan du fait de son obstination à s’approprier la Nature, qu’elle métamorphose et humanise, de sorte que l’on peut parler d’hybridation. Ses formes ne sont jamais abouties, sciemment filiformes ici, rondelettes là (La source) en fonction des sujets qu’elle traite, souvent réduites à des lignes abstraites venant compliquer le confort du regardeur. Ses thèmes puisent dans la culture du Sud, mythique et traditionnelle (Tauromachie, Don Quichotte), dans la Religion, tel ce fameux Christ pathétique de l’église d’Assy et dans l’Allégorie… On la surnommait d’ailleurs L’ouragan(e) du fait de sa puissance créatrice, elle qui aimait modeler la femme au combat (L’escrimeuse). Le parcours devrait nous immerger dans ses thèmes de prédilection, sa gestion du vide et sa prise en considération de l’espace, surtout cette fameuse Montagne qui semble incarner le St Loup terrassant l’Hortus… BTN
Jusqu’au 5-11, 39 ; bd Bonnes nouvelles, 0467148300
Front de mer, Canet Collioure Banyuls, MAM de Collioure (66190)
On imagine le plus souvent la côte vermeille comme un paradis. Il a pu se transformer en enfer lors de l’occupation allemande en 40. Certains artistes s’y sont réfugiés et ce sont ces heures sombres que cette exposition entend relater. A Canet, autour des résidents du Crépuscule, les surréalistes Jacques Hérold (bientôt résistant) et Oscar Dominguez, puis Victor Brauner bientôt assigné à résidence. Cette période est cruciale dans son cas et l’exposition se fait fort de le montrer. Le rôle du modèle de Maillol à Banyuls, Dina Vierny, est également mis en exergue. On découvre un artiste de la Retirada, Gerardo Lizzaraga et ses dessins fantastiques, interné à Argelies, avec Carl Rabus. Collioure abrite Marquet puis Dufy, qui s’y adonnent à la céramique, tandis que certains préfèrent voir le petit port de pêche tel un havre de paix, où d’adonner à la peinture de paysages plus ou moins apaisés : Vergé-Sarrat, Déchorain, et Navarro Ramon. C’est un pan de l’Histoire sombre qui est pourtant ré-suscité en peinture et dessins, réhabilitant des figures quelque peu oubliées de l’Histoire, en particulier Robert Rius, fusillé par la gestapo, et homme de confiance de Breton, lequel s’embarquait alors pour l’Amérique. Des prêts d’un peu partout (y compris un Matisse, alors en correspondance avec Marquet) restituent l’esprit de cette année créative que le MAM a divisé en thématiques, parfois intrigantes : Le crépuscule du Surréalisme, Le cas Brauner, Etagères en flamme, Serrures en friche, Baignoires de sable, Les racines du soleil. Un volet contemporain est représenté par des objets, des empreintes, des récits et des chants. On y retrouve la franco-marocaine Nissrine Seffar (dont on connaît les volumes sur Rivesaltes, faits de débris ou de bouteilles de gaz), Emma Dusong, Nicène Kossentini… Et on s’instruit doublement (Art et Histoire). BTN
Jusqu’au 8-10, Route de Port-Vendres, 0430440546
Amalia Laurent au CACN (Nîmes, 30900)
Le métissage des cultures produit de bien jolies choses et c’est le cas pour ce travail, in situ, de la franco-javanaise Amalia Laurent, laquelle conjugue subtilement les impressions numériques de notre temps à la tradition du batik et à ses références indonésiennes. Cela donne une œuvre légère, claire et lumineuse, féminine au demeurant, essentiellement réalisée sur des tissus translucides, suspendus ou muraux, parfois sur châssis, assortis de plis et tenant lieu de fenêtre, métaphore du tableau. En fait, il s’agit pour cette jeune artiste de délimiter deux espaces, l’un profane l’autre sacré en tant qu’ils favorisent l’accès à l’invisible par le biais du visible. Des souvenirs de paysage affleurent en surface du tissu imprimé, des jeux d’ombres et de lumières, des sortes de grilles de lecture parfois, en rotin, empruntées au langage des signes