Superbemarché, au Miam (Sète)
Décidément le Miam étonnera toujours, c’est un peu sa raison d’être. Après les œuvres d’art que l’on achète dans les supermarchés, voici les emballages de produits de consommation élevés au rang d’œuvres d’art. En l’occurrence des papiers de soie qui entourent les agrumes, car c’est l’orange la véritable star de cette exposition, mais aussi les cagettes, les sacs en plastique imprimés, les billets de banque potentiels ou les papiers d’usage. Les dons de collectionneurs, la collaboration avec un lieu d’art associatif (La Fenêtre) ou le duo de designers Rovo, aura permis la réalisation d’une telle initiative. L’expo est coupée en deux, mais il faut y ajouter Belluc, à l’étage, l’un des premiers à avoir pensé à présenter en série ordonnées des collections d’objets que l’on dit populaires. Au rez de chaussée, ce sont 20 panneaux et 10 sections qui nous attendent, histoire de nous familiariser avec l’emballage fruitier qui nous est familier mais dont nous ne soupçonnions pas la richesse et variété : 20 panneaux explicatifs et 6 sections qui vont des origines évoqués à la récupération par les artistes, et surtout designers, de ce support supposé sinon pauvre du moins modeste. Sans oublier le folklore qui entoure, au sens littéral du terme, le précieux fruit juteux, les allusions à son voyage avant que de nous parvenir, l’insistance sur ses vertus vitaminées ainsi que les images exotiques ou célestes qu’il inspire. Parmi les artistes, on retrouve avec plaisir Les Matons (dont la moitié féminine et nîmoise vient de nous quitter) et leurs « frutas matonasse » performés en 2005, cagettes et papiers confectionnés par eux-mêmes. Les designers du groupe madrilène El Vivero qui en font un motif de recherche graphique. Ou Antoni Miranda, l’un des artistes de la Food Culture qui présente des photographies de binômes fruitiers plus humains que nature. On découvre avec surprise une Louise Bourgois pelant une orange comme Warhol consommait un burger. A l’étage, l’expo s’élargit aux autres possibilités d’embellir les produits d’usage quotidien : Bastien Aubry et Dimitri Broquart imaginent des sculptures en céramique empruntées au monde du packaging ; Mazaccio et Drowilal racontent des histoires sur du Sopalin essuie-tout. Les emballages, de type alimentaire, chez Sylvie Sauvageon, inspirent le peintre Francis Baudevin. Les cartons de transport : Hans-Rudolph Lutz. Les billets de banque : Sébastien Girard tout comme le trio Cremers-Prill-Vieceli. L’architecte Eric Monin collectionne les sacs plastiques, imprimés de constructions diverses. Comme on le voit, l’éventail est assez large. Tout est prétexte à innover en matière de graphisme, couleurs et narration, de sorte que l’art s’insinue dans les consciences des utilisateurs, la plupart du temps à leur insu. Quant aux collectionneurs spécifiques, leur choix singulier est caché dans les replis de souvenirs de bonheurs ou au contraire de frustrations, lovées dans le passé. Il n’est pas jusqu’aux calots publicitaires qui aient déchaîné les passions des généreux donateurs. Robert Filliou s’en amusait, non sans proposer un mode d’emploi pour bien faire ou mal faire l’un de ces objets de fantaisie. Ou de s’en affubler, tel un fou exhibe son couvre-chef. Le Miam met le doigt sur les petites choses mais c’est pour bousculer les hiérarchies et promouvoir un art accessible au plus grand nombre, pas seulement à des élites autoproclamées. BTN
Du 11-04 au 08-03-25
Superbemarché au Miam (précisions)
Encore une expo qui ravira le grand public d’autant qu’elle est fournie, colorée, assez diverse et qu’elle se focalise sur des objets du quotidien auquel nous ne prêtions pas attention, papiers d’agrumes et cagettes, alors qu’ils en disent long sur nos représentations du monde et des autres. Et qui plaira aussi à ceux qui suivent l’art contemporain de près puisqu’on y retrouve avec plaisir le duo Mazaccio et Drowilal en collectionneurs de Sopalin et qui clôturent l’expo de manière somptueuse, sur bâche géante illustré de dessins ou photos d’amateur. Ainsi le pauvre et le populaire, en résumé, le modeste, se voient hissés au rang de l’art. Les boîtes à pizzas ou à céréales se métamorphosent en sculptures de porcelaine émaillée (Aubry et Broquard). Les motifs d’emballage de Carambar ou de harissa deviennent de superbes toiles abstraites. Les citrons en gros plan d’Antoni Miralda honorent le genre de la nature morte. Le chapeau de papier de Filliou (cf. Fluxus) est aussi de la fête. Et Louise Bourgeois ressuscite son enfance en sculptant un personnage à partir d’épluchures d’orange. Toutefois, ce sont les motifs de cagettes présentés en compositions murales de El Vivero, les calots publicitaires, ou les sacs plastique d’Eric Monin, toujours en référence à l’architecture, et les innombrables papiers de fruits qui retiennent le plus l’attention. L’iconographie, le graphisme, la palette colorée, tout est fait pour suggérer le maximum de choses avec une économie de moyens qui force l’intérêt. L’expo est labyrinthique ce qui fait que la surprise nous attend à chaque détour et mouvement, en grand ou petit format, en vitrine ou en images documentaires, en tas ou déployées dans l’espace. On saluera la présence des Matons, pionniers du genre et d’un vinyle au design ravageur confectionné par Félicité Landrivon. BTN
Jusqu’au 8 mars 2026