Cinq expos pour l’été 25 (in progress)

Sophie Calle, MRAC de Sérignan (34)
On l’espérait à Nîmes, au vu de ses origines gardoises, le Mrac de Sérignan l’a fait. Et il a, et il l’a, très bien fait. D’abord en modulant son espace en fonction des aspirations de l’artiste, Sophie Calle, l’une des ambassadrices les plus sûres de l’art français dans le monde. La série la plus fournie, à l’étage, Douleur exquise se déroule dans la chronologie la plus stricte des 92 jours précédant une rupture amoureuse, inattendue, de celle qui marque à vie. D’un côté, l’avant, les photos et textes, innocents et impatients, d’un voyage au Japon. De l’autre, la douleur de l’après. Comme souvent, une image, en l’occurrence celle d’un téléphone dans un hôtel indien, est associée à l’écrit, où s’exprime la fameuse douleur. Les 92 binômes alternent avec les souffrances recueillies auprès des autres dans des bandes verticales régulières. La douleur se fait fédératrice et la vie œuvre d’art, la réalité autofiction, généralisée, avant la lettre. Dès l’entrée, on a la clé de l’intitulé général Etes-vous triste ? (La visite médicale) et un résumé commenté, par titres de Série Noire interposée, des diverses séries qui auront composé la carrière de l’artiste. Ailleurs, une petite salle est transformée en chapelle ardente où l’on assiste, en vidéo, à l’agonie de la mère, conjuguée à des images de Pôle Nord. On retrouve celui-ci dans les photos prises lors d’un voyage visant à enterrer les objets précieux de la mère, selon ses désirs et sa volonté. Dans la même salle, les séries Berck et Lourdes, orientées par les suggestions, par cartes interposées, d’une voyante. Enfin des récits et images d’aveugles d’Istanbul évoquant la dernière qu’ils ont perçue avant leur cécité. Le reste se passe au rez-de-chaussée. Après tous ces arrêts sur lecture, les portraits maritimes de personnes portant leur premier regard sur la mer, dans l’immense installation vidéo, lave le nôtre et nous ramène aux beautés naturelles du réel. Entre temps, de riches collections (Allons, d’Armleder à Veilhan en passant par Beloufa, Dolla, Kusnir, Mosta-Heirt ou Traquandi…) et les Cyclogénèses de Toma Dutter, sans doute la plus convaincante occupation à ce jour dans le Cabinet d’arts graphiques. BTN
Jusqu’au 02-09

75 ans d’amitié au Musée Céret, 66400
Visiter un musée avec la certitude qu’on y découvrira ou reverra des dessins de Matisse période fauve, une Vanité de Picasso, l’univers onirique de Chagall, la rigueur néo-cubiste dans une gouache d’Herbin, deux huiles majeures de Valentine Prax, compagne de Zadkine, Marquet… voilà qui vaut le détour pour qui se dirige vers l’Espagne, s’invite dans les massifs pyrénéens, ou s’offre un séjour sur la côte vermeille. On est pourtant loin du compte. Une soixantaine d’artistes sont rassemblés, dans cette grande expo estivale et au-delà, sous le signe de cette Amitié qui les a liés à la ville de Céret, ses conservateurs, son musée. Ainsi, ce dernier s’est-il acquis une solide réputation liée à sa relation particulière à l’art moderne, et en conséquence à tout ce qui l’a suivi. Les musées ne sauraient survivre sans l’apport de donations et de dépôts qui les enrichissent – même si l’œuvre exposée de Miro, a bel et bien été acquise. Christine Boumeester représente l’abstraction, au féminin, avant que la génération, Riopelle la masculine, des années 60-70 ouvre l’art contemporain : Viallat et ses draps récupérés marqués de sa fameuse empreinte, Meurice, Pagès et Pincemin tous trois associés à Supports-Surfaces, Toni Grand introduisant l’anguille dans ses sculptures multiples en polyester, Bioulès, après une période d’abstraction radiale, se consacrant à la figure sacrée et au paysage dans une symphonie de couleurs en hommage à St François, Christian Bonnefoi s’inspirant du contesté Ubu roi par le biais de collages, le régional Capdeville…. Suivis de près par Alain Clément dont les formes picturales s’émancipent en sculpture, ou Dominique Gauthier qui se confronte à la démesure dans un esprit baroque prêt à tous les risques. Le catalan Tom Carr nous plonge grâce à des jeux de miroirs dans les paysages du cru tandis que Josep Riera i Arago surprend par une hélice géante et anthropomorphe, son rêve du navigateur. Il faut y ajouter les conservateurs eux-mêmes (Brune, Badin, Janson…), les compositions dynamiques d’Anne-Marie Pêcheur, une sculpture de Jaume Plensa, les drôles de pilules d’Hervé Fischer, les gestes floraux de Nadja Mehadji. Enfin, le Musée propose un parcours contemporain des Collections où l’on retrouve les artistes de la région, Francesca Caruana, Serge Fauchier, Jean-Louis Vila ou feu Valensi, le majorquin Barcelo, l’américaine Shirley Jaffé, la roumaine Simona Ertan, et bien d’autres (Jaccard, Buraglio…). De quoi réviser 75 ans d’histoire de l’art au moins. BTN
Jusqu’au 16-11