et offrandes venues d’ailleurs. Ainsi est-on convié à un voyage dans l’intimité des divers lieux mémorisés par l’artiste. Celle-ci sollicite des échos de performances costumées, des catalogues et projets d’édition, de la musique expérimentale et les voix de gens du quartier, son expérience confinée du balcon parisien, le gigantisme d’une église allégée par le matériau textile et, en bouquet final, le récapitulatif de tous les lieux traversés. Conservés pieusement en cylindres de différents formats, protégés par la suspension du rideau, ils sont offerts aux autres, le temps d’une exposition. On se sent entre deux mondes, deux espaces, deux cultures qui au fond n’en font qu’une, l’humaine, et ses arts, avec une impression de flottement hybride. Et qui fonde l’Edifice immense du souvenir, sauvé de l’oubli. BTN
Jusqu’au 29-7 ; 4, place Roger Bastide, 0983083744
Séverine Hubard, Vallon de Villaret (48190)
Ce parc de loisir, voué aux jeux d’eaux, propose également un parcours artistique de pièces réalisées pour le lieu ou adaptées à sa spécificité ludique. A mi-parcours, une tour médiévale, se voit investie chaque année par un(e) artiste : cette année, la lilloise Séverine Hubard, qui l’a transformée en Tour de siège, en tout cas dans le principe et l’idée, ainsi que l’on pourra le vérifier dans les maquettes à l’étage. Séverine Hubard ne craint pourtant pas de se mesurer au monumental dans sa construction d’engins faits de bric et de broc mais toujours avec discernement et minutie ; ses empilements de matériaux divers et modernes ne le prouvent que trop. Pour cette édition, elle a ainsi fabriqué un immense couillard, une catapulte à godets de pelleteuse, qui donne l’impression de vouloir trouer les murs et de nous transporter vers l’extérieur, véritable lieu de la bataille. Si guerre il y a, pour l’artiste, elle est plus métaphorique, voire ludique, que référentielle. C’est celle qui se pratique contre le système qui nous broie : ainsi que le suggère les rouleaux (à gazon) de sa mobile Barrière. D’où ces allusions à Hermès ou à Vuiton, fleurons de l’industrie de luxe. Et, au-delà, au marché de l’art, pas toujours juste et souvent manipulé. L’artiste est en lutte, ainsi que le prouve l’œuvre intitulée Gloups, où des cailloux sont catapultés sur des plaques de verre. Si elle ne peut déplacer des montagnes, il lui arrive déplacer des maisons en les mettant sur pattes. Ajoutons qu’un bélier sort d’une ouverture, ce qui est assez préciser combien l’artiste bouleverse notre vision des choses puisqu’il cherche à forcer l’extérieur. L’artiste est engagée mais avec humour et cela fait du bien par les temps qui courent, où l’on a besoin d’un peu de jeu dans les jointures. BTN
Jusqu’au 5-11, Bagnols les Bains, 0466476376
Kees Visser, Pieter Ceizer, Ivan Cremer, Au Lac de Sigean (11130)
La famille Moget a toujours eu le don de puiser dans le riche vivier de leurs compatriotes artistes. En témoigne cet été la présence de Kees Visser, même si ce denier s’est exilé au cœur de la nature islandaise avant de se poser à Paris. Il s’agira pour ce praticien du monochrome, sériel, d’entrer en dialogue formel avec la riche collection des Moget (ses Mondrian et Van Velde, Alkema et Noland, des centaines d’autres dont les paysages bichromes de Piet Moget himself). Cet artiste intervient par la couleur, sur papier, en résonance avec l’espace qui l’accueille. On pense à un nuancier monochromatique, atonal si l’on considère ses œuvres qui perturbent notre besoin de régularité rassurante. Kees Visser sait varier les modalités de présentation, de la mosaïque à la peinture murale, de l’exploitation du sol au recours à des vitrines, de la superposition à la juxtaposition etc. Sans avoir peur du grand format adapté au lieu, ni de la monumentalité d’une installation.
