Nazanin Pouyandeh, Fontation GGL, Hôtel Richer de Belleval
Combattante acharnée de la cause féminine, la franco-iranienne Nazanin Pouyandeh crée un univers onirique, qui rappelle souvent la figuration surréaliste, en sollicitant des consœurs et amies, d’une époustouflante beauté, pour des mises en scène théâtralisées telles que l’art les puisait autrefois dans les mythes, l’Histoire ou les récits religieux. Le suicide de la romaine Lucrèce, Jeanne au bûcher, le paradis d’où Eve est bannie (J’ai été chassée du paradis), le jardin des oliviers féminisé… Si les portraits peuvent nous sembler familiers, les scènes plus complexes relèvent d’un certain onirisme ou de ce que l’on pourrait désigner comme troublante étrangeté. Et dérangeante car le Nu domine, et l’on sait qu’il est de moins en moins en odeur de sainteté par les temps qui courent dans certaines communautés. Une « Déesse de miséricorde », gigantesque, pieusement vénérée par ses affidées, pourrait en témoigner. La ligne et pure chez Nazanin Pouyandeh. Elle aime les couleurs vives mais les soumet aux impératifs de la forme graphique. Ainsi y-a-t-il quelque chose de photographique dans son travail qui ne lésine ni sur le fond décoratif ni sur les vêtements essaimés de motifs récurrents. Cela renforce le caractère théâtral de ces scènes peintes, et leur caractère dramatique. Ce n’est pas par hasard si le personnage victimaire de Lucrèce, martyre historique d’un viol, apparaît dans une série de Chloé, Madeleine, Jade, Axelle ou Charlotte, chacune avec des gestes, des expressions et des physionomies différentes. La Femme est le sujet favori de l’artiste qui l’imagine en révolte dans Le soulèvement des âmes noires, et quasiment triomphante dans la Victoire, inspirée des embrassades qui rythment les buts d’un match de foot féminin. Les attributs, chevelure, seins, fessier, sexe, couleur des yeux sont ainsi valorisés voire sublimés. Car l’art ne s’embarrasse pas des défauts. S’il veut montrer la voie d’un monde idéal, où les genres ennemis pourraient faire Alliance, il lui faut, comme disait le poète, s’éloigner des miasmes morbides et respirer l’air supérieur. Ainsi, ce qui passe pour le mal dans le réel, par une mécanique spirituelle, devient-il le bien (Les fleurs du mal). On comprend cette volonté de théâtraliser. On est apparemment dans le faux mais un faux qui fait plus vrai que le vrai (dans un très éloquent autoportrait, l’artiste multiplie les pièges : miroir, masque, reflet du masque dans le miroir), car s’y révèlent les pulsions et fantasmes qui animent notre vie psychique et, on y revient, l’univers de nos rêves. Or le rêve mêle l’espace, le temps, l’imaginaire, la mémoire, le réel, l’irréel… Que l’on trouve m^lées dans les peintures de Nazanin Pouyandeh. Par exemple, sur le plan du peint, mis en abyme par la présence d’une peintre en train de réaliser le tableau, on repère, un peu comme chez Gauguin, trois épisodes de la vie d’Eve. Eve est en quelque sorte l’aïeule de toutes celles qui sont accusées d’être Désobéissantes, titre de cette expo censée nous faire découvrir le monde particulier de l’artiste, résolument acquis à la cause qui réclame une pleine et entière liberté pour la Femme. Il est fait d’images, raffinées, travaillées et érotisées car la Beauté c’est encore ce que l’on a trouvé de mieux pour nous faire oublier l’horreur, du quotidien comme du général, sous toutes formes, au présent comme dans le passé. Ces scènes intimistes, dites de genre, nous ouvrent ainsi sur l’universel. D’un monde guidé par le principe de plaisir quand quelque mauvais coucheur ne vient pas nous l’interdire. L’inconscient, quant à lui, ne s’interdit rien. C’est comme ça…BTN
Jusqu’au 9-11