L’idée moderne d’art s’est construite contre « l’imitation servile » et, au-delà, contre la servitude même. La valeur d’un artiste serait relative à sa capacité d’émancipation. Guidé par l’exemple du cinéma où le rôle du domestique inspira des personnages inoubliables, ce livre interroge la création là où elle n’est pas censée exister : chez ces travailleurs de l’ombre qui servirent l’art d’autrui par la besogne de la reproduction. Il met en lumière ces graveurs qui réalisèrent des estampes signées par d’autres. L’enquête sur ces marges dépourvues du prestige de la marginalité, s’étend à la discipline de l’histoire de l’art qui distribue sourdement les rôles entre maître et serviteur, entre l’art glorieux d’interpréter les œuvres et la tâche obscure de les cataloguer.
Emmanuel Pernoud est professeur d’histoire de l’art contemporain à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et ancien responsable des collections d’estampes contemporaines à la Bibliothèque nationale de France. Parallèlement à des travaux sur les arts graphiques, il a étudié la place de l’enfance dans l’art des XIXe et XXe siècles. Il est notamment l’auteur de L’Invention du dessin d’enfant, en France, à l’aube des avant-gardes (2003), L’Enfant obscur. Peinture, éducation, naturalisme (2007), Hopper : peindre l’attente (2012).