Peter Ceizer apportera un peu de fantaisie à ce travail qui peut sembler austère, : les formes, chez ce yougoslave, donnant l’impression de s’émanciper, d’esquisser des mouvements de danse sur la toile, créant une atmosphère de rêve, les lettres se confondant avec les motifs et figures dans un travail de brouillage des clivages habituels. Enfin Ivan Cremer, encore un hollandais, aura la lourde tâche d’assurer la composante sculpturale de cette exposition, par récupération de matériaux bruts, lui qui ne saurait nier sa fascination pour l’architecture des ruines, ni son intérêt philosophique pour la notion de Temps. Deux peintres contrastés et un sculpteur. De quoi découvrir certes mais aussi voir la riche Collection familiale autrement. BTN
Du 2-7 au 24-9, Hameau du Lac, 0468488362
Ana Mandieta, à La Panacée
L’Histoire de l’art n’en finit plus, tant l’ignorance avait été tenace, d’extraire de sa besace magique les artistes au féminin qu’elle avait jusque là négligées. La cubaine Ana Mandieta fut sans doute une précurseur(e), ou du moins contemporaine de bien des expériences qui paraissent évidentes aujourd’hui mais qui durent affronter les préjugés, esthétiques, moraux et sans doute quelque peu sexistes de leur temps. C’est la période allant de 1968 (date qui rappelle encore quelque chose à quelques anciens) à 1985, où elle disparut prématurément (et non sans controverse féminicide), qui sera présentée à la Panacée, ses œuvres les plus marquantes et quelques découvertes inédites. Chaque salle aura son thème, sachant que l’artiste a travaillé un peu tous les medias et que sa singularité l’a poussée à produire des réalisations éphémères, toujours fondées sur l’empreinte du corps, grâce à la terre ou au sable, dans un esprit de rejet du système commercial. Ce sont ses Siluetas qui ont attiré l’attention, d’autant qu’elles font passer de l’individuel à l’universel et, au-delà, au mythe, ainsi que le prouvent ses recherches rupestres, son intérêt pour les diverses Vénus non canoniques, et pour les fétiches féminins. Ana Mandieta fut également une remarquable performeuse, capable de faire de son corps une œuvre d’art, de lui infliger des transformations inouïes et d’analyser les codes de la distinction par genre avant tout le monde. La main fut son outil de prédilection et les éléments ses matériaux. Enfin, il y a sans doute quelque chose de singulier dans sa double culture américaine et cubaine qui donne à son œuvre une légitimité que l’on ne trouve pas forcément ailleurs. BTN
Jusqu’au 10-9, rue Ecole de pharmacie, Montpellier
Vincent Corpet, Fatras III, Château de Jau (66600)
Avec ce troisième Fatras, se clôt la série d’expositions estivales consacrées au Peintre Vincent Corpet – ainsi que les contributions de Sabine Dauré, la créatrice de cette union inédite entre l’art contemporain et le vin (cf. Le jaja de Jau, de Ben), à qui il convient de rendre hommage pour plus de 45 ans de bons et loyaux services. Le premier Fatras s’articulait autour de genres traditionnels, natures mortes, portraits et quelques paysages. Le second, plus ambitieux, s’attaquait à la peinture religieuse et effectuait une lecture personnalisée des chefs d’œuvre du genre. Le troisième s’intitule Le sauvage et met en exergue la façon dont le peintre, depuis trois décennies surtout, sollicite la condition animale. Certes, elle est tout sauf réaliste. Elle ferait plutôt appel à notre mémoire ancestrale, celle de la Préhistoire et celle qui précède notre acquisition individuelle du langage, lequel nous fait humain. Ainsi chez Corpet, c’est le traitement instinctif de la forme qui fait surgir, dans ses tableaux, un Bestiaire, qu’il assume, par Analogies (titre d’une série). Or, si l’animal est présent, l’Humain n’est pas loin, que l’artiste aime à peindre nu, sur fond neutre, comme une page blanche. N’est-il pas un animal, dont la particularité est qu’il sait le nommer, le peindre et se nommer ou se peindre lui-même ? Corpet ne se prive pas de les confondre. En témoignent ses portraits de De Gaulle, Churchill ou Kennedy, plus anthropomorphes que Nature. Ou ses compositions dynamiques rendant compte de la sauvagerie évoquée. Son gout pour l’hybridité. Sa relecture animale des chefs d’œuvre (Courbet). La part du Sauvage en lui, animale ou humaine. Car le peintre est le vrai Sauvage. BTN
Jusqu’au 25-9, Cases de Pêne, 0468359010
Néo Rauch, Moco, Montpellier
Le hasard, qui fait bien les choses, a voulu que l’exposition Immortelle du printemps, des dizaines de peintres français à découvrir, soit suivie cet été d’une monographie d’un seul peintre, allemand (de l’Est), internationalement reconnu depuis des lustres, et à l’aura incontestée. C’est assez dire le retard pris par la France en matière de peinture, figurative en tout cas, que nous avons à rattraper si nos artistes veulent vivre décemment de leur art (et pas seulement de subventions et résidences). Il importait de le rappeler. Néo Rauch n’a jamais caché son penchant pour un certain surréalisme, celui des images énigmatiques et de l’inquiétante étrangeté. Il pratique aussi, depuis les années 90 ici présentées, des combinatoires complexes d’êtres et objets fortuitement rapprochés, du moins en apparence. Les formats sont imposants, l’univers souvent plombé, avec des fonds sombres ou bleutés qui renvoient sans doute à ses origines. Les personnages s’y livrent à d’oniriques rituels induits par les associations d’idées. Celles-ci témoignent de l’Histoire, de la mémoire, de l’enfance, des angoisses vécues, et déterminent ce qui donne le titre de cette rétrospective : Le songe de la Raison. On est quasiment dans l’oxymore. S’en dégage une impression de puissance, comme souvent avec la peinture allemande. Le thème du travail est omniprésent (L’apprenti), celui de la performance ou de l’élection performative semble une obsession (La Première), mais aussi celui de l’exil (Zone frontalière, Transition) et surtout celui du danger (La menace, Tours). Néo Rauch aura réussi à restituer l’esprit de son pays d’origine, qu’il fait accéder à l’universel. Cela donne à son œuvre une authenticité qui justifie l’acte de peindre, et explique son succès. Qu’on peut toujours lui envier… BTN
Du 8-07 jusqu’au 15-10, 13, rue République.
