Diane Arbus, Carrie Mae Weems, Christodoulos Panayiotou, à Luma (Arles) (Première version, à compléter et corriger)
Luma, intérieur de la Tour ou bâtiments extérieurs, outre un engagement très fort pour l’environnement et pour des causes louables, c’est l’assurance de scénographies soignées dans des espaces à la mesure de la notoriété mondiale des artistes conviés. Et quand la salle est trop petite, un immense miroir au fond donne l’illusion qu’elle est deux fois plus grande. C’est le cas pour la présentation spectaculaire des argentiques en Noir et Blanc, 454 exactement, qui nous attendent dans la galerie principale, sur des cadres métalliques disposés en labyrinthe, et également le long des murs, de sorte que l’on ait l’impression de se perdre dans le dédale newyorkais, où Diane Arbus a puisé l’essentiel de ses sujets jusqu’à sa disparition tragique (1971). On visite ainsi avec son corps plutôt qu’avec les yeux seuls, et chacun peut creuser son parcours sans empiéter sur celui des autres… D’autant que les clichés sont disposés à des hauteurs différentes obligeant à des mouvements variés qui renvoient à la diversité des modèles portraiturés (Géant, nain, Musclor, Tiny Tim…). Ils sont tous de format modeste, réservent pas mal de surprises (Marcel Duchamp et sa femme, en plan rapproché et parfait contrejour, ou James Brown, chez lui, en bigoudis). Toutefois, Diane Arbus s’est essentiellement penché sur les êtres que l’on avait tendance à marginaliser (prostituées, strip-teaseuses, vieillards, handicapés, siamois, « monstres » que n’aurait pas dédaignés le cinéma, transsexuels, travestis, tatoués, et même tueur à la hache du musée de cire…), et que l’on évitait de mettre en exergue dans les milieux de l’art dans les années 50 et 60. Ils nous sont offerts en « Constellation ».
Dans la Galerie Est, le chypriote Christodoulos Panayiotou déploie sur One Year une installation amenée à se compliquer d’éléments nouveaux au fil de l’an. Pour l’inauguration, il avait déposé 12 vases en verre, un par mois, de taille et de couleur différente, sur quatre tables en marbre à l’instar des saisons. On repère tout de go la dimension temporelle de ce travail qui joue sur la fragilité d’un matériau et la solidité pérenne d’un autre, même si ce dernier est maculé de tags, histoire de renvoyer aux traces du présent, fût-il éphémère. Une montre au sol distille sa mécanique tandis qu’une bande- son fait intervenir une nouvelle dimension : les fantômes de pas de l’artiste.
C’est en la Mécanique générale, complètement relookée, que se déploie la spectaculaire intervention de l’artiste américaine, Carrie Mae Weems. Outre des photos antérieures, de leaders de la cause noire, ou d’artistes (Mahalia), présentées de manière originale et décalée, dans un environnement intimiste et ironique, on repère le long des murs des séries qui ont assuré sa célébrité, notamment des objets téléphoniques laissés pour compte et devenus objets de musée, vestiges d’une époque. Le ton est donné : l’artiste enregistre ce que la société ou le système rejette et le restitue selon une forme (The shape of things) qui lui fait acquérir ses lettres de noblesse. Pas de celles que l’on voit en ombre chinoise (l’artiste ressuscite des procédés ancestraux) dans la série Meaning and landscape, et qui renvoie au passé douloureux de la Louisiane esclavagiste. Celle faite de douleurs et de violence dont les images témoignent encore aujourd’hui. Autre série remarquable : Painting the town ou des palissades de magasins fermés, eux aussi délaissés, servent de prétexte à des tableaux qui n’ont pas grand-chose à envier à la peinture abstraite reconnue. Mais ce sont surtout les installations qui étonnent : un immense poster renvoyant au fameux Dream américain sur une scène où se prépare un concert miniature ; des éléments de mobilier en bois où méditer et s’exprimer avant de communiquer dans d’imposants porte-voix ; des totems formés de pagaies devant des images peintes de carnage animal… Et puis les vidéos. Les plus célèbres de la carrière de Carrie Mae Weems (All the boys, portrait anonyme et volontairement flouté ; l’homme noir qui marche sur un tapis de sport ; Make something happy, avec ses forts contrastes…) projetées en continu, sur un écran en creux à 360 degrés. Au bout d’un corridor tapissé d’impressions numériques de l’artiste grimée, la vidéo Lincoln, Lonnie and me, où des images de spectacles se succèdent comme par magie, au creux d’un rideau rouge de théâtre… On a, plus énigmatique, derrière un léger rideau transparent, une porte seule qui fait face à un astre étincelant mis en exergue devant l’obscure immensité céleste. L’œuvre quitte la réalité matérielle pour s’ouvrir vers d’autres sphères, spirituelles. Des portraits satiriques d’hommes à tête d’animaux complètent cette présentation qui nous plonge dans le passé un peu honteux de cette Amérique qui fit pourtant rêver le monde entier. Mais capable aussi de reconsidérer ses erreurs et de ne plus les reproduire.
D’autres propositions sont annoncées pour juillet : Agnès Varda, Shahryar Nashat, Rachel Rose… BTN
Jusqu’à l’hiver, Parc des ateliers, 35 av, V. Hugo, 0466881000