Pierre Soulages, La Rencontre. Musée Fabre, Montpellier
Trois ans déjà que l’immense Pierre Soulages s’est éteint, 20 ans qu’il fit cette donation spectaculaire de 20 toiles dont tous les visiteurs s’émerveillent aujourd’hui, et 200 ans qu’existe ce Musée, devenu l’un des plus riches de France, d’autant qu’il s’est judicieusement ouvert à l’art contemporain. 33 ans enfin que Michel Hilaire a pris ses fonctions, qu’il lui faut à présent quitter, après en avoir remodelé la forme et le fond, et il le fera sur un magistral feu d’artifice au sein de cet hôtel particulier qui fut également collège des Jésuites. Le choix du titre, La Rencontre, s’explique d’une part du fait que les tableaux du maître voisinent et dialoguent avec certains de ses prédécesseurs (Rembrandt, Zurbaran, facile de deviner pourquoi, et aussi Le Lorrain, Courbet, Cézanne ou Mondrian…) et contemporains (Hartung, Zao Wou Ki, Michaux…) ou ami(e)s (Pierrette Bloch). D’autre part, du fait que les fameux outrenoirs, qui ont caractérisé les dernières décennies de sa production, seront mis en perspective avec des œuvres plus anciennes, moins connues souvent du grand public. On attend également des toiles inédites et ultimes, prêtées par Collette, l’âme sœur de l’artiste. On attend 120 œuvres, et pas seulement des toiles mais aussi d’autres supports tels que le papier, le métal ou le verre (n’oublions pas les vitraux de Conques, qui lui tenaient tellement à cœur). L’intégralité des salles temporaires est sollicitée afin de déployer les six sections retenues, qui sont réparties par thèmes plutôt que par périodes : Matières premières, Écriture et silence, L’espace de la peinture… Les titres de certains étonnent et intriguent (Un peintre en bâtiment, Blancs et transparences, et même L’envers du noir) ce qui suscite d’autant plus la curiosité et le plaisir de savoir. On louera une telle idée. Car si cette exposition doit servir à faire découvrir aux plus jeunes l’œuvre de Soulages, ou compléter les connaissances de ceux qui la connaissent déjà, elle se devait de faire preuve du maximum d’originalité possible afin d’intéresser ceux pour qui elle semblait n’avoir plus aucun secret à délivrer. Elle permettra de découvrir la variété des productions de l’artiste avant l’outrenoir, cette abstraction lyrique retenue et élégante, sollicitant le racloir ou la brosse, ces ocres et ces bleus qui se marient au noir, ces grands signes abstraits qui nous semblent si proches de la calligraphie d’extrême orient. Elle s’est mise au goût du jour, en prévoyant des immersions virtuelles dans l’univers du peintre grâce à des casques mis à la disposition du public. Et elle réactivera le film de Jean-Michel Meurice, consacré au plus illustre des peintres sétois (d’adoption). Et au plus coté, au mieux évalué, sur le plan mondial des peintres français en général (du temps de son vivant). Peintre qui vivait entre Sète et Paris mais fit ses études à Montpellier, où il rencontra celle qui allait devenir son épouse, et qui ne se priva pas de visiter ce Musée Fabre qui l’accueille à présent pour la 3ème fois, le temps d’un hommage posthume. BTN
Du 28-06 au 04-01-26