Katinka Bock, Crac de Sète
Le Crac a une nouvelle fois délégué sa confiance estivale à une artiste femme, dont la particularité est de s’intéresser aux matériaux des lieux où elle expose, et de mettre en valeur en particulier le thème de l’eau. Sète était donc un lieu qui ne pouvait que lui convenir et la solliciter, en tant que port, limite entre deux, voire trois, éléments, et aussi ses canaux, ses étangs et ses joutes, évoquées dans un film. Sculptrice allemande à l’origine, adoptée par notre pays, elle s’intéresse aux matières qui se manipulent et transforment (tissus, céramiques…) sans forcément chercher la monumentalité. Elle les associe, leur fait vivre l’expérience des limites (comme disait feu Sollers), joue avec la relation d’équilibre qu’ils entretiennent entre eux. Elle pratique aussi la vidéo (cf. Notes de plans prises en Super 8, journal de bord, filmé du point de vue des canaux) et la photographie (empreintes sur le corps). Le titre Silver est polysémique. Il renvoie aussi bien au pirate de Stevenson qu’aux reflets du soleil sur la mer, aux architectures modernes qu’au thème du temps qui métamorphose. Au fil des salles, on la verra recourir à des matériaux solubles et précaires tels les savons mis en pierre, explorer ces prolongements du corps que sont la cuiller, la lance ou encore la fourche et même l’armure ; faire des pieds et des mains (des pouces et coudées) pour réaliser une constellation de briques de terre cuite au sol, ou encore rendre compte de la relativité de notre représentation, approximative, d’un mètre étalon. A chacun sa perception. Enfin recourir à la photographie pour relever des fragments de corps et donc de peau, cette limite entre notre être et le monde extérieur, à savoir l’espace. BTN
Du 1-7 au 7-1-24, Quai Aspirant Herber, 0467749337
A flanc d’abime, Surréalisme et alchimie, St Cirq Lapopie (46360)
Ce village du Lot, tout en escarpement, est sans conteste l’un des plus beaux de France et ce n’est pas par hasard (ou alors objectif) si André Breton y avait installé sa demeure, enfin réhabilitée. Elle sert de cadre à un opportun rapprochement du groupe avec cette énigmatique activité à laquelle le surréalisme d’après-guerre s’est particulièrement intéressé : l’Alchimie, sa quête d’absolu et sa volonté de penser autrement le monde. 4 lieux ont été mobilisés intra muros, ainsi que le château de Cénevières, le seul renaissant à posséder un cabinet d’alchimie, où Yoan A. Gil expose ses dessins de fragments sciemment inachevés (à l’instar de ladite quête). Les maisons Rignault et Breton, cette dernière à la mémoire si vive de réunions et jeux surréalistes, proposent les premières salles du parcours. On y présente au profane l’art sacré et secret de ces rêveurs de matière, et de ce rêveur définitif que fut René Alleau, grand connaisseur de symboles devant l’éternel et aquarelliste hors pair. On creuse ensuite en peinture et dessins les relations esthétiques des deux pensées, l’ancienne et la moderne, que le surréalisme incarne. Puis leur postérité : Maison Lespagnol, Venus d’ailleurs présente le projet d’édition Luna et une dizaine de contemporains marqués par le langage des oiseaux. On y retrouve nos nîmois Yves Reynier, Michel Cadière, Susan Mende… Le poète de l’oralité, Serge Pey, offre enfin une carte blanche à son œuvre au noir, impliquant ces lames du tarot ayant tant fasciné l’imaginaire surréaliste. Outre le maire et les commissaires, il faut féliciter l’association La rose Impossible pour sa clairvoyance et son respect du patrimoine : il incite au rêve et fait tant de bien. BTN
Jusqu’au 31-10, Centre international du Surréalisme et de la citoyenneté mondiale.
