Sylvie Fleury, Armelle Caron, Anna Maschiari, Mrac de Sérignan
Une nouvelle fois le Mrac fait mouche avec cette expo tripartite qui pousse à la réflexion sans exclure la dimension esthétique et plaisante. Sylvie Fleury d’abord, à l’étage, à toute reine tout honneur. L’occasion de découvrir un panel représentatif de son œuvre passée et plus récente. Les noms de marques de parfums peintes sur un fond mural, lui-même coloré, les enseignes au néon, les sacs de luxe posés au sol, la reconstitution d’une boutique de chaussures… nous plongent dans un univers féminin où la couleur ne cherche pas la discrétion. Une série de « shaped canevas » inspirés de palettes de maquillage le prouve. Précédée d’une parodie d’une étagère style Steinbach, une pièce entière ironise sur l’art masculin des années 60 et 70 en ajoutant des formes molles, des paillettes, des objets du quotidien ou du maquillage aux œuvres phares de Don Judd, R. Serra, Carl André, Sol Lewitt etc. La figure du mannequin, en élève punie, s’impose et nous rappelle l’aliénation féminine aux images idéales que l’on attend d’elles, alors qu’une fusée tourne en direction la conquête spatiale. Dans une coin discret, Buren est également féminisé de formes souples tandis qu’une énorme dent de requin fait face à une paire de jambes féminines sortant du mur, couverte de peinture bleue chromo. Enfin une série de vidéos imagine des mannequins supplantant les hommes dans des travaux mécaniques liés au luxe automobile. Une expo du tonnerre (Thunderb) qui ne renie pas sa filiation avec Duchamp.
Dans la salle d’art graphique, Armelle Caron nous confie ses secrets d’atelier en même temps que Le ressac des cahiers jaunes qui alimentent quotidiennement sa réflexion. Des vidéos marines sont complétées par la redéfinition des murs en bandes d’horizon colorées, entre terre, mer et ciel. La couleur semble être une priorité pour l’artiste qui lui donne forme dans des herbiers chromatiques à 3 composantes mais aussi dans la série textuelle « Je me souviens » qui se réfère à Georges Pérec, dans l’évocation des chambres qu’elle a occupées ou dans les échancrures de tapisseries en jacquard inspirées de visions médiévales de la Méditerranée. Car la question du lieu est également primordiale. C’est elle qui guide la confection de collectes de plantes soigneusement recensées, le plan de la ville arrangée en écarlate (Rome rangée) ou les dessins cartographiques qui découvrent Les rivière dans les pli. Du texte à la vidéo tous les mediums sont sollicités.
Enfin, au rez-de-chaussée, un immense plastique, translucide et courbe, d’Anna Maschiari, divise l’espace en deux mondes contrastés : celui, chtonien et sombre des catacombes étrusques, filmées par l’artiste et projetées dans d’étroites vidéos correspondant à l’exiguïté des lieux (cinq, en décalage temporel sciemment calculé) ; celui plus intimiste d’une sorte de salon où se poser et examiner. Se poser sur une des 3 « sculpture-canapé », contempler le plafond de toile peint à l acrylique et surtout les parois tapissées de toiles libres et légères qui se glissent le long du parcours. D’un côté la recherche, la déambulation, l’invisible apparent, de l’autre la réflexion, la lumière, la couleur. On réfléchit après avoir cherché. C’est sans doute une définition de l’art.
Sylvie Fleury nous plonge dans la modernité des objets rutilants de consommation et de l’image qu’ils véhiculent, Armelle Caron nous ramène à la nature où il lui plaît de ramasser des pierres et coquillages et surtout des plantes aux couleurs nuancées. Anna Maschiari nous immerge dans un passé lointain où collecter des formes et couleurs. Au-delà de leurs légitimes revendications de femmes, les trois artistes ont ainsi pour dénominateur commun l’expression de la couleur. BTN
Jusqu’au 22-03