Dominique Gauthier, Musée Fabre
Les « opéras » des années 80, directement appliqués sur le mur, propulsèrent Dominique Gauthier au firmament de la peinture française, qualifiée alors de baroque ou de flamboyante (Le Gauthier flamboyant, me permis-je en quelque revue). 45 ans après ses débuts, c’est le temps des bilans et d’une reconnaissance amplement méritée, sachant que le Musée possédait au moins deux œuvres de cet artiste majeur, pas toujours connu du grand public cependant. Avec cette donation d’une dizaine de toiles et d’une quarantaine de dessins, Dominique Gauthier occupe enfin la place qu’il mérite dans ce musée qui s’honore d’être parmi les plus riches de France et dont la collection contemporaine s’enrichit au fil des années. L’accrochage est judicieusement réfléchi. Au rez-de-chaussée, une série d’Hostinatos permettant de se familiariser avec cette œuvre qui paraît d’une extrême complexité alors qu’elle s’appuie sur des principes simples. Et tout d’abord ses relations avec l’architecture et l’art de la fresque, ce qui explique la présence d’un tableau, démesuré et longitudinal, au plafond et son répondant du côté du sol. Ensuite son rapport au dessin et plus précisément géométrique et abstrait, ainsi que le prouvent ces cercles et ellipses réalisés à partir de cordes et de clous, lesquels renvoient à une tradition christique de la Peinture. L’artiste multiplie obstinément ces formes non issues directement de la main mais d’un outil de substitution, ce qui lui évite les facilités du lyrisme débridé ou des formes aléatoires. Enfin parce qu’elle s’ancre manifestement dans une Histoire, qu’elle ne cache pas son intérêt pour la Renaissance, et notamment italienne, le titre de cette série d’Hostinatos renvoyant d’ailleurs à une formule de Léonard de Vinci. Plus haut, dans les salles qui lui sont dévolues à l’étage, on retrouvera d’une part cet ancrage dans la tradition avec les Provisions pour Cimabué, à la composition cruciale, faite de successions de plans plus ou moins mis en relief par des plages ou flaques de résine parfaitement délimitées. Car tout est construit ou pensé chez Dominique Gauthier, qui procède à l’instar d’un poète, lequel s’impose des règles prosodiques, ou d’un musicien qui s’appuie sur les contraintes de la composition. Les dessins sur papier de soie lui permettent d’introduire des fragments de figure qui sollicitent la culture universelle du Larousse, la problématique du corps et de l’organique empruntées aux planches anatomiques, la question des limites et des extrêmes, métaphorisée par l’ascension de l’Everest, des photos de la grande guerre ou des allusions à l’URSS naissante, afin de souligner l’importance de l’Histoire, de ses violences et de ses espérances déçues. On remonte petit à petit vers les Opéras et, par là même le temps, même si l’expo ne se veut pas chronologique. On croise ainsi une toile de la série des Répons, où l’on comprend l’importance d’une mécanique pour l’artiste ; des Orphiques en noir et blanc, proche des Hostinatos mais en plus aventureux, et surtout un Mandylion (toujours la référence culturelle chrétienne où Gauthier sollicite Matisse et ces papiers découpés). Un hommage à ce maître de la couleur de la part de ce disciple qui ne lésine pas sur la flamboyance colorée, avec générosité, ce qui n’exclut pas la sobriété des moyens et l’exigence foncière. Une leçon de peinture qui prouve qu’elle est loin d’être morte en France. Elle a été simplement victime de politiques suicidaires et aveugles. Plût au ciel que cette exposition fît enfin ouvrir les yeux ! BTN
Jusqu’au 28-9, 39, bd Bonne-Nouvelle, 0467148300