Sandrine Arons, Remp’arts, Durban-Corbières (11360)
Le réel et l’image ça fait deux. Non seulement la photo réduit et aplatit le monde visible mais il suffit d’un mouvement, plus ou moins contrôlé, pour que nos sens nous trompent et que ce que l’on voit ne soit plus ce qui est. La franco-américaine (et plus) Sandrine Arons est d’autant plus sensible à cet aspect que sa multi-culturalité ne la conduit pas à une vision unaire (elle dirait phallocentrique) et monosémique de la réalité. Ainsi, sa série Frontiers sème le doute, voire le trouble, au sens physique du terme, dans nos habitudes visuelles. La porosité des frontières, réelles, semble avoir déteint sur ses propositions de murs hauts en couleurs et en verbe, souillés ou délabrés, hantés d’images, slogans ou sentiments. Ainsi Le mirage marocain porte-t-il bien son nom. Ailleurs c’est Casablanca qui se voit déconstruite. Le chat voit tout mais le titre nous trompe : il ne voit pas qu’il est vu voyant. Grâce à ces images produites on n’est jamais sûr de ce qui a été réellement perçu. S’agissait-il à la base d’images dans l’image ? Où commence la réalité, où finit la manipulation ? Les paysages sont-ils préalables à leur insertion sur le mur photographié ou est-ce le mur porteur qui suscite tous les imaginaires possibles ? C’est justement ce brouillage qui fait mouche. On n’est plus dans la rationalité, dans la conception rassurante qui s’énonce clairement. La vision remodelée de Sandrine Arons supprime les frontières entre les référents, et suscite une impression d’égarement. Ailleurs, ses autoportraits dépourvus de couleurs, se veulent floutés, dédoublés, énigmatiques. Sandrine Arons, au-delà des frontières, semble à recherche d’une vision photographique authentiquement féminine. Ou du moins autre. Sans frontière, quelles qu’elles soient. BTN
Jusqu’au 15-7, rue des remparts, 0687036655
Jean-Luc Parant, Chapelle de la Miséricorde et Al/ma (Montpellier)
Ce grand conquérant, par le biais de la sphère en sculpture et du texte ininterrompu que fut, jusqu’à l’été dernier, Jean-Luc Parant, n’aura posé qu’une boule, autant dire un pied, galerie Al/ma, quelques mois avant sa disparition, en attendant de concrétiser un projet plus abouti, malheureusement posthume. C’est chose faite à présent, grâce à l’obstination de Kristell Loquet, et au respect de la parole donnée par MC Allaire-Matte. J.L. Parant, ce sont des multitudes de boules singulières qui auront représenté l’essentiel de sa production durant soixante ans, en cire noire et filasse, de toutes formes et changeant de forme voire de couleur au fil des années. Mémoire du Merveilleux, déjà présenté à Paul Valéry, témoigne du passage de la sculpture à l’installation sous forme d’éboulement ou amoncellement. Il devrait enchanter les visiteurs de la chapelle de la Miséricorde, d’autant qu’à la prolifération de boules diverses se mêlent bon nombre d’animaux naturalisés qui enrichissent l’œuvre non seulement de connotations préhistoriques mais également d’allusions au paradis pré-adamite. Tout est affaire d’yeux. Car J-L Parant, c’est la suprématie des mains qui modèlent mais aussi des yeux, auxquels les boules font souvent penser. Néanmoins, l’artiste et poète était trop subtil pour ne pas investiguer du côté de ce qu’il y a derrière les yeux, à savoir la pensée. Il l’a fait dans de nombreux livres (cf. Fata Morgana…) dont le dernier sera présenté à la galerie (Soleil Explosion, chez Al Dante) ainsi que sur des supports divers, en papier, qui vont de l’enveloppe récupérée à la partition, assortis de dessins. Ainsi l’écriture de textes et la confection de boules vont-elles conquérir, on l’espère, Montpellier… BTN
Jusqu’au 15-7 (Al/ma, plan du palais) ; Jusqu’au 17-9, (Miséricorde, rue de la monnaie). 0663271563