Les pratiques artistiques contemporaines envisagent de plus en plus l’exposition comme un format dynamique, comme une relation entre des œuvres, des corps et des espaces, comme un milieu habité, vivant, accueillant une diversité de sensibilités. Les outils permettant de créer ces atmosphères relèvent en partie du vocabulaire de la scénographie : gestion de la lumière, organisation et qualification de l’espace, orchestration des mouvements de corps, des regards, tout en évitant de produire des parcours et points de vue trop dirigés afin de placer le spectateur dans une position active. L’expérience esthétique se veut ouverte, multiple, contextuelle et donc polyphonique. Alors que la scénographie a longtemps été maintenue hors du champ de l’art, elle est aujourd’hui réévaluée et intimement associée à la conception des expositions, à travers des dialogues avec des scénographes mais aussi une intégration de ses outils et de son histoire dans la pratique de l’artiste.
Cette évolution est particulièrement visible dans les expositions et installations vidéo, où les spécificités techniques de ce médium imposent de traiter avec grande attention l’espace des œuvres (gestion de la luminosité, conception des écrans et de leur positionnement) et celui des corps (du confort ou de l’inconfort qui leur est réservé pour regarder des images dans une durée relativement longue). La réflexion que nous menons sur ce champ de l’art depuis une quinzaine d’année nous a permis de saisir en quoi cette évolution du format de l’exposition est aussi liée à un questionnement idéologique. Afin de nourri ces idées, nous avons mené de dix-sept entretiens sur trois années avec des artistes représentatifs d’une scène internationale et trans-générationnelle : Dan Graham, Carolee Schneemann, Tony Oursler, Doug Aitken, Isaac Julien, Eija-Liisa Ahtila, Julian Rosefeldt, Thomas Demand, Dominique Gonzalez-Foerster, Xavier Veilhan et Alexis Bertrand, Laurent Grasso, Jordi Colomer, Anri Sala, Pauline Boudry and Renate Lorenz, Mika Rottenberg, Laure Prouvost, Angelica Mesiti, Liv Schulman. Un essai historique et problématisé vient introduire l’ensemble.