Lucas Arruda, Ivens Machado, Carré d’art, Nîmes
Le Brésil est à l’honneur cet été, pour la dernière de Jean-Marc Prévost, avec deux artistes de générations différentes, Lucas Arruda sous les feux d’un succès international au présent, Ivens Machado aujourd’hui décédé. Le premier s’accommode du tout petit format sur lequel il peint des paysages, tantôt avec ligne d’horizon, tantôt inspirés par une jungle imaginaire, traitée avec plus ou moins de précision. C’est assez dire si ce travail, a priori intimiste, s’ouvre à l’espace qui l’entoure, aux visiteurs en particulier, forcés de s’approcher pour aller y voir de plus près : la délicatesse du geste, la subtilité de la lumière, la finesse veloutée des couleurs, le caractère atmosphérique du paysage, l’absence de présence humaine avérée, qui nous éloigne de l’anecdote pour nous ouvrir à un monde autre, sans doute d’ordre spirituel. Un peu plus loin, les toiles se font plus abstraites, ciel et terre se confondent pour flirter avec le monochrome. Une série de diapositives nous plonge dans une dimension chtonienne, la gravure se faisant directement sur le medium. Ensuite, c’est la surprise totale : une salle où il n’y a presque rien à voir. Quatre carrés lumineux, immatériels, imposent la présence du vide. L’importance de la lumière se fait éclatante et l’on accède à une dimension spirituelle. Enfin, la vidéo d’un boxeur, dans le coma à la fin du combat, termine l’expo sur une note ambiguë. L’artiste s’est inspiré des dépositions christiques. L’humain y fait l’expérience des limites. De son côté, à l’étage inférieur, Ivens Machado recourait plus volontiers aux matériaux pauvres et lourds tels que le charbon, des treillis, le verre brisé, des briques, le béton, le ciment ou le gravier, dans un esprit proche de l’Arte Povera. Ses réalisations sont d’une grande puissance de suggestion, parfois anthropomorphes, comme cette longue langue montée sur talon ou ce dossier de verre qui pavoise au bout de deux tiges de fer. Des photos d’époque nous rappellent sa période offensive du côté de l’art corporel, dénonçant alors la dictature. Des vidéos du même style, mettent en évidence la violence, présente aussi dans des dessins sur carnets de notes, assez minimaux et iconoclastes. Deux expos contrastés l’une vouée à la peinture mais s’agit-il vraiment d’images, l’autre à une sculpture qui ne se confond pas avec la statuaire mais explore les limites du matériau. C’est cette expérience des limites qui semble les réunir. BTN
Jusqu’au 05-10

J.M. Othoniel, Palais des papes + 10 expositions en Avignon
On est toujours émerveillés par les installations de briques de verre ou d’inox miroités de Jean-Michel Othoniel. On se souvient de cette vague géante et statique qui déferlait dans une salle du Crac à Sète, des colliers et géométries amoureuses du Carré Ste Anne (Montpellier), de son occupation aventureuse de la salle d’armes du Prince noir au Musée de Montauban. La démesure lui convient admirablement et le Palais des Papes ne pouvait que solliciter son imagination fertile, avec sa Grande chapelle, son grand Tinel, sa grande Trésorerie, son cloitre et ses Jardins. Il fallait rien moins qu’un regard tourné vers le ciel d’une part, vers l’éternité et l’universalité de l’amour (Avignon vit se rencontrer Laure et le poète Pétrarque) de l’autre pour habiter une telle démesure. Cosmos ou le fantôme de l’amour associe ainsi le sentiment amoureux, dont tant de sonnets rendent compte, et des thématiques astronomiques, à travers des astrolabes géants ou les signes du zodiaque. Deux tombeaux de l’amour nous y attendent, dans quelque chapelle tandis que des peintures inédites occuperont le grand Tinel. Une quinzaine de salles prestigieuses et chambres, plus une tour, seront ainsi sollicitées, principalement par le truchement de briques, symboles planétaires de construction, de verre qui les rend diaphanes et lumineuses, de miroir enfin qui réfléchit et ajoute un caractère magique. Mais la ville d’Avignon ne s’est pas contente, pour le 25ème anniversaire de sa nomination en tant que capitale européenne de la culture, d’offrir son monument le plus imposant, le plus somptueux. Les divers musées de la ville (Calvet, Petit palais etc.), la place du palais (astrolabe géant), des Bains (fontaines) et Chapelle (Cœur en hommage aux Amants), et même la Collection Lambert, accueilleront les réalisations de l’artiste, toujours choisies en fonction de la spécificité de chacun (Herbier au Muséum Requen, par ex). Avec un départ prévu sur le pont d’Avignon, un portail de verre et deux croix, l’une en verre, l’autre en métal, tournées soit vers la ville soit les activités fluviales. C’est sans doute l’un des événements de l’été, avec pour point d’orgue une chorégraphie de Carolyn Carlson interprétée dans la cour d’honneur, enrichie de sculptures inédites les 1 et 2 août. BTN
Du 28-06 au 04-01

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